Par Matthieu Pinon

Soudain, tout s’éclaire. Jusqu’ici éparses dans la mise en page, les obsessions de Sata se trouvent condensées en une seule image pleine page. Le flic amnésique aura traversé bien des épreuves, et mis sa peau en jeu plus d’une fois avant cette épiphanie sortie d’une casse de voitures. Maintenant qu’il a compris de quoi il retourne, il est désormais prêt à affronter bien plus pour retrouver Kiwako Komiyama, qu’il traque depuis le début de la série, sise dans les années 1960.

Au fil des chapitres, Wet Moon aborde tous les univers chers à son auteur : polar bien entendu, à travers la corruption qui gangrène la police de la ville de Tatsumi ; fantastique avec son héros Sata, victime d’un éclat au cerveau qui lui fait vivre des hallucinations plus vraies que nature ; espionnage aussi, avec la poursuite par différents pays d’une pièce indispensable à la conquête lunaire… Mais c’est surtout vers la science-fiction que se tourne Atsuhi Kaneko pour mettre un terme à ce qui sera probablement la meilleure série manga de 2014.

L’ombre de David Lynch plane toujours sur cet ultime volume, et jamais l’analogie avec la Loge Noire de Twin Peaks n’a été aussi prononcée. Rêves lourds de significations, galerie de freaks, personnages instables… seule manque à l’appel la bonne humeur constante d’un Dale Cooper ou l’humour décalé qui agrémente la petite ville américaine. Wet Moon est définitivement sombre et poisseux, un polar hard boiled invoquant aussi bien Raymond Chandler que China Miéville. Et passé les ultimes révélations, une deuxième lecture donne à la série toute sa dimension. Les indices placés par le mangaka sont désormais évidents, et la précision avec laquelle les différentes pistes se rejoignent se révèle vertigineuse. Mais ce n’est encore rien face à l’admiration instantanée que provoque le dessin de Kaneko, qui s’illustre aussi bien dans les expressions des personnages – certains plans semblent tout droit sortis du Troisième homme de Carol Reed – que dans des décors étalant leur splendeur sur des doubles pages somptueuses. Un noir et blanc vif et cru, qui se pare ici ou là de quelques notes de couleur pour l’édition reliée, comme un écho au Sin City de Miller, éternel mètre-étalon de la BD hard boiled.

Pourtant, les ultimes pages révèlent l’essence même de Wet Moon : une histoire d’amour, finalement. Le lien chasseur/chassé est la seule constante à laquelle peuvent se raccrocher Sata et Kiwako. Une poursuite sans laquelle aucun d’eux ne peut survivre, et qui se prolonge à travers le temps et l’espace…
Chro
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le 8 sept. 2014

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