Facelift
7.3
Facelift

Album de Alice in Chains (1990)

Alors comme ça, le grunge n’avait rien à voir avec le glam metal qu’il a délogé des charts au début des années 1990 ? Un peu de lucidité ne ferait pas mal à ceux qui se contentent d’opposer des chapelles (effondrées depuis longtemps). Cette musique aux frontières poreuses a toujours entretenu des liens avec le hard rock et le heavy metal. Le hard FM et le glam metal font partie de cette grande famille, même édulcorés par la pop et le mainstream, que vous le vouliez ou non.


D’ailleurs, si le grand public a suivi sans hésitation, deux courants à l’image totalement opposée, c’est bien parce qu’il y avait des liens permettant d’assurer une transition fluide et non brutale. Car le grand changement, aussi bénéfique peut-il être, fait souvent peur.


Toutefois, il y a encore plus amusant. Il existe deux cuvées de 1990 formant ce fameux chaînon manquant entre le glam des 80s et le grunge des 90s : Apple des Mother Love Bone et ce premier album d’Alice in Chains. Ces deux disques partageant également les mêmes défauts : un son daté et des compositions inégales.
Soyons honnêtes, si cette sortie fait partie des premiers succès commerciaux du genre (deux millions de copies vendus aux États-Unis quand même) et marque le premier pas d’une affirmation de l’identité de ce groupe devenu légendaire (il suffit d’écouter leurs obscures démo glam metal des années 1980 pour se rendre compte du chemin parcouru), elle ne propose pas grand-chose de marquant.


Commençons par le plus rapide. Le meilleur de Facelift est époustouflant et il s’appelle « Man in the Box ». Tout ce qui fera leur succès est déjà là. Des riffs lourds et psychédéliques, un refrain puissant et mémorable, des paroles torturées en rupture avec le hard superficiel et festif des 80s... Et bien entendu, la voix de Layne Staley. Techniquement bluffante (le refrain est une longue mise en apnée) et surtout d’une incroyable expressivité. Le refrain de « Sunshine » étant du même acabit.


Hélas, malgré les quelques bons riffs de Jerry Cantrell, le mérite du disque en revient principalement à son chanteur. Au point qu’il s’égosille un peu en vain sur les titres les plus faibles (« Sea of Sorrow » possédant même un refrain agaçant). Ce qui donne un sentiment de gâchis.
Puisqu’en dehors de l’efficace « We Die Young » et du lugubre « It Ain't Like That », les morceaux se suivent et se ressemblent. La faute à quoi ? A une dynamique monotone (la batterie n’étant pas passionnante) et notamment une production qu’on croirait piqué à Bon Jovi ! La réverbération est trop abondante pour ce style et émousse l’efficacité de ces morceaux peinant à passionner.


Ce qui pose une question intéressante : si Alice in Chains était prêt à prendre le tournant des années 1990 stylistiquement parlant, pourquoi ne pas voir plus loin en termes de son ? A y bien regarder, les grungeux n’ont pas encore affiné leur style. Sinon comment expliquer ce clin d’œil funky aux Red Hot Chili Peppers sur « I Know Somethin » ? Et puis que dire du reste de l’album qui fait tout de même souvent penser à un Guns n' Roses assombri ?


Voilà ce qui explique le sursaut entre cette première pierre de l’édifice Alice l’enchaînée et Dirt. Le grunge n’étant pas encore, tout à fait, cette musique angoissante faisant remonter à la surface toutes les névroses d’une génération.
Ce qui démontre à quel point Facelift portait bien son nom. Il ne s’agit que d’un lifting avant la grande métamorphose. Le ravalement de façade, ça sera pour plus tard.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
5
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Créée

le 11 juil. 2017

Critique lue 506 fois

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