Probablement la meilleure série française que j'ai jamais vu

Ca m'arrache un peu la langue de l'écrire au vu des penchants idéologiques de la plateforme de streaming au N rouge, mais il faut bien avouer que Netflix a frappé fort avec cette série consacrée à la figure controversée de Bernard Tapie.

Le résultat est tout simplement bluffant. A commencer par la performance des acteurs, Laurent Lafitte en tête, qui a su s'approprier le personnage sans tomber dans le piège d'un mimétisme caricatural, et de la charmante Joséphine Japy, plus que convaincante dans son rôle de femme d'affaires et soutient indéfectible de son mari.

Je n'oublie pas non plus notre Fabrice Lucchini national qui est ici utilisé à merveille, loin des rôles de cabotins qui parfois lui sont affectés, ainsi que l'étonnant David Talbot qui crève l'écran dans le rôle du procureur Eric de Montgolfier : celui-ci délivre une prestation d'anthologie dans une scène du dernier épisode qui restera dans les annales des productions télévisuelles tant par le jeux d'acteur que par la tension ressentie par le spectateur.

Le scénario est habile et trouve un équilibre subtil entre la vie publique et privée de Tapie. Il évite l'hagiographie béate comme le lynchage en règle, brossant un portrait nuancé de son sujet sans pour autant jamais éluder son côté magouilleur et parvenu.

Le réalisateur Tristan Séguéla, dont le père s'avérait être un ami de Tapie, a eu l'intelligence et la subtilité de dépeindre son sujet de manière à ce que tant ceux qui admiraient Tapie que ses plus fervents détracteurs puissent y trouver leur compte.

Pour ma part, né en 1990, j'étais évidemment trop jeune pour connaitre en détails et m'intéresser au personnage. Avant de regarder la série, mes connaissances sur Tapie se limitaient à sa courte vie politique, à Adidas et à l'OM. La série m'a donc appris beaucoup de choses sur la vie de l'homme d'affaire.

Néanmoins, l'intérêt du récit va bien au delà du simple personnage de Tapie : j'y vois surtout le récit réussit d'une France qui se jette dans le grand bain du libéralisme à la sortie des Trente Glorieuse, d'un pays en proie à beaucoup d'incertitudes sur son avenir et en pleine mutation économique et sociale. La série parvient avec succès à capturer l'esprit de l'époque.

J'ai pu lire ici ou là que certains spectateurs regrettaient que la scénario se permette quelques ellipses et ne s'attarde pas sur des éléments connus de tous, comme le rachat d'Adidas ou de l'OM. Je trouve au contraire que les choix réalisés par les scénaristes plutôt judicieux car ils permettent d'aérer le récit en ne gardant que les éléments nécessaires pour rendre à la fois intelligible et dramatique l'histoire de l'ascension sociale de ce fils de prolétaire à la grande gueule.

On pourra regretter un épisode 4 un peu en dessous des autres de part ses enjeux limités ou le rôle de Dominique Tapie en femme d'affaires, dont l'importance a été surévaluée par rapport à la réalité pour rendre le récit plus dramatique et croustillant, mais ce serait bouder son plaisir tant le reste constitue un tour de force rare dans les productions télévisuelles françaises.

La réalisation du fils Séguéla est maitrisée de bout en bout, et l'équipe technique, décorateurs en tête, a effectué un boulot de reconstitution phénoménal de cette France à la sortie des Trente Glorieuses, que ce soit les décors, les automobiles d'époque ou encore la colorimétrie : chapeau! Que d'autres producteurs de séries hexagonaux en prennent de la graine.