Genshiken
7.6
Genshiken

Manga de Kio Shimoku (2002)

* Critique originale disponible sur Duotaku no Sora *

Tu m'as l'air un peu trop... à l'aise dans la salle du club.

Sasahara Kanji entre à l'université et cherche un nouveau club à intégrer. Il tombe alors sur le "Genshiken" (Gendai Shikaku Bunka Kenkyûkai), le "Club d'Étude de la Culture Visuelle Moderne", soit un club sur les mangas et les jeux vidéos (entre autre) composés d'otakus en tous genre. Un club pour les gens comme lui quoi, sauf que contrairement à lui, ils s'assument. 

Intrigué mais cependant réticent à cause de la mauvaise image du club et des otakus de manière générale, il finira par l'intégrer après sa rencontre avec Kôsaka Makoto, un beau gosse sympathique très différent des autres otakus bien étranges du club. Mais Kasukabe Saki, sa petite amie qui a les otakus en horreur, semble bien décider à faire couler le club pour récupérer son cher et tendre.

Ce sont des jours paisibles mais riches en changement qui attendent désormais Sasahara avec les membres du Genshiken.


Dans la vie d'un otaku

Genshiken est un manga extrêmement réaliste qui met en scène de la tranche de vie pure et dure. On suit le quotidien du club et ses discussions aussi vastes que futiles qui tournent principalement si ce n'est exclusivement autour des loisirs d'otakus... et c'est tout. En gros imaginez-vous en train de bavarder avec vos amis dans la cour de la fac, et voilà, vous avez Genshiken.

Vous allez me dire : « Mais qu'est-ce qu'il peut bien y avoir d'intéressant du coup ? »

Bah c'est ça le truc, y'a rien de spécialement intéressant.

Bien sûr il y a quelques petites péripéties comme le fait d'avoir à trouver des nouveaux membres pour remplacer ceux qui partent ou créer un fanzine depuis rien pour une convention par exemple, on voit également les membres du club se rendre au Comiket tous les ans entre autre. Mais au final, ce qu'on suit, c'est nous et nos potes de la bande du Genshiken dans notre petite vie quotidienne. Un jour Tanaka va nous apprendre à peindre des figurines, l'autre on va jouer aux jeux vidéos chez notre pote Kôsaka, puis à la fin de la semaine on retrouve Madarame et Kugayama à Akiba pour aller voir les dernières sorties fanzine, et c'est ainsi qu'avant même de s'en rende compte, on a nous même l'impression de faire partie du club. C'est ça toute la force de Genshiken. Son pur réalisme qui nous plonge comme pour de vrai dans la vie de tous les jours de ce petit repère d'étranges gaillards qui sont finalement pas si bizarres que ça et même plutôt sympa quand on apprend à les connaître. On notera également que de légères sous-intrigues romantiques se développent, histoire de faire un peu évoluer les relations entre les personnages et ne pas parler de GunPla pendant 10 tomes, mais ça ne sera pas le thème prédominant.


Être ou ne pas être otaku ?

Parmi les membres du Genshiken, on trouve :

Sasahara, un garçon banal et plutôt réservé mais qui a bon cœur. Il ne se considère pas vraiment comme un otaku car il n'est pas expert en la matière mais est content d'avoir pu trouver des personnes avec qui parler de ce qu'il aime.

Sasahara est donc le héros classique. Il ne se démarque en rien mais on peut facilement s'identifier à lui puisqu'il s'agit ici d'un personnage qui a du mal à s'assumer en tant qu'otaku qui est une chose assez mal perçue au Japon (encore plus à l'époque où est sorti le manga) mais qui découvre petit à petit ce monde qui l'a toujours attiré au final.

Avec lui arriveront Kôsaka, Saki et Oono. Kôsaka est un beau gosse qui ressemble à tout sauf à un otaku, et pourtant c'est le plus atteint de tous. En dehors de ça c'est un garçon toujours de bonne humeur mais extrêmement candide. Saki est devenue sa petite-amie un peu par la force des choses, c'est une fille au fort caractère, un peu chipie et qui veut tout faire pour que Kôsaka parte du Genshiken et arrête d'être un de ces otakus vulgaires, mais elle se montrera étonnamment tolérante et finira même par se lier petit à petit d'amitié avec les membres du club. Oono est la seule fille du Genshiken, elle est plantureuse et fan de cosplay. Sous ses airs de jeune fille bien élevée elle a son caractère et cherchera à tout prix à transformer Saki en otaku pour avoir une camarade avec qui se cosplayer.

Kôsaka était présenté comme un des personnages principaux mais se fait vite damer le pion par Saki qui se met bien plus en avant de par sa forte personnalité et qui évoluera beaucoup, contrairement à Kôsaka qui restera du pareil au même tout du long. Oono quant à elle est assez rigolote, j'avais peur de la fille cruche et fanservice mais il n'en est rien, elle est assez surprenante d'une manière générale, c'est un peu la maman du groupe je dirai.

Enfin nous avons les 3 senpais du club : Madarame, Tanaka et Kugayama. Madarame, le président, est un otaku hardcore mais qui sous ses airs excentriques reste assez vif d'esprit et attentionné. Tanaka est un fan de cosplay, c'est le gars le plus normal du lot, il fait un peu figure de grand-frère toujours prêt à aider. Kugayama est l'otaku typique, assez rustre et qui a du mal à communiquer avec les gens mais il a un certain talent pour le dessin. Ils sont tous trois très différents et mettent en avant différents profils d'otaku, ce qui est assez intéressant.

