I (Don't) Know What You Did Last Summer

• Comment vérifier l'alibi d'un suspect 15 ans après les faits ?


• Comment reconstruire le déroulé d'une affaire à partir de souvenirs qui s'estompent dans la mémoire des témoins ?


• Peut-on faire confiance à l'histoire sans cesse ressassée (allitération bonjour) par la personne condamnée à l'époque des faits ?

Voilà des questions qu'on ne se pose pas souvent (ou alors c'est votre métier..)! Avec Serial (Cet avis concerne la saison 1), on y plonge directement, et c'est passionnant. Je cherchais un podcast à écouter distraitement lors de trajets dans les transports en commun. Et je n'irai pas jusqu'à dire que je faisais exprès de faire des détours pour en écouter plus, mais on n'en était pas loin...

N'ayant jamais été fan des émissions que je trouvais un peu "voyeur" de type "faites entrer l'accusé", j'ai un peu hésité à m'y mettre, mais la hype m'a décidé. J'y ai découvert une enquête menée tambour battant par Sarah Koenig et bien plus encore.

Tout d'abord, le problème proposé est fascinant: comment établir l'innocence d'une personne dans un cas de meurtre 15 ans après sa condamnation ? Suivre le cheminement intellectuel de Sarah Koenig face à ce casse tête stimule, enrage et délecte: "mmmh, si on me dit que Machin était à la bibliothèque du lycée à cette date là, à ce moment là, comment le vérifier ? Est-ce qu'on se rappelle vraiment ce qu'on faisait une journée qu'on pensait être lambda il y a 15 ans ? ... Peut-être qu'il y a un registre des ouvertures de session sur les ordinateurs de la bibliothèque qui est encore accessible ???" TRY AGAIN. L'aspect puzzle justifie en tant que tel l'écoute du podcast, au travers des questions de mémoire, de témoignages, de reconstitution, d'alibis qui y sont soulevées.

Ensuite, et c'est sûrement ce qui rend ce podcast aussi poignant, on voit Sarah Koenig s'empêtrer dans des théories, des raisonnements, épisode par épisode, dans l'espoir qu'elle trouvera une réponse plus ou moins définitive au mystère qu'elle cherche à résoudre. Je ne veux rien spoiler, et je dirai juste que c'est la première fois que je comprends la frustration, l'espoir et l'ensemble des émotions qui entourent une enquête comme celle ci, et que je ne les ressens pas comme une "convention de genre".

Je m'explique: prenez n'importe laquelle des séries policières & autres procedurals audiovisuels, vous trouverez plus ou moins le même schéma: indices & fausses pistes (red herring en anglais, ça m'a toujours fait marrer ce terme) pour tenir en haleine avant de trouver le "véritable coupable", souvent devant nos yeux depuis le début. En tant que spectateur, on le sait bien que ce sont des fausses pistes (faut tenir 40mins), et on le ressent comme tel. Mais devant "Serial", rien ne m'avait préparé à m'investir intellectuellement et émotionnellement dans une enquête où personne ne sait si une piste apportera des éléments de réponse ou sera stérile. En ce sens, on est assez proche du superbe "Zodiac" de Fincher.

Serial, victime de son succès, est le premier d'une longue liste de podcasts d'enquête true crime. J'en ai essayé d'autres par la suite, mais je reviens toujours à cette première saison pour établir le mètre-étalon du genre. Un autre m'a beaucoup plus: la saison 1 de "Up and vanished" qui suit également une histoire de disparition & de meurtre. Je fais le parallèle avec ce podcast pour illustrer ce qui me semble essentiel pour distinguer un podcast d'enquête un peu racoleur (voir les podcasteurs dans le dernier "Halloween" :)) d'une véritable enquête où l'on s'investit émotionnellement.

Tout d'abord, l'impact de ces podcasts: suite à ces enquêtes, les cas étudiés ont suivi des développements importants (procès en cours pour "Up and vanished" & ouverture du cas en appel pour "Serial"). S'il est difficile de justifier l'utilité de ces podcast uniquement à l'aune de ce succès (autres succès: donner une voix aux proches des victimes, etc.), je pense tout de même que c'est un signe non négligeable du travail accompli.

Ensuite, l'investissement émotionnel et personnel des enquêteurs: On est aggripé dans l'histoire au travers de ces sleuths amateurs, qui se jettent corps et âme dans la résolution d'un mystère. Un exemple: la saison 1 d'"Up and Vanished" devait initialement suivre le modèle "Serial" et n'être composée que de 12 épisodes. Payne Lindsey en fera 24 (pour le moment). Nous ne sommes donc pas dans la simple exploitation d'un fait divers trash pour tirer profit de l'attrait pour le morbide des spectateurs (ou juste un peu :)), mais bien plus dans l'exposition d'une véritable (en)quête de vérité menée cahin-caha.