Enquête dans un monastère catholique aux débuts de l'anglicanisme, adaptée du roman policier Dissolution de Christopher John Sansom. Ambiance sombre et marécageuse, où un enquêteur bossu assisté d'un godelureau à belle braguette, mandaté par Thomas Cromwell, fer de lance de la réformation anglaise, doit chercher la vérité sur le meurtre d'un commissaire du roi Henry VIII - à moins qu'il ne s'agisse de forger des preuves qui permettront la saisie de l'opulent monastère, le même genre de preuves que celles qui ont nourri le procès et l'exécution d'Anne Boleyn ?
Cela n'est pas sans évoquer le Nom de la Rose, avec là aussi un contexte théologico-politique, où s'opposent nobles arguments et basses visées (corruption catholique où l'or et les messes qu'il finance rachètent des péchés mortels: luxure et meurtre; hypocrisie des puissants qui prétendent redistribuer les richesses des monastères fermés aux pauvres pour justifier leur appropriation). Sans compter un curieux paradoxe: en ces temps brutaux où la force domine, la nécessité d'avoir des preuves pour pouvoir légalement procéder aux confiscations.
L'épisode d'ouverture plante bien le décor, le second un peu brouillon déçoit mais le troisième relance l'intérêt vers un final où les masques tombent et le sens de la vérité et de la justice de Master Shardlake vacille.
L'ambiance est sombre, froide et humide, qui n'empêche pas des traits d'humour. Le massif monastère (une synthèse réussie du château de Kreuzenstein en Autriche et du château des Corvin en Roumanie) est assez labyrinthique. Il y a de très belles scènes en clair obscur qui font penser à des portraits hollandais du XVIIe siècle. Même si chacun n'est pas très développé, touche après touche les personnages acquièrent une épaisseur et dévoilent leur histoire. Les acteurs jouent bien dans l'ensemble et sont crédibles - dès que l'on accepte de voir des acteurs non blancs de tenir des rôles dans une œuvre se déroulant au XVIe siècle.
Malgré ses faiblesses et quelques facilités, cette courte série renouvelle effectivement le "genre Tudor", et dépasse très nettement la pâle copie du film de Jean-Jacques Annaud qu'elle aurait pu être.