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Un meurtre au bout du monde... Comme trop souvent, la version française tue dans l'oeuf le double-sens intentionnel du titre original "A murder at the end of the world" qui est clairement, dans ce contexte autant à entendre, si ce n'est plus, comme "fin du monde" que comme "bout du monde". Passons.

L'équipe qui nous a donné Sound of My Voice, The East ou encore iOrigins, a retroussé ses manches après la déception de l'arrêt de The OA, pour nous offrir en guise de bûche de fin d'année un whodunit en terre glacée mâtinée de futurologie.

Brit Marling et Zal Batmanglij (Brit & Zal pour les intimes) nous proposent ici un nouvel opus aux multiples facettes et enjeux, qui pour autant fascinants qu'ils soient se perdent au fil des épisodes, croulent sous le poids de questions éludées, ou s'évaporent au contact de réponses un peu trop légères pour être totalement convaincantes.

La réalisation est comme toujours très soignée, le montage exceptionnel, le casting de haute volée avec une héroïne à la hauteur et le choix de l'utilisation du flashback toujours aussi maîtrisée que dans leurs oeuvres précédentes.

Bref, il y avait tout pour faire de cette minisérie (dur d'imaginer une saison 2) un bijou pour terminer l'année en beauté. Malheureusement, si elle ne manque clairement pas d'ambition, elle pêche par une écriture de plus en plus fainéante faisant moins battre les coeurs que lever les sourcils.

Autre problème et non des moindres, elle ne sait jamais trop sur quel pied danser et on ne sait plus si on regarde un Dix petits nègres en mode Scandi Noir, un thriller dystopique en mode Ex Machina, un Silence des Agneaux en mode road movie, ou un Shining 3 avec Elon Musk...

Bien sûr c'est un peu tout cela à la fois, mais les références et clin d'oeils tout simplement trop copieux et trop nombreux transforment au fil des épisodes le délicat mets d'exception en volaille quelque peu indigeste.

A commencer par le milliardaire illuminé Andy Ronson (Clive Owen), qui est ni plus ni moins la copie conforme de Dr. Hap de The OA, je mettrai même ma main à couper qu'ils portent exactement les mêmes lunettes !

Zoomer son fils (un prénom qui décrit littéralement la génération Z dont pourtant il ne fait pas partie) est pour sa part une copie un peu trop conforme de Danny dans Shining, et les comparaisons avec le chef d'oeuvre de Kubrick s'empilent jusqu'à la déraison : hôtel isolé et noyé sous la neige, femme objet sous la coupe d'un génie fou, autant d'easter eggs déjà présents (sous d'autres formes, évidemment) dans The OA si jamais on n'avait pas compris la première fois....

Brit Marling quant à elle reprend "son" rôle de femme mystère à la fois surpuissante (la meilleure hackeuse du monde) et trop fragile, et tout son talent ne suffit plus à passer outre la litanie de paradoxes de son personnage.

Heureusement il y a beaucoup de bon, dont les aller-retours saisissants dans le temps et l'espace, entre le huis-clos gelé de l'hôtel islandais et le road movie poussiéreux qui porte la génèse de l'héroïne Darby Hart. Cette dernière assez brillamment interprétée par Emma Corrin (Diana dans The Crown) nous offre une histoire d'amour assez touchante grâce aussi au magnétique Harris Dickinson qui confirme son talent après Sans Filtre (Palme d'or 2022).

On pardonnera le twist final assez grossier, toutes les longueurs et ineptitudes scientifiques, pour se laisser prendre par ce qui reste une bonne surprise et une proposition très originale, assez pour se laisser emporter et aller au bout de la série malgré tous ses défauts.

Comme très bien souligné par RedArrow si notre réflexe est de ne pas pardonner à Netflix d'avoir stoppé The OA, on peut aussi imaginer que c'était peut-être un mal pour un bien... Il est temps pour Brit & Zal de se recentrer sur leur univers et d'offrir à leurs nombreux fans le masterpiece que tous attendent, peu importe la forme.

Et autre chose qu'un whodunit à l'écriture au final grandement bâclée, à tel point que certains se demandent si les derniers épisodes ne sont pas l'oeuvre d'une IA, ce qui ironiquement mais bien tristement serait pour le coup un vrai crime. Le simple fait de se poser la question est en soi un énorme problème, à moins que ce ne soit une parabole auto-réalisatrice sur le "faulty programming" au centre de ce meurtre au bout du monde....

Man_From_Nowhere
7

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le 29 déc. 2023

Critique lue 318 fois

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