Sweet Tooth
6.3
Sweet Tooth

Série Netflix (2021)

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The Deer Hunters [Critique saison par saison de Sweet Tooth]

Saison 1 :

Si les nombreux fans des comic books de Jeff Lemire frémissaient devant la perspective d’une adaptation à la sauce Netflix du récit post-apo "Sweet Tooth" (et la redoutaient sans doute autant…), on ne peut pas vraiment dire qu’on accordait a priori le moindre crédit à cette nouvelle série positionnée par la plateforme comme « familiale », centrée autour du personnage d’un enfant de dix ans trop mignon affublé de bois de cerfs. Après avoir beaucoup hésité à nous lancer dans cette histoire peu attrayante – et ce d’autant que le premier épisode est assez accablant par son recyclage de scènes déjà trop vues et par son souci de rendre tellement attachant son héros, quelque chose s’est mis en place. Et, 7 épisodes plus tard, nous sortions de là en admettant que nous avions plutôt passé de bons moments devant la série de Jim Mickle et Beth Schwartz.

Cette histoire de monde décimé par une pandémie libérée d’un laboratoire travaillant sur un virus ramené du sol gelée l’Alaska, qui dépeint une société en ruines, déchirée entre para militaires brutaux recherchant des enfants hybrides d’animaux nés avec la pandémie et défenseurs des dits enfants, ne présente absolument aucune originalité. Et même si les deux derniers épisodes en forme de flash-backs s’avèrent très excitants, ils ne contiennent rien a priori d’original dans leur enchaînement de “révélations” assez convenues.

Et pourtant, tout ça fonctionne, et la série réserve même quelques moments singulièrement touchants au milieu des stéréotypes politiquement corrects qui nourrissent un scénario prêchant systématiquement la bonne parole écologique et le respect de la différence… "Sweet Tooth" gagne clairement des points qu’elle s’éloigne un peu du périple de notre héros trop choupinet qui fait craquer tout le monde (on est assez loin de l’image créée par Lemire !), et c’est sans doute la partie réellement paranoïaque consacrée au couple formé par le médecin chercheur et sa femme contaminée, cherchant à éviter l’attention de voisins prompt à l’autodafé, qui achève de nous convaincre du sérieux d’une histoire… sans doute un peu excessivement polie par Netflix afin de ratisser large en termes d’audience.

Et si cette bonne tenue d’une série aussi “convenue” était due à quelque chose de très simple, que la majorité des productions sérielles et filmiques de Netflix ignoraient la plupart du temps ? Le professionnalisme de toute l’équipe en charge de "Sweet Tooth", ou, plus précisément, le soin apporté à tous les aspects « techniques » de la série… l’amour du travail bien fait, le respect du public. Rien de révolutionnaire, rien de vraiment excitant, et pourtant…

Voici donc une histoire correctement écrite qui n’abuse pas de facilités pour gérer les invraisemblances inévitables de son sujet, voici une photographie qui magnifie les paysages naturels d’une Amérique redevenue sauvage (en particulier le Parc de Yellowstone), voici une réalisation discrète et efficace, et surtout une direction d’acteurs impeccable qui permet à un casting dépourvu de célébrités d’exceller… Il y a une forme de simplicité dans ce cinéma de divertissement, basé sur des sentiments universels et des concepts simples, peuplé de personnages attachants, qui renvoie souvent au cinéma familial d’antan, en dépit de l’excès de codes et de références contemporaines.

Comme les mystères s’accumulent dans les dernières minutes du dernier épisode, avec cliffhanger de circonstance, il est même probable qu’on ait envie de tenter une seconde saison ! Et de lire le comic book de Lemire, sans doute bien supérieur…

[Critique écrite en 2021]

https://www.benzinemag.net/2021/06/12/netflix-sweet-tooth-ladaptation-tres-reussie-dun-comic-book/

Saison 2 :

Deux ans ou presque ce sont écoulés depuis la mise en ligne de la première saison de Sweet Tooth, adaptation ambitieuse du comic book de Jeff Lemire : c’est évidemment beaucoup lorsqu’on parle d’une série dont le personnage principal est un enfant. Christian Covery, qui joue le rôle de Gus, l’enfant-cerf, n’a plus 11 ans, mais 13, et le raccord entre le dernier épisode de la saison précédente et le début de celle-ci est logiquement difficile. Mais, paradoxalement, le fait que l’acteur principal ne soit plus un petit enfant mais un quasi pré-adolescent, ajoute de la crédibilité à ses aventures, et aux initiatives courageuses que notre petit héros prend face aux très méchants « derniers hommes » qui le traquent.

