Corps sonores
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Corps sonores

BD franco-belge de Jul' Maroh (2017)

"Il y a autant de relations amoureuses qu’il y a d’imaginaires." Pas question, du coup, de limiter l’amour aux stéréotypes véhiculés par la publicité et le cinéma, du style Barbie et Ken ou bien Blanche-Neige et le prince charmant. Comme le prouve Julie Maroh dans son nouveau roman graphique baptisé "Corps sonores", l’amour n’est pas réservé à une élite. Tous les habitants de la planète, quel que soit leur âge, leur race, leur apparence physique, leur orientation sexuelle ou leur religion, sont envahis par des sentiments amoureux à un moment ou un autre. "Corps sonores" en fait la démonstration sur plus de 300 pages, puisque ce roman graphique composé de 21 nouvelles retrace toutes les étapes de la relation amoureuse, de la rencontre à la rupture, en passant par les premiers flirts, les malentendus, les conflits, les rires, les tromperies, les retrouvailles, et même la mort. Bref, les bons comme les mauvais moments… mais aussi toutes les configurations possibles, puisque le livre de Julie Maroh évoque l’amour entre un homme et une femme, entre deux hommes, entre deux femmes, voire même entre deux femmes et un homme. Dans l’une des histoires, c’est même plus compliqué encore, puisque l’autrice française y utilise le terme de "polyamour", comme le font les Québecois. Il faut dire que le point commun des 21 nouvelles imaginées par Julie Maroh est qu’elle se déroulent toutes à Montréal, permettant ainsi aux lecteurs de profiter des délicieuses expressions de là-bas. Les histoires de "Corps sonores" démarrent un 1er juillet, le jour des déménagements et des nouveaux départs, pour se terminer le 1er juillet suivant. Elles racontent des couples qui se font et se défont, des individus qui s’attirent et se repoussent, des destins à la fois différents et semblables.


Julie Maroh n’est pas une auteure de BD (ou autrice, comme on dit maintenant) comme une autre. Révélée en 2010 par "Le Bleu est une couleur chaude", un roman graphique très fort sur l’homosexualité féminine (devenu "La Vie d’Adèle" au cinéma), son style reste celui d’une écorchée vive. Dans ses bandes dessinées, elle raconte les choses avec passion, comme elle les ressent au plus profond d’elle-même. Et tant pis si ça choque ou si ce n’est pas politiquement correct. C’est à nouveau comme ça qu’elle a travaillé pour réaliser "Corps sonores", dont les histoires sont criantes de vérité. C’est d’ailleurs ce qui les rend tellement touchantes, même si certaines scènes font qu’il ne s’agit pas d’un livre à mettre entre toutes les mains. Certes, les esprits grincheux feront remarquer que les histoires de "Corps sonores" ressemblent un peu à un catalogue du genre humain, puisqu’on y retrouve aussi bien des transsexuels que des handicapés ou des personnes gravement malades, mais c’est précisément cette diversité que Julie Maroh a voulu mettre en scène, en y ajoutant pour l’occasion une belle inventivité graphique, histoire de varier les plaisirs entre les différentes nouvelles. "Le couple hétérosexuel monogame blanc, beau et à l’éternel sourire de dentifrice, reste dans l’inconscient collectif le schéma souverain de l’état amoureux. Où sont les autres réalités? Où est la mienne?", s’interroge-t-elle dans la préface de son roman graphique. "Courtes-pattes, grassouillets, colorés, androgynes, trans, scarifiés, malades, handicapés, vieux, poilus, hors-critère-esthétique… Pédés, fouines, travelos, freaks, inconstants, coeurs d’artichaut, multi-amoureux et aventuriers, nous écrivons nos propres poèmes, vibrons à travers nos propres romances. Nous ne sommes pas une minorité, nous sommes les alternatives."


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matvano
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le 5 janv. 2017

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matvano

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