L'intention ne fait pas tout

L'idée de raconter l'histoire de personnes peu connues du grand public est séduisante, d'autant que ce sont des femmes qui ont effectivement eu des vies mouvementées. On peut avoir envie de se documenter sur plusieurs personnages après la lecture. À cela on ajoute le style de l'illustratrice, qui rend ses héroïnes vivantes et mignonnes. On devine que le sujet a dû la passionner, et la maison d'édition en a fait un bien bel ouvrage, qui donne envie d'y jeter un œil.

En revanche, la lecture n'est pas des plus agréables. Les cases sont petites et surchargées de texte, ce qui noie l'illustration, qui tient parfois plus du gribouillis qu'autre chose. La transmission d'informations repose davantage sur les phrases que sur le dessin. À noter également un manque d'arrière-plans, qui, à mon avis, souligne la pauvreté du dessin. Si ça pouvait être compensé avec une illustration détaillée, ç'aurait pu marcher, mais là, ça réduit l'immersion.

De plus, pour certaines histoires, les couleurs manquent d'éclat, ce qui est dommage vus les dessins (je pense à la reine angolaise et à l'impératrice chinoise) Elles ont même parfois tendance à ternir le dessin, ce qui fait que l'on a moins envie d'admirer les illustrations (notamment pour les histoires de Delia Akeley, Joséphine Baker et Margaret Hamilton)

Le texte non plus n'est pas terrible. L'expression est peu inspirée, il y a des blagues usées, des phrases pour donner une narration moderne qui tombent à plat (qualifier la danse de Joséphine Baker d'arrière-grand-mère du twerk, je trouve ça à bâiller)

Il y a également des commentaires subjectifs et pas forcément utiles. Notamment lorsqu’elle qualifie d’aberrant la théorie selon laquelle une femme chinoise du VIIème siècle voulant sécuriser sa positon sociale aurait pu tuer son bébé qui était une fille. Alors a priori, dans ce cas-ci, c’est effectivement faux, mais on sent la femme occidentale qui juge en fonction de sa propre culture une affaire s’étant passé il y a longtemps et loin de chez elle. Pas de contextualisation, uniquement un avis subjectif. Et c’est ce genre de choses qui fait passer les féministes pour des militantes biaisées et donneuses de leçon. Pile ce que l’on ne veut pas.

Je crois me rappeler que Bagieu avait une rubrique illustrée dans un magazine féminin (était-ce Be ou Grazia ?) qui lui réussissait dans le genre "girly", mais là, elle touche un public plus large; c'est Gallimard tout de même, il y a plus de moyens qui sont mis dans le projet, donc autant être plus ambitieuse.

C'est donc un bon projet, mais mal exécuté. Cela dit, je ne regrette pas la lecture, l’expérience était à tenter.