RAGNAAAAR ! - Le chant de mort de Ragnar épisode 1

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- Ragnar ! Ragnaaaaar !

Les rapaces de fer, les oiseaux du feu planent haut dans le ciel rougeoyant. Les emplumés du malheur vautours et grands corbeaux virevoltent et jouent dans le vent. Le Soleil vient à peine de se lever. Il est une chose merveilleuse et adorée derrière laquelle se cache l'antre des Dieux. Ses épées brasillantes émergeant à peine d'une lande diffuse terne et morne coupent l'air en s'engouffrant dans la brume matinale opaque et la fumée issue du tumulte des Oms s'agitant sur la Terre à laquelle ils sont rivés de force. Au loin faisant face à l'astre de puissance se découpant nettement au dessus des brouillards, de l'incertitude et de la misère deux pics tranchants encadrent un plateau d'altitude. Bifrost et sa majestueuse courbe multicolore y prend naissance. Escalator cosmique...trône astral...tribune divine sur laquelle vont prendre place ceux qui jouent avec la destinée de ces brindilles futiles et fragiles que sont les êtres peuplant la misérable et ridicule petite Terre. Le spectacle programmé est pour bientôt. Alors en attendant, Odin fume, inhale puissamment et crache. Cette exhalaison trouble, voile un peu plus les rayons de l'astre bienfaiteur qui peinent à donner une vision claire aux humains. Les sons liquéfient l'air ambiant, respirations hâtives, précipitées, cornes de brume plaintives et noires, grincements et craquements des charrois souffrants pour trouver la piste qui s'enfonçent dans des ornières gluantes et voraces. Les grognements des bêtes asservies à la guerre, Wargs immenses que chevaucheront les bersekers résonnent lugubrement et même à distance instillent la crainte au fond des coeurs pour qui n'a pas voué sa vie au banquet céleste. Pour le moment rien ne distingue les bersekers des autres combattants si ce n'est la nudité paré des tatouages initiatiques qu'ils propulseront tout à l'heure contre un mur de lames. Ils viennent juste de se dévêtir car le choc est proche. Autour de la taille une simple cordelette pour fixer une doloire imposante. Arme sauvage, fruste et saisissante au tranchant droit et épais coupant la chair aussi facilement que les os, balayant les assaillants comme un souffle morbide. Rien ne pourra les empêcher d'aller au grand banquet et leur joie sera immense au sourire tant attendu des Walkyries. En les regardant de près on distingue le léger tremblement des mains, le regard hagard, témoignages d'une frénésie animale contenue. Bientôt ivres de fureur et de rage ils libèreront la bête...ours...loup...Le serpent qui se mord la queue s'avalera totalement pour renaitre au milieu de la furie.

- Ragnar, Ragnaaaaaar !

Dans le camp le cri résonne. Un pan de tente se soulève et il apparait. Le regard se pose alors pour la première fois sur l'homme aux braies velues, sur Ragnar oeil de serpent déjà légendaire du fait de ses exactions sanglantes, de sa violence proverbiale. Il est un géant étrange pour l'instant alangui sur un sofa de soie, sorte de Lounge pug médiéval chatoyant de par sa douce profondeur et sa couleur dorée. Trônant au centre d'une tente épurée, reflet du nomadisme guerrier de son habitant, il laisse vagabonder un regard trouble sur la vacuité des choses environnantes. C'est le moment de se laisser aller au calme précédent la tempête. Sa tête dodeline mollement et bientôt il va se lever, défaire la jupe longue qui cache ses braies velues et partir pour fustiger, motiver ses servants. Ses jambes sont étendues, ses lourds pieds nus sales aux ongles peints en noirs fichés dans la terre battue. Sa posture détendue, ses bras noueux et puissants terminés par des mains larges faites pour la hache et le glaive accentuent sa taille et sa carrure massive. Nul tatouage, nulle scarification sur ce corps pur taillé par la dureté du monde et par la guerre, juste des cicatrices brunâtres plus ou moins larges, plus ou moins profondes. Incarnation saisissante de force, d'une puissance physique impressionnante mais aussi de la saleté des combats, de la malédiction des Dieux. Seule parure ostentatoire, une forte et longue barbe blonde pleine de Soleil ondulant comme des blés sous le vent entourant des lèvres charnues ; ses cheveux fins, lustrés, confinés par un anneau d’or serti de pierreries, tombent jusqu’à la hauteur de ses épaules ; à son oreille gauche une créole rouge d'un Ouroboros ou serpent qui se mord la queue obsession viking du sort des Oms et à son oreille droite une gemme bleue d'une beauté brute puisque non taillée mais éclatante. Pour terminer, au milieu de ce visage altier et d'une jeunesse improbable pour un un roi, des yeux farouches où brille une lueur vagabonde et maléfique, où s'agitent des éclairs de folie. Il émane de cet homme une barbarie si incroyable qu'on ne peut qu'être apeuré mais aussi subjugué. Seul de grands guerriers pourraient oser l'affronter sans céder la place à un sentiment d’horreur la plus absolue. Se trouver en sa présence c'est se baigner dans l'inquiétude, lui parler c'est se noyer dans le doute, affronter son regard c'est plonger dans la peur.