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The OA
7.2
The OA

Série Netflix (2016)

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Une série abordant les EMI, voilà qui semblait prometteur. C'est même, à mon sens, le mérite principal de la série, celui d'avoir osé traiter un sujet aussi profond, mystique et surtout exigeant. Hélas, c'est aussi son plus grand défaut : car c'est bien là où le bât blesse, la série promet beaucoup et passe à côté de son sujet. En clair, ça se veut très philosophique, mystique, profond... mais ça ne l'est pas. L'intrigue ne fait pas honneur aux travaux et aux témoignages portant sur les EMI, c'est même presque l'inverse, comme je vais le montrer un peu plus bas. Pourtant, il y a bien quelques éclairs d'intelligence qui transparaissent çà et là à travers cette claire-voie que constitue l'intrigue mal ficelée et décousue de OA : c'est par exemple une célèbre citation de Krishnamurti qui tombe à propos, c'est la sagesse et la clairvoyance dont semble un instant se porter garante l'héroïne lorsqu'elle intercède auprès de la professeure de Steve, l'ado paumé plein de haine et en mal de vivre.


Malheureusement, le reste ne suit pas vraiment et sombre dans les clichés : par exemple sur la Russie et ses oligarques dans le récit de OA, qui prétend après le décès de sa mère être seule avec son père dans une demeure remplie de domestiques. Et même si on peut relever l'effort qui a été fait (sans doute de façon un peu trop ostentatoire) pour donner une place de choix à des minorités, celles-ci n'échappent pas aux clichés : l'ado transgenre qui deale des hormones, l'ado dealer ego-centrique et violent qui se querelle avec son copain mal aimé et avide de reconnaissance ; une enseignante dépressive et rongée par le regret, un orphelin un peu paumé qui vit avec sa sœur... Ces personnages ne se distinguent pas vraiment, ils restent le plus souvent en position passive : ils écoutent, vivent leur vie banale d'individu lambda et subissent le plus souvent les déterminismes associés à leur milieu social d'appartenance. Le problème : la série veut nous parler des EMI. En quoi suivre les vies monotones de cinq jeunes et d'une enseignante intéresse-t-il le sujet ?


La série s'éparpille dans tous les sens, si bien qu'on finit par se demander de quoi ça parle en définitive : une critique sociale en faveur de la jeunesse gâchée des États-Unis ? L'histoire d'une jeune Russe exilée à la recherche de son père ? Celle de six losers qui tentent de donner un sens à leur vie ? Celle de prisonniers captifs d'un savant maboule qui a décidé de construire une retraite dans une mine (pourquoi d'ailleurs : la renommée ? Parce que c'est intéressant ? On ne sait pas trop) d'étudier comme des individus qui ont eu une EMI comme des rats de laboratoire ? Autant de pistes qui sont soulevées mais jamais étayées. Prenons un exemple :


le père de Nina. Au début de l'intrigue, la quête semble être on ne plus claire : retrouver le père absent. La tension narrative est tendue vers cet objectif. Puis une fois que la rencontre avec Hap a eu lieu, plus de papa, à peine le voit-elle une dernière fois lors de sa deuxième EMI. Et plus rien au moment de la narration du récit rétrospectif. Envolé, le papa.


Le scénario emprunte des raccourcis regrettables, comme ces ellipses de plusieurs années au bout desquelles certains événements qui méritaient d'être relatés sont résumés de façon vraiment expéditive : par exemple,


comment Renata a appris le quatrième mouvement.


De même, l'enchaînement des événements se révèle même parfois incohérent :


prenez le cas de la pauvre Augusta, découverte raide morte par OA, baignant dans une baignoire remplie d'un liquide bizarre et incarnadin (son sang ?) alors que l'héroïne récupérait une chevalière malencontreusement échappée de ses mains gourdes (les aveugles, c'est maladroit, c'est bien connu, et la série ne se prive pas de le rappeler). Et le docteur maboule de lui annoncer que son ex-pensionnaire congédiée par ses soins du monde des vivants gisait là bien avant l'arrivée de OA. Voilà qui a de quoi rendre perplexe, attendu qu'OA était aux petits soins de son bourreau débonnaire depuis déjà un bout de temps... assez même pour se faire apporter les ingrédients dont elle a besoin pour préparer un ragoût (il est dit que le médecin fait ses courses mensuellement) et pour réunir une dose de somnifère de somnifère suffisante pour endormir un éléphant... Comment se fait-il que OA, en bonne ménagère, ne se soit pas aperçue plus tôt de la présence du macchabée ? Je ne sais pas, un cadavre en putréfaction, si ça peut se cacher, ça peut se sentir, au moins ! Secundo : pourquoi le docteur, qui vit au milieu de nulle part, n'a-t-il pas enterré le cadavre plus tôt ? Son sujet, c'est bien les EMI, pas la putréfaction ! Et il ne s'agit que d'un exemple parmi d'autres. On pourrait y adjoindre d'autres, comme le comportement très ambigu du médecin, tantôt empathique, tantôt glacial sans transition entre les deux. Habitué à nourrir ses sujets avec des croquettes pour chiens, le bougre décide un beau jour de laisser OA leur offrir des sandwiches et d'engager celle-ci comme ménagère. Drôle d'idée.


