Serviteur du peuple par limma

V. Zelenski a obtenu plus de 70% des voix suite semble t-il à un concours de circonstance et au succès de sa série, Serviteur du Peuple. Déjà connu dans le pays pour ses spectacles, faisant le clown en chantant, amateur de cinéma et de C.Chaplin, gagnant tous les concours avec sa troupe d'amis depuis plus de vingt ans, Zelensky passe tranquillement le quatrième mur en 2019, appelant son parti du nom de la série.

Les Ukrainiens l'ont tant appréciée, soldats compris, dès 2014 suite à l'invasion de la Russie en Crimée, que le peuple tout entier l'aurait motivé à se présenter aux présidentielles. La mauvaise passe du président alors en poste et le massacre de Maïdan, aura certainement aidé.

Cet homme sans expérience politique et malgré quelques couacs mettant à mal sa politique anti-corruption, propulsé avec succès chef de guerre en 2022, renvoie à son personnage de série et procure un décalage surprenant.

Vassili Petrovitch Goloborodko est un professeur d'histoire, pétant un câble face à la corruption ambiante, fait le buzz sur le net et, poussé par ses élèves se présente et gagne les élections à 67% des voix. Personnage authentique, balayant la langue de bois, naviguant à vue entre ses contraintes politiques et les besoins du peuple en quête de justice, on passera volontiers sur certaines scènes qui traînent vraiment en longueur, manquant de finesse dans les caractérisations de personnages, car l'ensemble est réussi et l'humour accessible.

Entrecoupéees de scènes où notre héros un peu gaffeur mais pugnace dialogue avec certaines figures historiques venues le motiver à balayer toutes les scories, en usant de méthodes radicales fantasmées, outre l'aspect créatif et ludique, la critique tape juste et englobe nombre de problématiques différemment déclinées sur la corruption et jouant de diverses situations pour appuyer le propos qui résonnera encore dans l'actualité. Débats télévisées, grèves des travailleurs, détournements de fonds, surveillance rapproché d'un premier ministre qui s'échine à le manipuler sans succès et de trois oligarques qui jouent au Monopoly. De bons moments comiques alors qu'il cible frontalement le pouvoir réel en Ukraine et sûrement ailleurs.

Ce professeur inexpérimenté s'entourant de ses meilleurs amis pour diriger le pays, vivant chez ses parents à 40 ans aura tout un environnement féminin que l'on salue en passant. Les diverses crises familiales avec divorces, parents tout autant envahissants que protecteurs et tout les autres se rêvant aux meilleurs postes du palais présidentiel, rendent le personnage attachant.

24 épisodes de 25 minutes pour brosser le portrait d'un pays, la série n'a pas connu le même succès en Russie et a été supprimée des antennes dès le troisième épisode.

Tous les acteurs sont parfaits avec mention à Stanislav Boklan et la voix particulière de Zelensky est un vrai plaisir d'écoute.

Quelques extraits de la vie de Zelensky sont visibles sur les deux documentaires diffusés actuellement. Volodia devint Zelensky de Yves Jeuland et Lisa Vapné sur Arte - axé sur la jeunesse et les spectacles mais où son talent de communiquant est indéniable. Et Zelensky Story de Michael Waldman, Louis Lee Ray pour le Président Zélinsky face caméra qui revient sur son ascension. On est frappé par un passage filmé lors d'une réunion où nous y verrons Macron et Merkel se diriger ensuite vers Poutine, laissant Zelenski seul en bout de table, montrant cet homme au courage et à la résilience marquants, tout autant isolé que l'a été A.S.Massoud en avril 2001 à Paris où personne ne semblait prendre la mesure de ses alertes.

L'intérêt de cette fiction qui rejoint la réalité est bien dans l'importante nécessité démocrate, sans peur et sans reproche pourrait-on dire, de la mise en lumière pour les Ukrainiens et pour nous par effet rebond, de tout ce qui est possible de faire dès lors qu'on le décide.