Festival de Cannes 2025 selon Arthur Debussy
6 films
créée il y a 3 mois · modifiée il y a 16 joursUn simple accident (2025)
A Simple Accident
1 h 41 min. Sortie : 1 octobre 2025 (France). Drame
Film de Jafar Panahi
Arthur Debussy a mis 8/10.
Annotation :
Grand film de Jafar Panahi, qui déboulonne la statue branlante du régime iranien avec une économie de moyens remarquables. Il est intéressant de comparer Un simple accident avec l'autre film iranien de la compétition cannoise : Woman and Child de Saeed Roustaee. Un excellent film au demeurant. Mais il passe par beaucoup d’esbroufe en termes de mise en scène, de scénario et de dialogues tortueux, quand le film de Panahi est un modèle de concision et d'efficacité. Son humanisme à la fois lucide et bonhomme rappelle les grands maîtres du western classique, tels John Ford, le van du film ressemblant à la diligence de La Chevauchée Fantastique, où des personnages contraints de rester ensemble et de se supporter incarnent toutes les nuances de l'humanité.
Mais Un simple accident n'est pas qu'une simple tragicomédie. C'est une réflexion vertigineuse sur la violence, la justice et le mal. Comment combattre ce dernier sans tomber sous son emprise ? La réponse est loin d'être simple. On le sait depuis longtemps, l'art nous prenant d'ailleurs à témoin, la vengeance peut être amère.
Jafar Panahi livre donc un film simple en apparence, mais riche et complexe, porté par de talentueux interprètes, et une mise en scène limpide, mais qui ça et là démontre le savoir-faire indéniable du cinéaste iranien.
J'ai vu l'autre grand favori de Cannes 2025, Un agent secret de Kleber Mendonça Filho, et après l'erreur de l'an passé (La Graine et le Figuier de Mohammad Rasoulof aurait clairement dû être sacré au lieu d'Anora), le jury de Juliette Binoche semble ne pas s'être trompé : Un simple accident est une belle et évidente Palme d'Or.
Oui (2025)
Ken
2 h 29 min. Sortie : 17 septembre 2025 (France). Drame
Film de Nadav Lapid
Arthur Debussy a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Ça fait du bien de découvrir des films comme Yes de Nadav Lapid, des films fous, ambitieux, politiques et polémiques, qui posent plus de questions qu'ils n'assènent de réponses. Rendre hommage aux victimes israéliennes du 7 octobre, tout en dénonçant les crimes d'Israël à Gaza et en Palestine, voilà une posture pas facile, et pourtant Nadav Lapid est à la hauteur de son sujet. Je ne peux que saluer également les trois acteurs principaux : Ariel Bronz, Efrat Dor et Naama Preis, exceptionnels. Si le film se perd un peu dans quelques longueurs dans sa deuxième partie, il reste passionnant de bout en bout, et particulièrement caustique. Les films qui font réfléchir, c'est toujours plaisant... et alors quand la mise en scène est inventive, c'est un vrai régal :-).
Militantropos (2025)
1 h 51 min. Société
Documentaire de Alina Gorlova et Simon Mozgovyi
Arthur Debussy a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Militantropos est un documentaire avec un propos fort : montrer en quoi la guerre en Ukraine a forcé les Ukrainiens à être des hommes et des femmes soldats, à intégrer la guerre dans leur quotidien.
Un quotidien bouleversé, où la guerre s'invite partout, à tout moment et en tout lieu... Que ce soit dans des champs agricoles truffés de bombes ou de mines, des enfants qui jouent dans des tranchées, des retrouvailles familiales bientôt interrompues avant que les soldats repartent sur le front...
Les trois réalisateur et réalisatrices de ce film, Yelizaveta Smith, Alina Gorlova et Simon Mozgovyi, ne s'attardent pas longuement sur les personnes qu'ils filment. Ils dressent plutôt un panorama du pays ukrainien et de tous les domaines dans lesquels la guerre s'est infiltrée.
C'est filmé avec un grand soin et une belle photographie, mais sans voix off. Rien que les images brutes, tout à fait éloquentes. Un long métrage remarquable qui donne à voir le courage des Ukrainiens et des Ukrainiennes. Cela faisait longtemps que je n'avais pas autant pleuré devant un film...
Woman and Child (2025)
Zan O Bacheh
2 h 11 min. Sortie : 25 février 2026 (France). Drame
Film de Saeed Roustaee
Arthur Debussy a mis 7/10.
