The Witcher
6.3
The Witcher

Série Netflix (2019)

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Cette série, c'est ma potion de Sorceleur a moi ; Chaque fois que j'entre en contact avec, je monte en toxicité.

Pourtant j'étais déjà passé par toutes les émotions avant de la voir ; Le doute, d'abord, quand le projet avait été annoncé en live action pour Netflix, alors que les premières rumeurs évoquaient un projet d'animation sous la conduite du réalisateur du superbe trailer de l'extension Blood & Wine (mais si, la Bruxa et sa chanson !).
Ensuite, l'espoir, en lisant les déclarations d'intentions de la showrunneuse, qui se disait fan de l'univers et promettait de lui rester fidèle, de conserver son esprit "slave" et de faire plaisir aux fans.
Puis la désillusion devant le casting, les premières images et trailer.
Enfin, l'énervement devant le résultat final.

Autant dire que je n'en espérais rien et que je m'attendais à être déçu quand même. Eh bah ça a pas manqué... Mais je m'attendais pas à ce point là.

Je me dois de le préciser ; je suis fan de The Witcher. Du genre assez hardcore. Les livres, les différents jeux, j'ai même maté des adaptations claquées au sol en polonais non sous-titrés. Eh bah je crois que je préfère les téléfilms polaks fauchés à ce produit aseptisé.

Donc, pourquoi tant de haine ? C'est parti, on enfile nos gants, on applique notre meilleure huile et on va affronter la bête.

Tout ce que The Witcher Netflix ® n'est pas

Le principal reproche que j'ai à faire à la série, c'est son écriture.
Bon dieu, que c'est mauvais ! Problèmes de structure, scènes chiantes au possible, dialogues insipides et clichés, personnages traînés dans la boue... Rien ne nous est épargné. C'est un vrai bond en arrière par rapport à ce que la fantasy a fait de mieux ces 20 dernières années (au hasard, LotR et GoT premières saisons).

Déjà, la structure. Cette série a vocation à toucher le grand public, qui ne connaît pas l'univers. Pourquoi donc avoir bâti la première saison (qui introduit tout ça) dans le désordre chronologique ?! Ca n'apporte RIEN ! Ca ne fait que rendre le tout extrêmement confus et illisible. On passe souvent plusieurs minutes au début de chaque scène a tenter de remettre le bousin dans l'ordre, pas aidés en plus par des erreurs grossières (genre Jaskier qui ne vieillit pas alors qu'il est présent dans les deux époques !). Pourquoi mélanger constamment les époques au sein de tous les épisodes ? Je n'ai pas de réponse tant ça ne présente aucun intérêt. D'ailleurs la bouillie temporelle tend à s'atténuer au fil de la saison parce que bon, faut bien essayer de raconter une histoire. Mais quelle histoire !

Un des problèmes majeurs de cette saison par rapport aux livres c'est que les livres prenaient infiniment plus de temps pour poser leur univers. Quand on découvre les livres, l'auteur nous place certes assez abruptement dans les bottes de Geralt au tout début, mais assez vite il ralentit le rythme, pour nous laisser rentrer dans sa peau, son quotidien de mutant, ses forces et ses failles... En tant qu'étranger perpétuel et expert des périls de ce monde, Geralt est le meilleur guide pour le lecteur initialement paumé. Rien ne va vraiment de soit quand on est une bête de foire, ce qui permet au lecteur, lui aussi étranger, d'explorer pas à pas l'univers. Et si ça doit passer par plusieurs nouvelles consacrées à des chasses diverses et variées, à des péripéties secondaires, so be it.
Ici, la showrunneuse est tellement pressé de raconter sa fanfic que seul le premier épisode prend réellement le temps de conter un récit court et introductif. Exit les chasses de Geralt, les explorations du folklore, les petites histoires fascinantes où le sorceleur doit démêler le vrai du faux pour mieux traquer sa proie... Ici on est jeté très vite dans le bain de l'intrigue avec un bon gros fil rouge (une corde à ce niveau là) sans trop d'explications, et qui plus est, dans le désordre chronologique. Et ce avec comme autre obstacle à une bonne introduction que Geralt n'est plus seul. Oh non...

