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Saison 1 :
A l'origine, il y a un roman graphique US d'un certain Charles Forsman, a priori pas traduit en français, heureusement adapté par une équipe anglaise, transposé dans l'inimitable grisaille d'Outre-Manche et donc nourri du non moins inimitable humour local... ce qui lui évite largement de n'être qu'un alignement de stéréotypes de plus sur un couple de jeunes "amants" fugitifs et meurtriers.


"The End of the F---ing World" est donc un objet assez bâtard, entre poncifs éculés sur le rejet du monde pourri des adultes - ici tous plus lamentables les uns que les autres - par des adolescents qui n'y trouvent naturellement pas leur place, et ultra-réalisme lucide à la Ken Loach. La petitesse des paysages anglais, la topographie qui fait qu'on arrive très vite au bord de la mer sans être pourtant jamais vraiment loin de son point départ, rafraîchit les codes du road movie, tandis que le mythe du psychopathe - incarné non sans crédibilité par un excellent Alex Lawther perpétuellement hébété - se retrouve mis à mal par la confrontation avec la véritable violence du monde. On peut bien sûr être plus circonspect quant à la description, à la fois pudique (coincée ?) et savoureuse, de l'histoire d'amour qui se développera inévitablement entre les deux fugueurs, et par le simplisme psychologique de l'attribution de tout leur mal-être à des parents absents ou paumés : il est donc de bonne guerre de critiquer le déroulement d'une histoire qui enchaîne d'abord les rencontres farfelues, improbables, pour mieux retrouver à la fin les conventions du drame.


Pourtant, réduire "The End of the F---ing World" à une litanie de tristes évidences serait faire fi de la superbe atmosphère qui se dégage peu à peu de ces huit épisodes très courts (20 minutes chacun), grâce à une excellente B.O. indie et surtout à une interprétation globalement très juste. Oui, le charme opère bien, et ce d'autant que la mise en scène originellement un peu "branchée" de Jonathan Entwistle, tirant parfois certaines scènes vers une méchante ironie assez facile, renforcée par l'utilisation de voix off décalées, laisse place dans les trois derniers épisodes à un travail beaucoup plus "réaliste" de Lucy Tcherniak, débouchant sur une très belle conclusion tragique...


... Qui n'appelait pas, bien entendu, une seconde saison.


[Critique écrite en 2019]


Saison 2 :
Oh, que l'on n'en avait pas envie, de retrouver James - survivant - et Alyssa - fiancée - deux ans plus tard !


On résiste donc : Alyssa fait toujours la (même) gueule et nous épuise, James a grandi, presque un homme déjà, il a appris à ressentir des choses, on regrette l'adolescent frêle et presque autiste de la première saison. Alyssa et James sont menacés par Bonnie, une autre victime de parents mal-aimants / maltraitants : ça fait beaucoup, non ? Et puis il y a une autre mort violente à mi-parcours, même si le parcours cette fois ressemble plutôt à du sur-place. Une sorte de boucle temporelle dont on n'arrive pas à sortir. "The End of the F---ing World" pue désormais le désespoir. Accable. Englue. Dépite. Déprime. C'est culotté, finalement : l'énergie foutraque qui caressait un peu trop le public contemporain dans le sens du poil a largement disparu. L'humour aussi. On se fait la gueule, on ne se dit jamais ce qu'on pense - avec toujours ce drôle de décalage avec les pensées, en voix off (une belle idée qui fonctionne encore..). A 20 ans, on est finalement devenus aussi cons, aussi paumés que nos parents, non ?


Au 7ème épisode, on pense, on espère que tout cela finit mal, très, très logiquement : l'amour a disparu, a-t-il même jamais été autre chose qu'une illusoire bouée pour ne pas sombrer ? Une balle dans la tête chacun, c'est bien, ça : c'est même la conclusion idéale.


Et puis il y a le 8ème épisode, le happy end en sorte, qui énerve. Qui fait regretter encore plus de ne pas en être restés à la première saison, plus bling-bling, moins sincère, moins douloureuse, moins honnête sans doute, mais plus radicale. La seconde saison de "The end of the F---ing World" se termine sur un mensonge, un gros. Un de ceux qui permet de vivre, encore, quand tout est perdu. C'est peut-être nécessaire, un mensonge ?


[Critique écrite en 2019]

EricDebarnot
7
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le 14 nov. 2019

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Eric BBYoda

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