Rappelons que Sweet Tooth décrit un (autre) monde post-apocalyptique, dans lequel l’humanité a été balayée à 90% par un virus, apparu simultanément avec la naissance d’étranges « enfants-animaux », qui sont largement considérés par une bonne partie des survivants comme responsables de la pandémie. Gus – on l’a appris à la fin de la première saison – est en fait « le fils » d’une chercheuse travaillant dans le laboratoire d’où semble être sorti le virus, qui l’a confié à un collègue avant de disparaître elle-même à la recherche d’une manière de mettre fin au cataclysme. Capturé par une milice qui se qualifie elle-même comme « les Derniers Hommes », Gus rejoint les enfants-animaux qui servent de cobayes au Dr. Singh, qui recherche lui aussi un vaccin ou un traitement.

Le problème de la série, visible dès le début, et qui s’accentue dans la seconde saison, est le déséquilibre entre son aspect « familial », avec de nombreux moments où l’on est sensé s’extasier sur les mignons enfants-animaux, et avec une édulcoration systématique de la violence, et la noirceur de son thème, provenant du matériau d’origine, âpre et sombre, de Jeff Lemire. Car cette interrogation – assez classique dans les films ou séries post-apocalyptiques – sur la nature de l’humanité (ici, les animaux ne sont-ils pas plus humains que leurs bourreaux ?), s’accompagne de scènes potentiellement éprouvantes : il y a les expériences du Dr. Singh, prêt à sacrifier son éthique pour peut-être sauver sa femme contaminée, mais surtout pour découvrir la solution à un problème scientifique qui le passionne, mais aussi les combats – plus convenus – entre les différentes factions de survivants, débouchant sur des scènes de violence…

… Et il faut bien admettre qu’il s’agit d’un défi que Sweet Tooth n’arrive pas à relever, et qui crée une frustration grandissante chez le téléspectateur. Comment ne pas s’irriter devant la niaiserie profonde des scènes entre enfants – desservis par des maquillages largement ridicules ? Comment ne pas être déçu quand les affrontements entre adultes présentés comme cruels, brutaux, etc. se révèlent totalement anodins ? A ce titre, le dernier épisode, avec son combat jusqu’à la mort, dans la forêt, entre la petite troupe des Derniers Hommes et l’encore plus petite bande entourant Gus, qui n’a ni puissance, ni crédibilité : pire encore, l’accumulation de coïncidences totalement invraisemblables – comme le fait que les personnages se rencontrent ou se retrouvent presque par magie dans un territoire pourtant immense – limite largement notre adhésion à la série (si l’on pense aux dernières scènes présentant le sujet de la future troisième saison, il est difficile de ne pas grincer des dents quant à la manière dont le Dr. Singh retrouve la piste de Gus !).

Bref, on s’était senti plutôt bienveillant vis-à-vis d’une série qui bénéficiait d’une réalisation soignée et qui était portée par une narration équilibrée, mais notre patience s’érode au fil de ses 8 nouveaux épisodes jamais réellement convaincants.

Il est sans doute grand temps de laisser nos pauvres héros s’enfoncer dans le grand Nord et de passer, quant à nous, à des choses plus sérieuses.

[Critique écrite en 2023]

https://www.benzinemag.net/2023/05/21/netflix-sweet-tooth-saison-2-mise-a-mort-de-lenfant-cerf-sacre/

EricDebarnot
6
Écrit par

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le 21 mai 2023

Critique lue 466 fois

3 j'aime

Eric BBYoda

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