Riad Sattouf s’est lancé dans une importante autobiographie de jeunesse avec « L’arabe du futur ». Le premier tome étant reparti du festival d’Angoulême avec le Fauve d’Or, ce deuxième opus était attendu au tournant. Se concentrant sur une année de Riad en Syrie (contre 5-6 ans dans le tome précédent), il prend le temps de développer le propos. Il faut dire que Riad vieillit et les souvenirs se font aussi plus précis. Le tout est toujours volumineux (140 pages) et publié chez Allary Editions.


On avait quitté Riad en Bretagne alors qu’il devait retourner en Syrie et commencer l’école. Cette dernière prend une place non-négligeable dans l’ouvrage et les âmes sensibles sont priées de rester fortes : brimades et violences physiques sont de la partie dans les classes surpeuplées. L’auteur n’hésite pas non plus à questionner l’enseignement qui est fourni aux élèves (apprendre une sourate du Coran, certes, mais pourquoi ne pas en expliquer le sens ?). Il apprend donc aussi l’arabe en classe et, parallèlement, le français avec sa mère.


Côté famille, le petit frère de Riad semble inexistant. Choix étrange de la part de l’auteur qui n’en parle presque jamais. Quand il est mentionné, on se surprend à se rappeler son existence. Le père, adulé dans le premier tome par le petit Riad, est moins apprécié par son fils. Il paraît toujours aussi lâche et menteur. Il passe son temps à annoncer plein de choses et rien ne se concrétise. Ainsi, il est censé devoir construire une grande villa pour sa famille qui continue à vivre dans un appartement à moitié vide et délabré… On est presque rassuré de voir sa mère, très passive auparavant, perdre patience, exigeant une cuisinière par exemple… Cependant, elle protège Riad de bien loin, empêchant quand même son père d’utiliser à tout escient l’adage « c’était comme ça pour moi et, regarde, je suis docteur. »


L’ouvrage décrit donc de manière consciencieuse, par les yeux d’un petit garçon, la société syrienne des années 80. On sent que le piston et les trafics en tous genres sont les seuls moyens de s’en sortir. Son père essaye bien de copiner, mais il ne fait pas partie du beau monde et n’arrive pas à monter dans l’échelle sociale. Après des débuts de vie un peu mouvementés, la famille s’installe durablement en Syrie et on sent poindre les tensions. Ce deuxième livre développe donc plus en longueur les relations entre les personnages.


Le dessin de Riad est toujours adapté au propos, les expressions des personnages faisant des merveilles. Le choix de la bichromie est pertinent. L’ouvrage est rose, teinté de vert et de rouge. Seul le passage en France (qui paraît du coup complètement décalé dans ses atmosphères !) est bleu afin d’accentuer les contrastes entre les deux pays.


Riad Sattouf confirme tout le bien que l’on pouvait penser de son autobiographie. Si on retrouve la noirceur, l’humour et l’aspect documentaire de son premier tome, cet opus possède sa propre identité en se concentrant plus longuement sur la Syrie.

belzaran
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le 24 juin 2015

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