L'après Morris a donc été incarné par le duo Achdé-Gerra, qui, après les très médiocres Belle Province et Corde au cou, signe ici son troisième album.
Gerra explore un thème finalement assez peu utilisé dans l'univers de Lucky Luke à savoir la politique. Les histoires précédentes avaient souvent une introduction politique (Les Dalton se rachètent ou Les collines noires) un contexte politique (Ruée sur l'Oklahoma, À l'ombre des derricks) mais rares sont celles à avoir donner à un homme politique de l'histoire des États-Unis le premier rôle.
D'ailleurs, la grande évolution des histoires post Goscinny-Morris est cette tendance à mettre systématiquement en avant les sujets sociétaux et politiques; qui deviennent la trame centrale de l'histoire et non plus le contexte... l'originalité de l'univers s'effaçant petit à petit.
Nous nous retrouvons donc ici à suivre la campagne du candidat Hayes, qui souhaite conquérir le suffrage des républicains en faisant un périple dans les États de l'Est et du Midwest (Kentucky, Tennessee, Arkansas, Texas). Et bien évidemment, Lucky Luke acceptera d'escorter ce "respectable candidat" face aux menaces qui rôdent provenant notamment de son adversaire du clan des éléphants Perry Camby. Personnage qui semblerait d'ailleurs parfaitement inventé et aux traits repris de George W Bush.
L'histoire se retrouve à être une reprise croisée de La Caravane pour son côté road-trip avec un traitre en interne et le Grand Duc pour le côté bon vivant qui s'adapte partout où il passe et ne craint pas l'hostilité.
Pas d'une grande originalité donc, d'autant qu'il respecte scrupuleusement le "cahier des charges" des nouvelles histoires : le recyclage de bandits ou anciennes gloires vus et revus (ici Billy the Kid au début et à la fin du tome voire Elliot Belt ou encore Scat Thumbs) et la présence d'indiens (3 planches et puis s'en va). On y trouve toujours des passages assez étonnants voire perturbants comme la planche 30 des travailleurs chinois et de la seule intervention de Jolly sur la cuisine chinoise (!) ou bien l'Oktoberfest de la ville Hermann...curieux et inutile.
Pour autant le road-trip s'avère plutôt sympathique, dynamique avec de belles actions de train et de saloon. Évidemment pas un grand Lucky Luke, plutôt même un mauvais au regard de la saga mais un post Morris qui se lit (une fois). Un thème finalement assez original, plutôt bien exploité dans l'ensemble mais qui dans le détail fait fortement hérisser les poils des puristes de la saga...