Les meilleurs films de Paul Verhoeven selon Marraine

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Romantisme et loukoum.

Turkish Délices est de ces mets qui restent longtemps en bouche ; on y trouve un Verhoeven plus fougueux que jamais, flanqué de ses iconiques comparses (Rutger Hauer, Monique van de Ven, Jan de Bont). Il y a une expression de par chez nous qui, aussi étrange soit-elle, résume on ne peut mieux la sensation que procure ce film : "alsof er een engeltje op je tong piest", littéralement "comme si un petit ange te pissait sur la langue". Ça veut dire que c'est vraiment très, très bon. Dutch delight <3

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Guerre et orange.

En tant que citoyenne batave, je me permets : ce film est un monument historique. Chef d'œuvre qui en appelle aux étincelles et aux shrapnels. Odyssée belliqueuse où l'on ressent l'empreinte qu'a laissée la WWII sur Verhoeven. Qu'on ne s'y trompe pas ; derrière les faux airs de propagande affichés dès le titre (allusion à l'hymne national "un Prince d'Orange je suis, franc et courageux") et le générique (aux couleurs du drapeau), se cache une critique acerbe des Pays-Bas sous l'occupation. En témoignent les scènes-miroir encadrant le récit : le film s'ouvre sur une reconstitution de Polygoon en noir et blanc, avec une reine Wilhelmina impeccable, et s'achève sur ces mêmes images reprises en couleur, où la reine trébuche et lance à Rutger Hauer "Auriez-vous accidentellement largué une bombe sur le palais?"

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Misère et chocolat.

Sublime portrait de femme & tableau historique : Monique van de Ven incarne ici une Cosette amsterdamoise du XIXe siècle. Jeune prolo immigrée évoluant dans une société hollandaise gangrénée, où les figures d'autorité peuvent abuser de leur ascendant sur elle à chaque instant (parents, bourgeois, patrons, corps médical, force de l'ordre, etc.)
Conte moraliste qui, réalisé par un quidam, aurait risqué le dolorisme ronflant. Chez Paulo, au contraire, on a affaire à une "empowering story" sans âge : l'esprit indomptable de Keetje Tippel vit dans ce film... Et quel film bordel ! Clins d'œil à Jules Verne et Delacroix, plans finement pensés, jeux sur les ombres et les miroirs (spécialité verhoevienne), crescendo souligné par des scènes se répondant les unes aux autres (prostitution interrompue de la grande sœur / du petit frère, charge des policiers pour un morceau de pain / une révolution). Du génie.

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Compétition et frites.

Ballet motorisé, cousin Germain de Saturday Night Fever et Grease ; le titre "Spetters" fait d'ailleurs référence à la comédie musicale ricaine, en détournant le jeu de mots. Ici, il ne s'agit pas de la brillantine dont on se tartine les cheveux, mais de la graisse dont on veut s'extraire, la saleté qui tâche. Destins croisés de trois copains, amateurs de motocross, qui se disputent les faveurs d'une femme vénale et luttent pour s'affranchir du déterminisme social. Coming-of-age story pessimiste où l'on passe d'une moto deux roues à un fauteuil roulant à un brancard. Horizon de plomb pour la jeunesse hollandaise, freinée par son héritage colonialiste, homophobe et clérical. Film incompris et hué à sa sortie, évidemment.
NB : Dans la liste des réalisateurs envisagés pour Le Retour Du Jedi, il y avait Lynch, Cronenberg... et puis Verhoeven. C'est à cause (grâce?) à Spetters que Paulo a rapidement été écarté, tant le parfum de scandale autour du film avait choqué Spielberg.

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Psychose et crucifix.

Thriller psychologique à mi chemin entre le cinéma hitchcockien/depalmien et les gimmicks verhoeviens. On y trouve plusieurs thématiques reprises plus tard dans Basic Instinct, à ceci près que le symbolisme est largement explicité : mythe de la veuve noire/femme fatale, référence à Samson & Dalila, pulsions de vie/mort, homoérotisme, allégories religieuses, etc. Les hallucinations paranoïaques du héros, un auteur-menteur alcoolique, permettent à Paulo de flirter plus jamais avec le surréalisme, en brouillant les limites entre fiction et réalité. Chouette, bien que mineur à l'échelle de son œuvre.

Annotation :

Prostitution et plumes.

On peut penser à Belle de Jour pour l'exploration des fantasmes, j'y vois plutôt Les Demoiselles de Rochefort version Verhoeven (a.k.a Les Demoiselles d'Amsterdam). Deux jumelles de cœur travaillent dans le "divertissement" et rêvent en secret de rencontrer l'homme idéal ; la douce blonde est coincée dans une relation conflictuelle, la rousse charismatique tombe sous le charme d'un mélomane... Et bon, la comparaison s'arrête là. Pour le reste, on reconnaît les prémices du Hollandais Violent en termes de ton. Film de commande 100% réapproprié, premier long réussi, quoique renié par l'ami Paulo. En tout cas, comédie de moeurs qui traite avec beaucoup de malice de son sujet ; le vis comicas fonctionne à donf, de la géniale scène de l'opéra aux répliques tordantes.
Ex : (à un client croque-mort) "Dites, vous venez souvent ces temps-ci, vous ne craignez pas que cela nuise à vos affaires ?"
(réponse du bonhomme) "Oh non, c'est la mort de saison dans les pompes funèbres."