Voilà une série que j'attendais depuis les premiers éléments donnés par son créateur: Kurt Sutter.
Ceux qui connaissent l'oeuvre du bonhomme (Sons Of Anarchy ET The Shield), savent que le monsieur est un spécialiste pour créer des intrigues aux multiples rebondissements, dus à diverses sous intrigues pouvant se croiser, se parasiter ou parfois même simplement faire leurs chemins chacune dans leurs coins ou se faire oublier parfois sur plusieurs saisons.
Ses galeries de personnages aux multiples facettes permettent de rendre tout ceci réalisable, alors dès les premières annonces de casting, on savait qu'on pouvait s'attendre à une pépite:
Lena Heady (Cercei Lannister dans GoT) Versus Gillian "Scully" Anderson, déjà ça envoyait du lourd. Là dessus le retour de second rôles de Sons of Anarchy, car oui l'auteur a toujours été fidèle à ses acteurs qu'il aime reprendre dans ses différents projets suivant les disponibilités de chacun.
Et c'est un des indices qui prouvent ce que je vais avancer:
La série a été violemment charcutée.
Et quand je dis violemment, je pèse mes mots. L'un des autres indices, c'est le niveau d'implication de Sutter: il est crédité, comme créateur, bien moins à l'écriture ou à la réalisation, où son niveau d'implication a déjà été mis en avant par le passé.
Ce niveau d'implication a été revu à la baisse, lorsque fin 2024, l'auteur a claqué la porte de la production pour "différents créatifs", on connait la chanson....
Son montage du premier épisode durait 1h20 à l'époque, celui sur Netflix est de 50 ou 54 minutes de mémoire, soit 25 minutes, un demi épisode en moins.
La plupart des autres épisodes disponibles tournent à 35 minutes (façon Tulsa King, vous savez la série où on a rien à dire car tout tourne autour de Stallone, les seconds rôles sont qu'une simple tapisserie).
Personnages qui semblent avoir été coupés au montage ?
Le forgeron juif introduit dès le premier épisode, interprété par Michael Ornstein (Chucky dans SOA et Mayanc MC, grand pote de Sutter), dont on insiste dès le début sur les origines car il semble que cela pourra amener une sous intrigue, des relations houleuses avec entre autre le russe.
La tenancière du bordel qui parait être une tzigane jouée par Katey Sagal (Gemma dans SOA, femme de Sutter), que l'on voit vaguement interagir 2 ou 3 fois, dans des scènes clés, comme si sa place été là, suite à d'autres actions.
L'un des "enfants" du Ranch Abandons (joué par l'interprête du frère de EZ dans Mayans, un des rôles majeur) il a ici deux répliques, vers la fin de saison.
Ce ne sont que des exemples de ce qui semble un énorme remontage à la tronçonneuse.
Trop de personnages étant en mode tapisserie, mais ayant atterri là suite à des actions "non dites" dans cette version du récit.
Comme si les producteurs, avaient taillé dans le bout de gras pour simplifier le récit, réduire le tableau et le chant des possibilités par extension.
Comme pour répondre à des standards plus actuels, de série de saisons en 6 ou 8 épisodes, bien plus direct, moins subtil. C'était déjà ce que je reprochais à de grandes séries comme Peaky Blinders, adulée de beaucoup, tout tournant autour de Tommy Shelby, les autres personnages ayant trop peu d'interaction sur le récit, pas de sous intrigue développée; ou comme je le disais avant: Tulsa King.
La série a d'autres défauts, tout est trop beau, trop propre, surtout quand on connait les deux séries préférées de tout les temps de l'auteur. L'une d'entre elle est Deadwood.
La série HBO est certainement l'une des bases d'inspiration de Sutter, dont il avait tiré le casting pour de nombreux rôles dans Sons Of Anarchy (un nombre effrayant d'acteurs !). La série mettait en avant un far west bien sale où l'hygiène n'avait pas place juste la crasse et la bouillasse. Ce qui est vaguement montré ici avec de petites passerelles au dessus de la boue dans le bourg. Les personnages restant tous cleans sur eux, pour les plus riches ça peut être logique, la matriarche aussi, mais là c'est tout le monde.
L'image est magnifique trop propre aussi, certains plans on se croirait presque dans Narnia, tant les couleurs, et des éléments de décors (montagnes et autres paysages) semblent paradisiaques de par la palette de couleurs choisie.
Les choix musicaux sont déroutants, parfois des reprises intéressantes rappellent les choix artistiques de Sons of Anarchy, d'autres douteuses et des thèmes musicaux génériques piqués dans une banque de données impersonnelle. On sent la fin de budget.
Et je pense que ça fait parti des nombreux compromis qui ont été fait durant toute la production, avant d'arriver à la salle de montage où il y a eu la session de scalpel qui a été la goûte qui a fait déborder le vase. Alors oui, le monsieur ne doit pas être facile à vivre, avoir son caractère, mais lorsqu'il s'agit d'une vision artistique, les compromis sont difficiles, et lorsqu'il y a plus de compromis frustrants, que de choix artistiques ayant pu être menés à terme:
Je comprends parfaitement la réaction de Mister Kurt Sutter d'avoir tout simplement claqué la porte sans chercher à aller plus loin. Il savait que son bébé, de par les contrats signés, n'était plus le sien.
Et ce qui aurait pu être un prequel officieux à Sons of Anarchy, avec la rencontre des familles Teller et Winston en toile de fond, semble devenir un gros sac de noeuds avec un casting de très grande qualité.
Le Destin est dur avec l'auteur, incapable d'écrire son prequel First 9 et la suite Samcrow qu'il avait prévu pour Sons of Anarchy, il pensait pouvoir conjurer le sort ici. Espérons que son nouveau projet tournant autour d'un MC avec Jason Momoa portera ses fruits.
C'est Taylor Sheridan, l'homme dont le succès est en partie reposé sur une forme de calque de Sons of Anarchy, la série dont il a été viré, qui doit rire avec son empire étendu de série, dont la série principale Yellowstone s'est plus qu'inspirée pour sa première saison de celle sur les bikers, et a réussi à revenir en arrière à l'aide de prequel.
Conclusion: C'est une série sympathique, certains y trouveront leur compte, d'autres non. Mais elle aurait pu être bien mieux que ça si les rouages du business du streaming n'étaient pas aussi formatés à l'heure actuelle.