Guerre génétique, Apocalypse religieuse, histoire unique

La première fois que j'ai lu cet arc, j'ai été paumé, un peu déçu et assez déboussolé que ce soit au dessin ou dans la narration.


Je venais de m'enchaîner le run de Morrison, le découvrant avec passion et m'accrochant pour essayer de tout comprendre (chose impossible en premier lecture, d'une part son écriture est relativement nébuleuse et d'autre part ses twists modifient complètement notre vision).


Planète X, l'arc juste avant, était à mon sens la véritable conclusion de Morrison. Et pourtant, le monsieur avait encore des choses à dire dans une sorte de "Days of Futur Past" à sa sauce. Ainsi, on fait un bond de 150 ans dans le futur et on assiste à une apocalypse, à laquelle vient se mélanger la désinfection du phœnix.


Niveau dessin, c'est Marc Silvestri à la barre pour son grand retour chez Marvel. Le style du créateur de Top Cow est encore très marqué années 90, avec une colo début 2000. Très perturbant pour un lecteur peu habitué, d'autant que le run de Morrison est déjà une sacrée épreuve à subir au niveau du graphisme (traduire: c'est hideux tout du long!). Sauf que depuis ma découverte de Here Comes Tomorrow, je suis tombé amoureux du style de Silvestri que ce soit dans ses productions antérieurs (Darkness où le style est identique) comme postérieurs (Messiah Complex où il évolue). Il s'agit de ma quatrième lecture de "Déjà demain" et désormais je savoure ses pages. Le dessinateur installe une atmosphère incroyable, un goût de fin du monde mais différent des précédentes, on sent les sociétés brisées dans ses villes en ruines, on sent la guerre dans son océan noirci et les navires type 2WW. Il maîtrise à merveille un phénix pour une fois plus divin que monstre, il donne des looks incroyables à TOUS les personnages. Alors oui derrière il faut apprécier le style Top Cow qui t'explose au visage, avec ces muscles saillants, ces filles sexy et l'action qui éclabousse. D'habitude ça me pose problème mais avec Silvestri aux manettes j'adore. Si je dois ajouter un bémol, ce serait son Emma Frost en-dessous, mais on ne va pas bouder son plaisir alors qu'il s'agit du seul arc visuellement beau et intéressant sous New x-men.


Côté scénario, attention je vais spoiler un max. Morrison avait un twist en réserve et pas des moindres. John Sublime dont on savait le rôle moins anodin que prévu depuis son implication dans le programme Arme Plus, est en vérité une bactérie. A la seconde lecture du run, on prend conscience de toutes les pistes laissées par le scénariste: le programme arme plus du coup, la troisième espèce dont le nom prend un nouveau sens, la peur du fauve de devenir un virus destructeur à cause de sa mutation, les nano-sentinelles qui déjà transposaient le combat à l'intérieur des cellules. J'avais noté d'autres points mais là tout de suite je ne m'en souviens pas.
Non seulement Sublime a survécu mais il était derrière un grand nombre des problèmes x-men. Il influait sur les mutants via sa drogue - le kick auquel les méchants (Esme, Magnéto, Quentin) se shootaient allègrement - et avait ainsi ordonné à Xorn l'exécution de Jean Grey. Il était également le chef du programme Arme plus et l'instigateur des nano-sentinelles. Dirigeant des U-men par ailleurs, il ne reste pas vraiment de méchants n'ayant pas eu affaire avec lui par voie indirecte.


En prenant comme ennemi une bactérie, Morrison ramène les mutants à la base de leur histoire: la mutation. Tout n'est que guerre génétique entre les différentes races, celles qui apparaissent, celles qui évoluent, et les autres qui redoutent l'extinction. Le scénariste sort du schéma humain/mutant pour plonger la planète et la biosphère entière dans cette lutte. Il invente d'autres espèces telles que les termides mutantes ou la baleine pensante, et rajoute à cette lutte interraciale l'intelligence artificielle des machines, comme son idée révolutionnaire du "monde" le préfigurait.
Ainsi Morrison s'en donne à cœur joie sur le jargon et les idées scientifiques, faisant même de la guerre génétique un phénomène cyclique (les 5 grandes crises d'extinction connues des scientifiques et dont Sublime serait responsable)



Qui contrôle le stock génétique contrôle l'avenir



Toutefois, un autre thème prédomine cette histoire: le religieux. C'est la terrible bête qui régit l'apocalypse, c'est le chant du phénix qui juge la Terre et ses habitants, c'est la genèse qui nous est narré à travers la création de Sublime à l'aube des temps. Apollyon, devenu le dernier U-men, héraut de la bête, ravage les dernières cités à la tête de son armée démoniaques (Diablo n'est pas choisi par hasard). Les trois en une correspondent quant à elles à des figures angéliques, spectatrices omniscientes de la fin de toute chose. Tout du long, on retrouve de multiples allusions à Dieu, y compris dans la bouche de Logan, mais c'est Sublime qui souligne le mieux cette thématique dans ses discours, reliant les deux sujets abordés par Morrison dans des discours éclatants.



Dieu a abandonné son expérience ratée



Cet arc est passionnant pour la description globale qu'il nous donne de ce monde ravagé mais encore organisé en société, comme un étrange mélange de Mad Max premier du nom (pas encore dans le désert aride) et de Total Recall et ses martiens mutés, avec un soupçon de désespoir heureux à la Matrix et son Zion. Bref c'est une Apocalypse unique et singulière que nous propose Morrison, loin des clichés d'un Days of Futur Past, et il prend le temps de la décrire sous toutes ses formes, voyageant entre les grandes mégalopoles brisées des continents, "de l'Empire des ondes du Pacificat aux déserts Panafricains d'Extralia à Megamerica". Il est aussi passionnant car il nous montre jusqu'au bout la vision de Morrison sur les x-men, le dernier testament avant son départ en somme. Cassandra Nova a bien changé, les trois en une forment en vérité l'Arme XIX, le fauve est dépassé par les responsabilités, Cyclope accepte la vie et embrasse Emma dans un fougueux élan, les descendants de Bec montrent leur potentiel, Quentin Quire pourrait devenir l'hôte du phénix. Surtout, il pousse le quadruo Logan/Jean et Scott/Emma au bout du bout, l'exploitant jusqu'à son essence et explicitant son idée du phénix. Le phénix n'est pas monstrueux, il ne dévore pas Jean si cette dernière l'accepte sans laisser sa part d'ombre corrompre l'entité. Le phénix blanc est divin, dieu neutre et impartial jugeant la vie, le monde lui-même. Et elle procède à la désinfection avant de créer un nouvel univers, tantôt déesse tantôt humaine.



Pour faire pousser un nouveau futur à la place de celui que tu as
coupé... tu dois l'arroser avec le sang de ton cœur



Here Comes Tomorrow, l'arc que j'appréciai le moins de new x-men en première lecture, et pourtant il s'agit du plus riche, et le seul qui puisse se lire indépendamment après coup.

WeaponX
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le 11 juil. 2016

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