Cette saison 1 aurait pu s'appeler "The Sorceress and sometimes a Witcher" tant le personnage de Yennefer vampirise l'intrigue. Contrairement aux livres qui l'introduisent tardivement et réservent son passif à des passages discrets, ici, c'est mardi gras ; On va vous gaver avec du background de Yennefer. A la fin, vous saurez tout sur la sorcière aux yeux d'améthyste, et tant pis pour le mystère ! De l'anecdotique au franchement dispensable. Son enfance, sa formation, ses romances, ses doutes... Yennefer a droit à un traitement plus approfondi que le héros de l'Histoire et c'est en soit un problème. Mais alors quand en plus ça revient à la massacrer...

Qui c'est qu'a sali mes personnages ?

Comprenez que j'ai peut être une relation un peu trop personnelle avec ce personnage ; Yen incarne à mes yeux un idéal de personnage féminin, que ça soit dans les bouquins ou les jeux. Il y a quelque chose de fascinant pour moi chez cette femme pour qui le temps est trop précieux pour s'embarrasser de demander la permission avant d'agir. Yen, elle a pas le temps pour tes conneries. Pas de temps pour la politesse, pour les petits tracas des gens médiocre. Elle surnage au milieu des autres, parce qu'elle a toujours deux trains d'avance. Donc elle est froide, cassante, calculatrice. Pas parce que c'est une garce, mais parce qu'elle a un monde à sauver et pas assez de mains pour s'occuper de tout sans qu'on vienne l'emmerder. C'est à la fois un modèle d'indépendance, de pouvoir, d'intelligence et de charisme, tout en camouflant des failles béantes parce que personne ne sortirait indemne de ce qu'elle a vécu. Un sale caractère, mais motivé.

Que ne fut pas ma surprise en constatant que Netflix l'avait transformé en grognasse bougonne, incapable de sourire, dénuée de toute repartie (par contre elle multiplie les gros mots parce que ça fait edgy-strong-women) et utilisée comme étendard d'un message féministe aussi subtil qu'une charge de cavalerie de Niflgaard (mention spéciale à la scène du bébé sur la plage, j'avais rien vu d'aussi caricatural depuis les films de propagande de l'armée Russe). Alors que toute la valeur du personnage dans le matériau de base venait du fait qu'on la découvrait ultra iconique, badass et dangereuse, pour ensuite découvrir ses failles humaines, ici, on te montre une gamine blasée qui se trimballe d'endroit en endroit sans trop savoir pourquoi, insupportable dés qu'elle ouvre la bouche et dont les moues ironiques ont achevé de me la rendre détestable. Et chaque scène où on la voit stagner, c'est un peu plus de bordel chronologique, et un peu moins de temps accordé à Geralt. Pareil pour Ciri dont l'errance est morne, ennuyeuse, sans véritables enjeux ni évolution pour le perso. Elle prend cher, elle se fait trahir constamment, et c'est tout. Le paradoxe d'une série qui parle de domination masculine et où les personnages féminins vampirisent la structure du récit...

Et d'ailleurs, tant qu'à évoquer les sujets politiques liés à la série : Je tiens à préciser que je n'ai pas de problème avec la diversité du casting parce que je n'aime pas l'idée qu'on interdise à un acteur de jouer un rôle par rapport à ce qu'il est. C'est la base de son métier, de se glisser dans la peau d'un autre. Par contre ! La direction d'acteur... Faut qu'on m'explique ! Cavill se calque sur la performance des jeux donc sans être inspiré, ça passe, l'acteur de Jaskier a du charme (quand bien même son perso est vraiment réduit à la caricature), mais alors le reste... Yen, Ciri, son pote elfe dont j'ai oublié jusqu'au nom, Fringilla, Cahir, Sac-à-Souris, Calanthe... Je trouve leurs performances médiocres au mieux, insupportables pour les pires. Et le fait que ce fléau soit général me pousse à chercher le problème dans la direction et le scénario plus que dans des échecs individuels. Faut dire que niveau écritures de persos, y a pire que Yennefer.