Annotation :
Saeed Roustaee livre encore une fois un film coup de poing. Il confirme après Leila et ses frères qu'il est loin d'être uniquement un réalisateur de films d'action. C'est avant tout un chroniqueur de deux entités complémentaires à deux échelles différentes : la famille et la société (iraniennes). Les deux sont intrinsèquement liées, Roustaee nous en fait la démonstration.
Mais avant tout, Woman and Child est une dénonciation de la masculinité toxique en Iran. Le film commence avec une légèreté trompeuse. Progressivement, d'événements en événements, toujours plus tragiques, il devient un thriller et un drame social bouleversant.
On retient son souffle pendant longtemps, le suspense étant insoutenable et le scénario tortueux à souhait, dépeignant un Iran où l'homme écrase femmes et enfants, au sens propre comme figuré. Les institutions, quant à elles, paraissent complètement dépassées, qu'il s'agisse de l'école ou de la justice...
Mais surtout, cette société est malade d'un patriarcat hypocrite et néfaste qui détruit les familles et les vies des Iraniens et des Iraniennes. Dommage qu'une fois de plus Roustaee se perde dans des tunnels de dialogues à n'en plus finir. Car pour le reste, il est toujours un brillant scénariste et directeurs d'acteurs.
Si ce film a fait polémique à Cannes, Roustaee étant accusé de collusion avec le régime des Mollahs, le résultat montre plutôt l'inverse : une fois de plus, avec ce film le cinéaste iranien signe une charge au vitriol contre la société et les institutions de son pays... et donc contre son régime.
The Phoenician Scheme (2025)
1 h 41 min. Sortie : 28 mai 2025 (France). Comédie, Drame, Policier
Film de Wes Anderson
Arthur Debussy a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Avec The Phoenician Scheme, Wes Anderson continue de tracer son sillon et s'enferme dans sa recherche effrénée de perfection, ou tout du moins de sophistication formelle. L'émotion est sacrifiée sur l'autel du formalisme, hélas... Mais dans le même temps, il creuse de nouvelles pistes, je ne suis donc pas totalement pessimiste quant à sa capacité à se ressaisir. The Phoenician Scheme m'a quand même déçu : il avait énormément de potentiel, et Wes n'a pas su le saisir... Mais tout n'est pas raté, il y a un certain nombre de choses qui fonctionnent. Néanmoins, comme beaucoup je suis inquiet pour l'avenir du cinéaste, qui tourne de plus en plus en rond...
L'Agent secret (2025)
O Agente Secreto
2 h 40 min. Sortie : 17 décembre 2025 (France). Drame, Policier
Film de Kleber Mendonça Filho
Arthur Debussy a mis 4/10.
Annotation :
De l'inconvénient de voir les films présentés à Cannes en avant-première, avant que le bouche à oreille permette de dégonfler les baudruches... L'Agent Secret est l'exemple parfait de ces films de festivals (c'est-à-dire calibrés pour la critique et ce type de conditions de visionnage) et de ces emballements soudains pour des films franchement moyens (et je suis gentil).
Difficile de comprendre l'engouement pour ce long métrage interminable (quel enfer) où il ne se passe pas grand chose, avec une mise en scène banale, un scénario bancal et un montage pas loin d'être médiocre...
Moi qui pensais que cette édition 2025 était une grande cuvée, je vais me méfier. Incroyable de voir combien L'Agent Secret a été porté aux nues, alors qu'un long métrage comme Woman and Child, grand film de Saeed Roustaee, est passé sous les radars... On devait être moins d'une trentaine pour l'avant-première dans la grande salle du Louxor pour ce dernier, quand la salle était archi pleine pour L'Agent Secret.
Parmi les quelques qualités de ce film brésilien, le contexte est malgré tout intéressant, puisque la majeure partie du film se déroule en 1977 sous la dictature. Et même si le scénario laisse a désirer, on s'attache à certains personnages.
Mais ces derniers sont trop schématiques, et le propos est trop surligné pour ne pas décevoir, face à un sujet fort et complexe qui aurait mérité un tout autre traitement.
Et je ne parle pas des scènes tarantinesques qui tombent comme une perruque dans la soupe, et qui démontrent que Kleber Mendonça Filho est un cinéaste de l'épate, qui reste à la surface (travaillée, certes) de son film...