La narration manque de cohérence et d'unité, s'attarde sur le secondaire pour éviter de traiter l'un des sujets critiques de la série, ce que moi (et bien d'autres j'imagine) j'attendais : les EMI.


C'est là que la série se montre particulièrement maladroite, déceptive et se plante dans les grandes largeurs. Ou plutôt, c'est dans le traitement des personnes ayant vécu des EMI, en particulier l'héroïne et partant, le traitement des enjeux, questionnements philosophiques qu'elles représentent. Ce qu'on apprend dans cette série, c'est que les cinq captifs du monstrueux Hap sont finalement aussi banals que les cinq quidams que réussit à enrôler OA dans le présent. Pire, ils sont vraiment à l'opposé des gens qu'ils sont censés incarner : égoïstes comme dans la scène où le si adulé Homer n'hésite pas à laisser OA boire les eaux souillées qu'il laisse derrière lui. Asociaux et cyniques comme le Scott qui reste asocial et cynique au possible. Pourtant, les personnes ayant vécu des EMI ne sont pas des sociopathes, ni des délateurs comme Scott, ni des benêts comme ce pauvre Homer. Bref, tout sauf ce qu'on voit à l'écran, à savoir la pusillanimité. Ce sont souvent des personnes au contraire douées d'une certaine sagesse qu'elles ont rapporté de leur expérience, doués d'un regard distancé sur le monde, d'un recul qui leur permet de comprendre autrui... Ici, ça se résume à des scènes pacifistes où OA joue une ou deux fois les martyrs en se faisant mordre par un chien et planter un porte-mine dans la cuisse. Le reste du temps, elle apparaît comme inadaptée sociale, instable psychologiquement et désireuse de retrouver son cher Homer qui semble plus préoccupé par l'avenir son fils fictif et sa paternité contrariée que OA... La série dit bien qu'ils ramènent quelque chose de leur "voyage", comme c'est le cas de Rachel qui revient avec un don pour le chant, OA pour le violon... Mais voilà, contrairement à ce que laisse entendre Hap, les EMI se résument à peu ou prou à des voyages qui gratifient les personnes qui en réchappent de dons divers et variés, un peu à la manière de super-héros. Sauf que les super-pouvoirs, ici, ce sont des mouvements. À aucun moment il est fait référence à quelque chose de plus profond. Le sens de ces mouvements ? Pourquoi cinq personnes si la chorégraphie est la même pour tous ? L'enjeu derrière cet apprentissage ? Et c'est ça qu'on attendait : de la profondeur. que ces personnages changent sur le plan moral, évoluent, deviennent porteurs d'une lumière à partager, d'une sagesse, pas des pauvres diables persécutés par un malade mental qui n'a visiblement rien compris à son sujet. Or on le voit : OA n'a pas vraiment changé à son retour. Certes plus sur la défensive, plus renfermée, aigrie, traumatisée, mais ça c'est à cause de la captivité, pas des EMI. La série déçoit vraiment de ce point de vue, n'offre pas la spiritualité à laquelle elle prétend, exploite en définitive de façon publicitaire les EMI pour faire du sensationnel, le surnaturel gratuit... On sent déjà le salmigondis auquel ça risque d'aboutir avec cette histoire de multivers. Le coup de grâce revient tout de même à la découverte coup de théâtre de "French" qui, à la fin de la série, remet en cause la crédibilité entière du récit qu'on a suivi depuis les sept précédents épisodes. Découverte d'autant plus surprenante qu'elle entérine le fait que oui, les cinq compagnons d'infortune sont bien des losers qui se seraient fait avoir à la manière du lecteur des Les Âmes fortes (à la différence près que dans la chronique romanesque de Giono, ce coup de théâtre se justifie pleinement) par une psychotique qui se serait forgée une identité d'emprunt et une histoire complètement fictive. On en vient à se dire que finalement, les EMI décrites depuis le début ne sont que des mensonges d'une psychotique qui se fait passer pour Nina puis OA. Ou bien que c'est l'EMI qu'a vécu la jeune Nina qui l'a rendue barge. Dans les cas, c'est une manière soit très insatisfaisante, soit très insultante de traiter un sujet qui méritait bien plus de respect.


En définitive, ce genre de série tente de surfer sur une mode, la mode New Age, l'engouement autour des EMI, de jouer la carte de l'identification avec des personnages servis par un jeu d'acteur et une réalisation assez discutable par moments, bref, tout cela dans un seul but : clouer le spectateur et l'amener à regarder un divertissement... et les encarts publicitaires assortis s'il n'a pas souscrit à un abonnement Netflix. On ne saura que trop lui recommander, s'il désire voir une œuvre cinématographique qui traite avec justesse et honnêteté des EMI et fait passer les enjeux philosophiques et métaphysiques avant les lucratifs, de visionner Resurrection, réalisé de Daniel Petrie et paru en 1980.

Créée

le 18 janv. 2017

Critique lue 1.3K fois

4 j'aime

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4

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