Le problème Nilfgaardien

Ce que j'appelle le problème Nilfgaardien, c'est ce qui symbolise tout ce qui m'a rendu furieux avec cette série : Le world building au mieux inexistant, au pire, massacré. Parce que, bon, le reste, je pouvais passer dessus. Ca me fait chier, mais c'est pas rédhibitoire. Mais alors pour un féru de The Witcher, le traitement de Nilfgaard et de ses deux visages principaux, Cahir et Fringilla, c'est juste une trahison, pure et simple.

Ah ça ! On l'a cru la Schmidt Hissrich quand elle a dit qu'elle allait garder l'esprit slave de la saga ! C'est sans doute pour ça qu'elle a changé Nilfgaard en gros méchants vêtus de sacs poubelles complètement fanatisés. Pour ça qu'elle a changé Cahir, le jeune chevalier un peu bleusaille tiraillé entre sa loyauté pour Emhyr et sa conscience, en connard sadique qui extermine tout ce qui se dresse sur sa route. Pour ça que Fringilla Vigo est passée de diplomate experte pour rester sur une ligne de crête entre l'empire et son allégeance à la loge des sorcières, à mage noire fanatique qui sacrifie ses homologues pour écraser d'autres mages. Pour ça que l'armée de Nilfgaard est montrée comme si c'était l'empire de Palpatine, mêlé à un culte coco ("tous égaux sous la flamme blanche"), subtilité quand tu nous tiens...

A mes yeux, la beauté des romans de Andrzej Sapkowski, c'est l’ambiguïté. Il n'y a pas de gentils, pas de méchants, juste des intérêts et la question du moindre mal qui reste en suspens, comme une épée de Damoclès au dessus des personnages. Nilfgaard incarne certes la figure de l'empire conquérant (Francs, Teutoniques, Russes) qui vient agresser les royaumes isolés (la Pologne et les Etats Baltes) mais on est loin d'une lutte manichéiste : Nilfgaard incarne aussi l'ordre, la civilisation, et la paix pour ceux qu'il intègre. De leur côté, les royaumes du nord sont certes des lieux de liberté, mais toute relative, constamment remise en question. Ces royaumes sont barbares, arriérés, constamment en guerre, profondément racistes à l'égard des autres races, ce que Niflgaard n'est pas !
Au fond, le "méchant" dans les livres, c'est la guerre. C'est elle l'incarnation du mal, d'où sort tous les fléaux qui frappe les gens du commun, bien incapables de s'y retrouver dans ces histoires de rois et de civilisations. Et ça, c'est le fameux esprit slave dont je parlais. C'est ça qu'il fallait préserver, cette ambiguïté qui laisse le lecteur partagé entre espoir et fatalisme.

Sauf que là, on parle de Netflix. On parle d'une américaine à l'écriture. On parle de la grosse machine de l'industrie du divertissement occidental. Penses-tu qu'ils étaient capables de nuance, d'ambiguïté ? Si tu réponds oui, désolé de te dire que tu es bien naïf. La preuve en est de ce Cahir qui passe son temps à froncer très fort des sourcils et à exécuter des gens, à cette Fringilla Vigo (plus mauvaise prestation de tout le casting) haïssable de fanatisme et de cruauté, à ces légions d'hommes-poubelles à qui on s'emmerde pas à donner un visage et qui ne sont que des stormtroopers déguisés : des bad guys sans relief, parce que chez Netflix, on s'emmerde pas avec le relief.

Et le PIRE, c'est que tout cela va influencer forcément la suite ! Prenez le chapitre des mages. Dans l'histoire des bouquins, la bataille du Mont Sodden, c'est leur moment de gloire ; l'épisode glorieux où quelques dizaines de mages nordiens ont résisté à plusieurs milliers d'assaillants. Hors de question qu'il y ait eu affrontement avec les mages de Niflgaard pour la simple et bonne raison que l'ordre magique est encore solidement en place. Jamais Vigo n'aurait pris les armes contre eux alors qu'elle en faisait partie !

