L'année 2017 fut faste pour la Guerre Froide opposant les frères Gallagher, feu Oasis, avec son apogée et sa propre crise des missiles nucléaires cubains symbolisée par la sortie quasi-simultanée de leurs deux albums « solos ». Si Liam Gallagher effectuait alors pour la première fois une échappée en solitaire avec un album rock moderne de bonne facture mais assez conventionnel, Noel Gallagher a de son côté continué de tracer sa propre route toujours fidèlement entouré de ses High Flying Birds.


Après s’être adonné sur les albums précédents à des pérégrinations tantôt rock ou folk et même pop selon l’envie, on peut affirmer sans crainte qu’avec ce nouveau disque Noel cherchait une fois de plus à se renouveler en explorant de nouveaux horizons musicaux, quitte à bousculer les fans d’Oasis de la première heure.


Cette absence de sclérose musicale est parfaitement visible avec Fort Knox qui donne instantanément le ton. Véritable délire halluciné du mancunien, cette première piste délivre un beat calé sur une boucle qui rappelle immédiatement les Chemical Brothers. Rajoutez à ça un chant de femme à la Great Gig In The Sky des Pink Floyd (toutes proportions gardées) ainsi qu’une multitude de pistes qui se superposent tel un melting-pot savoureux mais insaisissable, et vous obtenez une ouverture d’album très déroutante pour un album siglé Noel Gallagher.


L’écoute se révèle par la suite toute aussi riche et non moins variée : la première chanson choisie pour la promotion, Holy Mountain, révèle un côté extrêmement pop et enjoué qu’on ne connaissait pas à Gallagher et qui semble rappeler le célèbre Ça plane pour moi du non moins fameux Plastic Bertrand (désolé pour la référence), tandis que Black & White Sunshine convoque l’esprit des Smiths dans ses mélodies aériennes à la guitare. Keep On Reaching sonne quant à elle comme un hommage aux Black Keys qui aurait sciemment abusé des cuivres (ce qui est franchement réjouissant).


It’s A Beautiful World est la première franche déception du disque malgré quelques passages intéressants, la faute à un refrain entêtant mais vite lassant (et un bridge totalement what-the-fuck en français avec la femme aux ciseaux, les vrais comprendront la référence).


Le reste de l’album est moins dans la surprise que dans le confort : She Taught Me How To Fly a de forts accents de B-Sides de Oasis, même si d’autres petites perles se cachent encore entre les sillons creusés du disque, comme la brillante If Love Is The Law.


Deux diptyques se dessinent également. Le premier avec l’envoûtante Be Careful What You Wish For et la plus musclée The Man Who Built The Moon, avec l’accent mis sur des sonorités rappelant étrangement les western et la poussière du désert (comme un écho à cette très belle pochette d’album énigmatique). Le deuxième duo est formé plus naturellement autour de deux chansons instrumentales, sobrement intitulées Interlude et End Credits (ce qui renforce la théorie précédente et le côté western), avec des mélodies planantes dignes d’Archive (Again en tête) et autres groupes habitués aux expérimentations musicales.


Last but not least, l’album se termine sur un beau cadeau d’adieu en la présence d’une sublime chanson captée en live, Dead In The Water. Tout est ici en retenue, mais cette complainte musicale sobre et épurée dégage une forte puissance émotionnelle au fil de son écoute. L'incontournable de l'album, un highlight.


Le bilan est donc assez positif dans l’ensemble. On sent Noel Gallagher comme libéré d’un carcan rock parfois réducteur et peu inclusif qu’il portait tel un fardeau avec Oasis. Il peut ici laisser libre court à ses désirs musicaux les plus fantasques sans avoir à ployer sous le poids de l’étendard du rock british. Avec une véritable prise de risques par rapport aux deux albums précédents, ce Who Built The Moon ? est un beau disque, riche et raffiné, qui démontre, s’il fallait encore avoir à le faire, que l’aîné des frères terribles du rock anglais est bien le plus talentueux des deux. Shots fired.

Thibaulte
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le 5 déc. 2017

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Thibaulte

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