Noel Gallagher est un des plus grands songwriters de l’histoire de la musique.


Je débarque avec mes gros sabots et j’en vois déjà qui ricane au fond. Seulement, ces derniers n’ont pas compris qu’écrire des chansons réussies aux allures d’hymnes est extrêmement compliqué. Certes, la recette d’Oasis reposait pratiquement que sur ça et elle n’a pas énormément varié durant près de quinze ans. Toutefois, elle a également duré sur au moins cinq albums. Autant dire une éternité. Et puis pourquoi ne pas tenir le même genre de griefs à Motörhead et AC/DC dont le répertoire peut se résumer à trois types de chansons, grand maximum ?


La fin d’Oasis ne fut pas glorieuse malgré les quelques traces persistances d’un passé qui rendit le groupe extraordinaire sur plusieurs années. Ce qui rendait sceptique sur la carrière solo de son patron. Pourtant, son premier album s’était révélé être une belle surprise. Si tout n’était pas parfait, on retrouvait cette magie qui a fait de cette formation l’une des plus fédératrices de son époque. Un scepticisme que j’ai ressenti, de nouveau, à l’annonce d’une troisième offrande studio suite au guère mémorable Chasing Yesterday.
Who Built the Moon est pourtant d’un autre calibre. Ce qui marque d’entrée de jeu, c’est la production. On savait que Nono affectionnait l’empilement de couches d’arrangements qui avait pour effet de rendre encore plus grandioses ses compositions, mais cette fois-ci, il va encore plus loin que d’habitude ! Ce disque est over the top d’un point de vue sonore avec ses cuivres pétaradants (« Holy Mountain »), ses chœurs world music à la saveur Ushuaïa Nature (cette introduction pas possible) et ses rythmes house sacrément dansants (le très New Order « She Taught Me How to Fly »). Stop, n’en jetez plus ! Noel a craqué ! Il a sorti son œuvre psychédélique.


Et c’est bien ce qu’on pouvait espérer de mieux de sa part. Alors que son frère ne semble pas disposé à sortir du pop rock 60s au point de le rendre vieillissant, Nono ose. Cette surproduction attise la méfiance tant elle est envahissante. Car combien de disques reposent sur d’incroyables arrangements sans proposer de mélodies accrocheuses derrière ? Beaucoup trop. Mais il suffit de se référer à mon premier paragraphe pour être rassuré. Contrairement à son prédécesseur, Who Built the Moon possède des morceaux très catchy. Le plus évident étant « It's a Beautiful World » (rythme trépidant, refrain féérique, spoken word en Français troublant puisque très pessimiste.). C’est un sommet qui rejoint cette caste privilégiée des chansons dansantes aux paroles sarcastiques.


Après, il faut le signaler, en dehors de cette production surprenante, cela reste de la britpop assez classique. C’est-à-dire un pop rock alternatif aux mélodies inspirées des sixties. D’ailleurs, on pourrait regretter que Noel Gallagher se décide de composer ce qu’il proposait chez d’autres groupes électro (tel que « Let Forever Be » des Chemical Brothers) que maintenant ! Mieux vaut tard que jamais. Il est aussi dommage que ce skeud s’essouffle à plusieurs reprises (le trop long « Be Careful What You Wish For » et cet inutile interlude en piste 8). Ce qui l’empêche de conserver un certain niveau d’intensité sur toute sa durée.


Néanmoins, Who Built the Moon est le style de sortie décomplexée faisant plaisir de la part d’un artiste installé depuis belle lurette. Une désinhibition particulièrement audible chez Noel qui est très en voix (« Black & White Sunshine » dont le dédoublement de chant sur le refrain emporte tout sur son passage). S’il n’a pas le timbre singulier de son frangin, sa voix communique pourtant bien plus d’entrain et de magie ici. Voilà une belle leçon à retenir.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 18 janv. 2018

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