Ces personnages dans l'ensemble fonctionnent principalement comme un tout, il est plutôt rare qu'ils soient réellement développés à titre individuel même si il y a une ou deux histoires centrées sur eux à l'occasion. Du coup, on a tendance à plus ou moins tous les apprécier dans l'ensemble, même si on aura toujours notre petit préféré (pour ma part j'aime beaucoup Madarame que je trouve assez choupi dans le fond). Des personnages secondaires feront également leur apparition de temps à autre. Ils sont plutôt marrants dans l'ensemble mais assez anecdotiques dira-t-on.


Il était une fois les otakus

Visuellement, le manga est joli mais se démarque assez peu je dirai.

Les dessins sont réalistes mais restent assez simples et peu encombrés. De même je trouve le coup de crayon assez agréable, joli sans en faire trop. Les chara design sont pas mal aussi, assez variés. Ce qui est intéressant c'est que le mangaka arrive vraiment à donner vie aux décors, c'est comme si l'on y était !

Concernant le rythme et la narration, clairement il vous faudra le temps de rentrer dedans. Il n'y a pas de scénario à proprement parler (plutôt des mini-arcs par-ci par-là) et le tout, bien qu'ayant un bon rythme, reste assez mou et très linéaire vu que comme je l'ai dis, on suit principalement des discussions et pas grand chose d'autre. Ça peut être d'autant plus compliqué qu'il s'agit ici de la vie quotidienne d'un japonais qui peut différer de la notre, français, donc on ne peut pas forcément comprendre tous les codes. Sans parler du thème otaku qui ici est vraiment exploré à fond, c'est très pointilleux, limite documentaire par moment donc si il y a des thèmes qui ne nous intéressent pas ou que l'on n'est pas très curieux de nature, la discussion n'est pas forcément des plus passionnante quand elle commence à entrer dans les détails. Moi-même je n'ai accroché qu'après plusieurs tomes, les premiers traitant principalement des dôjin et jeux hentai sur des héroïnes loli en 2D, pas trop mon délire quoi, en plus d'être assez peu flatteur pour les otakus qui sont souvent bien plus que ça à mon sens... 

Heureusement les thèmes se diversifient rapidement dans la suite et l'auteur a un humour assez efficace et universel, ce qui rend la lecture agréable d'une manière générale.

Mais ce que j'ai principalement apprécié, c'est surtout le côté presque sociologique de l'oeuvre. 

Il faut savoir que Genshiken a été publié à une époque où la pop culture japonaise ne s'était pas encore démocratisée comme aujourd'hui et où la notion d'otaku était encore très négative et sectaire. Peu d'œuvres traitaient de ces passionnés énigmatiques et Genshiken fut ainsi un des pionniers dans le genre en s'attardant notamment sur le sujet d'une manière pragmatique et sans à priori ni cliché. Au contraire, Genshiken se veut d'abord instructif et surtout non caricatural, il essaie principalement de décrypter ce que peut être le quotidien d'un otaku, en expliquant sa démarche, sa manière de concevoir la chose, en bref son mode de vie. On voit ainsi à travers les différents personnages qu'il y a plusieurs manières de concevoir ce statut (parfois de façon très nette et tranchée limite religieuse, ou tout simplement comme un passe-temps comme un autre qui nous fait plaisir). Ainsi, Genshiken pourrait être vu comme un espèce d'encyclopédie de l'otaku moderne avec ses us et coutumes. Tout cela est notamment illustré avec le manga dans le manga : Kujibiki Unbalance, ce manga fictif qui sera pourtant omniprésent dans la vie des personnages de Genshiken, à tel point qu'on aurait envie de le voir en vrai tant il est décrit dans les moindres détails (fun fact : il y a finalement eu un anime et un manga qui ont été fait pour cette "fausse" série !).

En parlant d'encyclopédie, on peut d'ailleurs saluer l'édition française de Kurokawa qui va justement en ce sens en plus d'être comme toujours très soignée (c'est d'ailleurs assez dommage que la série n'ait pas eu le succès escompté au vu de la bonne volonté que l'éditeur y a mis). Déjà il y a peu de liberté prise au niveau de la traduction de ce que j'en ai vu, ce qui permet de profiter pleinement et correctement de ce "quotidien à la japonaise", et surtout chaque tome est fourni avec des dossiers d'une trentaine de pages regroupant notamment des définitions, des interviews et des mini-dossiers qui nous expliquent en détails toutes les références citées dans le manga, de quoi parfaire sa culture otaku et mieux comprendre les us et coutumes du pays qui ne sont pas toujours évidentes pour nous autres occidentaux.


Les otakus pour les nuls

Ainsi, Genshiken est assurément un bon manga, assez original qui plus est et surtout qui traite son sujet de manière ludique et très juste.

Malheureusement il paraît compliqué de réellement le "conseiller". Je dirai plutôt aux personnes intéressées de le "tester", car clairement ce n'est pas un type de lecture qui plaira à tout le monde. Déjà car de par son côté seinen très appuyé ce sera avant tout une oeuvre qui s'adresse à un public assez âgé, et ensuite car le côté très vie quotidienne et otaku hardcore avait certainement déjà freiné les lecteurs français qui avaient boudé le titre lors de sa sortie (plutôt prématurée en rétrospective d'ailleurs, pas sûr que le public occidental était prêt à accueillir une oeuvre de niche comme celle-ci à l'époque), là où au Japon celui-ci a au contraire rencontré un joli succès et remporté plusieurs prix.

En bref, une lecture des plus enrichissante mais peut-être pas forcément accessible à tous...

DuotakunoSora
6
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le 15 déc. 2023

Critique lue 6 fois

Duotaku_no_Sora

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