The Midnight Gospel
7.1
The Midnight Gospel

Dessin animé (cartoons) Netflix (2020)

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Ou la désagréable sensation d'écouter deux étudiants en socio discourir en soirée sur la dépénalisation des drogues, le deuil, l'offense aux autres, l'enfermement etc.... Des échanges qui reposent sur des rhétoriques en dehors des réalités, entendues des milliers de fois depuis 40 ans et qui procurent le sentiment d'être Hubert Bonisseur de la Bath autour d'un feu de camp brésilien, mais le podcasteur Duncan Trussel semble convaincu du génie fulgurant des échanges au point d'en faire une série animée. 


Le vrai Monde il va au coiffeur


Au début, je pensais qu'il ne s'agissait que des divagations complaisantes d'une bande de potes, mais il semble que les invités soient de "vraies personnes" venues parler de leur travail-expérience-ressenti (un docteur, une écrivain, un compositeur...). Un sur deux est bouddhiste ou vient vendre sa salade spirituelle moyenne orientale basée sur le "lâcher prise" - un véritable leitmotiv moderne incontournable de Biba à France Culture - la transcendance, et fait le procès systématique à la société en général ou à la génération d'avant, celle qui s'est chargée de leur éducation, à l'évidence lacunaire, puisqu'ils constatent leur non épanouissement durant une partie de leur vie. On assiste à beaucoup de lamentations ("si on m'avait dit ci ou ça à l'époque... j'aurais pu être heureux... j'ai découvert ça par moi même etc...") un catalogue de jérémiades qui fait réagir de façon épidermique ceux qui sont attachés un minimum à la responsabilisation des individus.  


Tous sont remerciés avec la simplicité d'un organisateur de soirée jet-set tropézienne, par le podcasteur qui ne tarit jamais d'éloges après ces banalités fièrement ânonnées par l'invité : "Oh my goooooood ! your'e sooooo great, oooooh my goooood that faaaaaantastic, oh my god thank you so much ! let me suck your hard big cock" non j'exagère là vulgairement, j'aime bien faire la démonstration de ma bilingualité de temps en temps. 


Exagérément bavard, surtout au regard des propos avancés (des études sur la conso de cannabis vaguement sourcées, des concepts de développement personnel dignes d'Anémone dans les babas cool, de "mon psy m'a dit que...", ou des arguments libertaires des années 70 qui rendrait illico réac n'importe quel gérant de bar à céréales du Marais : "Y a pas de problèmes avec la drogue, juste avec la façon dont on la consomme !". Le militantisme est à peine dissimulé sous un masque d'objectivité et de cool attitude, s'efforçant de rendre tout très simple, alors que nous savons tous que la réalité est toujours bien plus complexe que cela. Les débats de société sont ici réduits à l'état de faux problèmes pour qui sait faire preuve de sagesse karmique de la terre-mère Gaïa.


Le plus surprenant c'est l'étalement de clichés immémoriaux en les pensant flambant neufs, faut dire que la sophrologie est vraiment à la mode. Par exemple, pour appuyer le point de vue, ils vont fantasmer les applications pratiques de la dépénalisation des drogues dans le premier épisode et ignorer les problèmes concrets sur la question (quid de l'économie parallèle et des problèmes liés à la délinquance ? Il n'y a pas de problème de délinquance, d'économie de quartiers sensibles, car dans ce monde bubblegum flashy où les lapins géants écrasent des oursons en hummer arc-en-ciel, on ne prend pas les à côtés pratiques au sérieux). On explore uniquement le point de vue du consommateur spirituel en quête de sens, brimé par l'état Babylonien.


The family


L'autre hic, c'est que comme toute discussion entre deux personnes d'accord sur tout, il n'y a pas véritablement de discussion. Pas de point de vue opposé, pas de vraie argumentation, rien n'est discuté donc. Un consensus de chaque instant sur tout, énonçant une seule vérité admissible. C'est un peu risible pour un programme qui valorise l'affirmation de l'individu face au groupe. Faire l'éloge de l'ouverture d'esprit, de la pluralité, et du ressenti personnel pour au final affirmer qu'il n'y a qu'une seule vérité admise (ah l'agacement du podcasteur dans le deuxième épisode sur le deuil, qui s'emporte à l'énoncé de l'expression "avec le temps ça va passer", mais qui s'enthousiasme quand son interlocuteur explique qu'avec le temps elle a réussi à admettre "le lâcher prise" (!!). Alors qu'il n'y a concrètement pas tellement de différence entre les deux, puisque l'un ne va pas sans l'autre, je connais personne qui soigne un deuil avec un lâché prise 3h après le décès d'un proche...). Mais l'expression de "lâcher prise" est tellement kiffante ! Un phare dans la nuit...


L'effet produit du podcast est opposé à celui recherché, sur un type comme moi du moins. Je pense rien de la dépénalisation, je suis ni pour ni contre, mais à l'issue de leur démonstration bavarde, irréaliste et prétentieuse, ça m'a presque rangé du côté des contres, ou du moins fait prendre conscience des raisons pour lesquelles ce n'est pas généralisé partout dans le monde occidental.


Quant aux dessins psychés volontairement laids et outranciers, aux gags gores et malsains datés (happy tree friends) qui ne s'approchent pas à un millième du génie d'Itchy et scratchy, ils sont en tel décalage avec les propos dégoulinants de bons sentiments, de compréhension et de zen attitude qu'ils rendent les propos suspects (Charles Manson était bien hippie après tout). 


Présenté vaguement comme un animé existentiel et profond à la Rick and Morty et je tombe sur des déblatérations babas de deux ricains aux limites flagrantes. Je vous laisse imaginer le contenu des autres épisodes (la mort, le sexe, la dépression...) passés à travers cette moulinette idéologique utopique.


La meilleure preuve étant que Binge a trouvé sa série de l'année. "Mindfuck", "cerveau en PLS", rien qu'à répertorier les mots employés par ce tâcheron on sait qu'on est devant une bouse totale qui fera malheureusement illusion sur certains en leur donnant le sentiment d'être devant une série exigeante et profonde uniquement parce qu'il y a des mots de plus de 3 syllabes et des concepts chamaniques 2.0 en bois.

Negreanu
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le 26 juin 2020

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