Quand j'ai ouvert ce bouquin, il y a environ quinze jours, j'ai fait un bond dans le passé. Je crois qu'on peut ici parler très exactement de madeleine de Proust car cela fait bien quinze ans que je n'avais pas ouvert un Picsou de ma vie. Pourtant, la jeunesse de Picsou (ce dont il est question donc dans ce premier volume de l'intégrale Don Rosa) figure dans mon top 10 mais j'étais bien incapable de m'en remémorer le moindre chapitre. C'est donc en ouvrant ce tome que des tonnes de moments canardesques oubliés et surtout les à-côtés sont remontés, d'un seul coup.

J'avais 10 ans, et le jour où je recevais mes 25Frcs mensuels d'argent de poche (si, si), je courrais acheter Picsou Magazine, et prenais quelques Carambars caramels avec la monnaie. C'était mon plus grand plaisir mensuel. Je me souviens du buraliste qui se gaussait d'un "hé v'la Picsou, hé elles sont où tes lunettes ?" dès que j'arrivais. Faut dire que la plupart de sa clientèle était constituée des pilliers du bar d'en face qui venait prendre du porno. De mes yeux d'enfant, il était sale, moche, vulgaire, abominable. Son bide et ses poils qui dépassaient de son marcel, ça me faisait peur.

Alors pour me venger j'ai arrêté de lui prendre des Caramabars avec la monnaie et les lui piquait en douce quand il encaissait mon magazine. Et puis, à force de boire les paroles d'Oncle Picsou qui s'est enrichi sans jamais faire de mauvaises actions (en fait si une fois mais il a regretté), j'ai culpabilisé (voler des carambars c'est mal). J'ai tellement culpabilisé que je me suis débarrassé de toute la collection Picsou Magazine en en faisant don, tellement elle avait été souillé de mes méfaits. Cette collection comprenait bien sûr le hors série de la jeunesse de Picsou.

J'ai longtemps cherché à la relire, mais elle est peu trouvable et, quand elle l'est, hélas, le poids des années a fait son oeuvre et l'ouvrage est abîmé, déchiré, scotché, corné. Il paraît aussi que l'édition 2004 a des couleurs bof bof ce qui est dommage. L'intégrale de cette grande épopée de Picsou est donc pour moi l'occasion de me réconcilier avec mes mauvaises actions passées et de me replonger dans l'univers du canard avec bonheur, sans avoir à retrouver un à un chaque magazine. Et bien sûr, c'est un ravissement sans pareil que de voir que le premier tome est consacré à cette jeunesse sacrée de Picsou, cette oeuvre tellement exceptionnelle.

Premier constat, j'aime bien le format, beaucoup critiquent l’absence de couverture cartonnée mais moi j'aime bien, et puis c'est toujours mieux qu'un format magazine. Les couleurs ont changées aussi à priori mais ce ne sont pas les mêmes que 2004. Aussi, on a droit à des éclairages de Don Rosa entre chaque chapitre qui dénotent d'un profond travail d'investigation et de recherches minutieuses à traquer le moindre détail dans l'oeuvre de Barks pour imaginer la jeunesse de Balthazar.

Que dire sinon sur la jeunesse de Picsou si ce n'est que c'est d'une drôlerie et d'un dépaysement absolu, chaque page est une aventure, un ravissement. Le talent de (Barks et de) Don Rosa est tel qu'on en vient à oublier jusqu'au fait que les héros sont tous des canards anthropomorphes. Je me suis souvent surpris à me demander pourquoi Picsou ne portait jamais de pantalons avant de me rendre compte qu'effectivement pour un canard c'est un peu normal. L'idéologie, aussi, est insaisissable, s'agit-il d'une propagande destinée aux enfants pour leur transmettre le mythe du self made man et du land of opportunities, en vantant le dur chemin de la réussite entrepris par l'ambiteux Picsou, tout en pointant du doigt ce nigaud de Donald, qui, n'ayant aucune ambition, restera cantonné au bas de l'échelle ? S'agit-il à l'inverse, de critiquer la soif de pouvoir et l'avarice de Picsou qui lui feront perdre peu à peu toute humanité, qui le rendront aigri et peureux, tout en ventant les plaisirs simples de la vie à travers la simplicité d'esprit de Donald ?

Et pourtant, qu'importe, au fond. C'est un régal à lire et c'est à peu prêt tout ce qu'on lui demande.

En plus, il y'a un poster avec l'arbre généalogique des Ducks livré avec ce premier tome, que je me suis bien sûr empressé d'afficher dans mon appartement, alors que j'ai bientôt 25 ans (dans un an), avec une grande fierté.

Je dois être plus Donald que Picsou, sans l'ombre d'un doute.
moumoute
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le 21 déc. 2012

Modifiée

le 30 déc. 2012

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moumoute

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