Entre foi et fanatisme : la tension sous la surface

Sleeper Cell (2005), diffusée sur Showtime (aujourd’hui disponible via Paramount Plus), s’impose comme une série à la fois courageuse et imparfaite. Dans un paysage télévisuel encore marqué par les répercussions du 11 septembre, elle choisit d’aborder frontalement le thème du terrorisme islamiste, avec une rare complexité. Je lui ai attribué un 7/10 : une note qui reflète à la fois mon admiration pour ses intentions et ma frustration devant certaines limites dans sa mise en œuvre.


Le parti pris d’infiltrer le regard du spectateur dans une cellule djihadiste à travers un agent du FBI lui-même musulman (Darwyn, interprété avec une sobriété remarquable par Michael Ealy), donne immédiatement à la série une tonalité à contre-courant. Ce n’est pas une série de propagande sécuritaire. C’est une série sur les fractures internes — personnelles, culturelles, spirituelles — qui façonnent l’Amérique post-11 septembre. Et là-dessus, Sleeper Cell mérite d’être saluée : elle refuse les raccourcis, évite les amalgames, et offre au public un point de vue souvent négligé.


Le suspense est au rendez-vous. Chaque épisode fait monter la pression d’un cran, avec un bon sens du danger latent. Cependant, à mesure que l’on avance, une certaine prévisibilité s’installe. Les structures narratives deviennent plus visibles, les rebondissements plus téléphonés. Le procédé de tension — infiltration, mise en danger, retour au calme temporaire — finit par se répéter, ce qui nuit à la densité dramatique globale. On aurait aimé des choix scénaristiques plus audacieux, qui déstabilisent vraiment.


Ce que la série réussit mieux que beaucoup d’autres, c’est son regard nuancé sur la religion musulmane. L’islam n’y est ni diabolisé ni idéalisé. Il est montré comme une foi complexe, vécue différemment selon les personnages. Le personnage de Darwyn illustre parfaitement cette diversité intérieure : il prie, doute, s’indigne. C’est une figure rare à la télévision américaine, surtout à cette époque. En revanche, d’autres personnages musulmans manquent de profondeur. Leur radicalisation paraît souvent trop schématique, voire un peu instrumentale. Cela donne l’impression que l’équilibre narratif entre humanisation et dénonciation reste fragile.


L’ensemble du casting tient la route, même si certains rôles sont plus archétypaux que réellement développés. Michael Ealy, en revanche, est une révélation : il incarne un Darwyn tout en retenue, pris entre devoir, foi et identité, sans jamais sombrer dans le pathos. On sent chez lui une colère contenue, une fatigue morale, qui rendent le personnage crédible et touchant. Il aurait cependant gagné à être confronté à des adversaires plus nuancés — certains antagonistes sont trop caricaturaux pour permettre un vrai dialogue idéologique.


Sleeper Cell n’est pas une série parfaite. Son ambition dépasse parfois ses moyens. Mais elle a le mérite de poser les bonnes questions au bon moment. En mêlant thriller d’infiltration et réflexion identitaire, elle ouvre un espace de discussion que peu de séries américaines ont osé explorer à l’époque. Ma note de 7/10 reflète cette tension : celle entre le respect de ses intentions fortes, et la réserve devant un traitement parfois inégal. C’est une série à voir, à discuter, et à replacer dans son contexte historique pour en saisir pleinement la portée.

CriticMaster
7
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le 10 juin 2025

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