Et bien, là où c'est important c'est que dans la suite des bouquins, les mages sont parfaitement confiants dans leur solidarité (ou leur corporatisme, au choix), et c'est CA qui rend la trahison de Vilgefortz lors du soulèvement de Thanedd si choquante pour les mages loyaux au Nord. Jamais ils n'ont imaginé que des sorciers puissent s'en prendre aux leurs !

Bah bonne chance pour retrouver une telle puissance de récit avec une Fringilla Vigo qui a littéralement balancé de la kryptonite sur sa consoeur et cherché à annihiler les autres à cause de météore ! C'est pour ce genre de choses que je n'ai AUCUN espoir pour que la suite rectifie le tir. Pareil pour Cahir : Quel spectateur s'attachera à ce fils de pute qui a fait buter Sac-à-Souris gratuitement et qui y a pris du plaisir ?!

Un vrai massacre.

Et en plus on s'fait chier.

Je sais pas si ça vous fait penser à un truc, mais moi j'ai l'impression de parler des dernières saison de GoT en écrivant tout ça : Une histoire déglinguée par des incohérences, un univers simplifié au point d'en devenir simpliste, et des personnages nazes qui se partagent un temps d'écran trop restreint. Oui, sauf que pour GoT, j'avais pas besoin de me forcer à mater les épisodes. Au moins, il se passait des trucs.

Qu'est-ce qu'on peut s'ennuyer ici, disait le héros. Bah j'aurai pas dit mieux ; La série est molle, les scènes de combats un peu nerveux sont rares, niveau décors on voit de la forêt 70% du temps, des villages pas dingues le reste du temps. Ils ont tellement pas de budget que même quand ils ont un endroit sympa (genre Sodden), ils te balancent un ou deux plans d'ensemble et le reste du temps, c'est filmé au plus près pour pas faire péter les cordons de la bourse.
Les CGI sont pas dingues, voire amusant de mocheté (mention spéciale au dragon doré, il mérite un poème), et surtout pas inspirés (bordel mais la bataille de mages finales... Quel manque d'audace et d'idées visuelles ! Surtout comparé aux jeux). Les costumes sont en toc, les lumières et la photographie cochent toutes les cases du "c'est le moyen âge donc tout est gris, marron et poussiéreux" qui me fait soupirer grassement, mais surtout... On s'fait chier madame.

Sérieusement, le nombre de scènes qui sont consacrées à deux personnages qui parlent, pour se dire des trucs vraiment pas dingues et écrits avec le cul... Ca me laisse sans voix. Là encore, la comparaison avec GoT fait mal, et avec LotR j'en parle même pas. Et qu'on me dise pas qu'ils jouaient pas dans la même cour ; les jeux The Witcher ont prouvé que ces livres pouvaient donner de l'or pour peu qu'on ait un peu de talent !

Au fond, même si j'y croyais absolument pas, ça fait mal de constater une fois de plus que les américains sont infoutus d'adapter sans salir, que la fantasy reste le parent pauvre des séries télé, et que les quelques bons exemples qu'on a à se mettre sous la dent s'avèrent d'avantage le produit de la chance et du hasard que d'une prise de conscience des égard auxquels ce genre devrait avoir droit.

En même temps, quand je vois combien de gens se satisfont de la bouillie infecte qu'on leur balance et qui attendent la suite avec impatience, je me demande si on mérite vraiment autre chose. Sur ce, j'vous laisse, je vais aller faire ma prière à Peter Jackson et me caler devant une des merveilles de CD Projekt Red. Eux au moins, ils avaient compris ce qu'ils adaptaient.

Edit : J'ai lu quelque part sur le net que cette série était en fait l'héritière des Xena et Hercules des années 90. Je suis d'accord avec ça, à 100%. C'est exactement le même niveau, et c'est dire.
Je comprends que ça puisse avoir un charme régressif pour un public pas bien exigeant mais on est à contre courant de ce qu'on serait en droit d'attendre en 2021.


Edit-edit : La saison 2 est encore pire, ça a ouvert les yeux de plein de gens, tant mieux. Maintenant que cette chiasse meurt pour de bon et je dormirais tranquille.

Llanistar
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le 18 mai 2023

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Llanistar

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