Un homme
7.2
Un homme

Album de Albin de la Simone (2013)

Avec Alexis HK et Mathieu Boogaerts, Albin de la Simone complète la sainte trinité de la chanson française à son top dans mon panthéon personnel. Et parmi cette troupe c'est sans doute l'album Un Homme qui me touche le plus particulièrement et que je trouve juste magnifique.


Même si dans l'absolu je trouve Alexis HK plus fort, plus brillant, plus original et créatif dans sa démarche et dans sa manière incroyable de jouer avec la langue française, le gars le plus émouvant, le plus sensible et touchant reste incontestablement Albin de la Simone.


Chez ce mec, comme chez la plupart des artistes français.es, il y a aussi une volonté, et ici aussi un talent - le plus important - pour manier les mots avec une certaine poésie, en créant des twists et des décalages constants, notamment en jouant sur les silences et les ruptures du chant. Le plus touchant et singulier chez Albin de la Simone c'est peut-être la douceur, l'étrangeté naïve, presque adolescente et maladroite, de sa musique, bien cultivée par la voix fluette et gracile du chanteur, et des paroles qui semblent parfois former un emboîtement hésitant de jeux de mot et d'expressions détournées.


En tout cas il y a une symbiose certaine entre le chant et l'univers évanescent, merveilleux et délicat, sensible et touchant aussi, construit par Albin de la Simone. Et pour l'avoir vu en concert, le chanteur ne s'est pas créé un personnage, le gars est un peu comme ça aussi dans la vraie vie, il paraît sensible, rêveur, dans la lune, parfois maladroit mais aussi incroyablement charmant et attachant.


Comme avec Mathieu Boogaerts j'ai bizarrement très peu écouté les autres disques d'Albin de la Simone, mais il faut dire que cet album - Un Homme - est tellement fort, tellement beau et définitif, que je ne ressens pas forcément le besoin d'aller chercher ailleurs. J'ai l'impression qu'Albin de la Simone atteint ici une vraie maturité musicale, surtout d'un point de vue production, arrangement et mélodie. L'harmonie et la cohérence du son et des ambiances font merveille, la musicalité de l'album est dense, riche, chaleureuse, douce, belle, mélancolique, et en même temps un peu amère, troublante, portée par un piano au son enrobant.


Albin de la Simone a délaissé les compositions un peu entraînantes weirdo pour des chansons plus mélodiques, plus homogènes en terme d'inspiration, ce qui donne un résultat plus abouti. Il n'y a presque rien à jeter tant chaque morceau est d'une grande pureté musicale. Certains titres me touchent d'une manière presque inexplicable à l'image de Mort en plein air qui semble résonner d'une colère douce et introvertie, sublimée. Avec toujours cette capacité à créer des twists sémantiques d'une simplicité évidente et désarmante - de manière presque naïve ("Comment allez-vous... faire foutre").


En prenant le temps de s'attarder sur les paroles, et sur le chant, on se rend compte que les chansons sont subtiles et bourrées de doubles sens, d'une double couche de lecture, de sens détournés qui leur donnent une consistance unique, tel ce doux amer Moi Moi que j'ai d'ailleurs redécouvert quand je l'ai entendu en live, joué et chanté, presque mimé par Albin de la Simone. Le sous texte est assez riche et se niche dans les détails, dans la diction, le rythme, l'enchaînement et le timing des paroles, faussement ingénu.


Et encore une fois le son de l'album est magnifique, rond, doux. Les titres plus entraînants - qui sont moins ma tasse de thé chez Albin de la Simone - offrent deux sublimes tubes que sont Mes épaules et Ma crise, en partie grâce à ce son, cette richesse, cette cohérence, cette fluidité, cette évidence mélodique (je suis un peu moins fan de Tu vas rire, qui s'inscrit pour le coup davantage dans le registre loufoque pop habituel du chanteur et qui dénote ici).


J'ai rarement écouté un album de chanson française aussi riche, cohérent, à la fois ambitieux et modeste, qui réussit presque sans le chercher à créer un ensemble - une œuvre globale en fait - où chaque chanson semble alimenter et décliner un univers d'une beauté simple, par l'exécution et la volonté de proposer une belle musique, et complexe, par la richesse et la sensibilité des paroles, l'approche unique des mots et des expressions.

benton
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le 28 août 2018

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