J'aime bien Riad en général, du moins du peu que j'en ai lu, mais je dois bien avouer ne pas être un grand fan de cette série malgré tout l'enthousiasme que j'ai pu ressentir à la sortie du premier tome. Ce troisième album ne change, hélas, pas la donne.


C'est un peu inégal : on trouve des passages grandioses, drôles, tristes, les deux en même temps, nous racontant la vie en Syrie mais aussi en France, la difficulté pour le garçon que Riad a été de concilier deux cultures, d'être constamment dans le choc culturel et ce grâce à des petits instants finement observés (ou plutôt souvenus même si ça paraît parfois peu plausible qu'ils se souviennent d'autant de choses mais après tout, il existe l'effet cascade : un souvenir débloque d'autres souvenirs plus profondément enfouis, ce qui donne envie, en fait, d'étudier la mémoire, la manière dont tout s'accumule, la manière de ramener à la surface des éléments très anciens) ; on trouve aussi des moments tellement anecdotiques qu'on les oublie aussi vite qu'ils nous ont été révélés, et ce n'est pas qu'il y ait des anecdotes/souvenirs à hiérarchiser, simplement que Riad va parfois au plus court et bâcle carrément certaines idées en les exploitant trop superficiellement avec en plus une voix off qui explique tout sans jamais permettre au lecteur de vraiment pénétrer la situation. Ces derniers passages sont parfois carrément frustrants car il y avait vraiment matière à délivrer de très bonnes scènes.


De plus, le tout est de plus en plus décousu, au point que je ne sais plus trop pourquoi on parle d'"Arabe du futur", le père n'étant plus vraiment le centre d'intérêt du bouquin ni même son plan éducatif. Ce qui sert de fil conducteur, mais c'est un peu vague car pas assez mis en avant, c'est justement la comparaison entre les deux cultures : c'est là, c'est présent, mais au final ça n'est pas tellement exploité en tant que tel. Pour moi, le passage qui fait le mieux le lien avec les deux cultures, c'est la mise à mort des chatons, où Riad montre qu'au final dans un pays comme dans l'autre, il y a des actes de barbarie. Mais le retour en France est si bref qu'il est bien difficile de se complaire dans la comparaison sociologique. Pour ce qui est de la Syrie, Riad ne tourne pas trop en rond, il amène une belle évolution du père même si, encore une fois, j'ai trouvé cela assez pauvrement exploité. Quant au cliffhanger, je trouve cet élément narratif toujours trop facile et "L'arabe du futur, tome 3" ne déroge pas à cette règle : primo, ce n'est pas nécessaire pour donner envie de lire la suite, deuxio ça coupe l'impression de fin d'album puisqu'on termine sur un relancement de l'intrigue. En plus, c'est amené assez brutalement, sans transition. Je m'aperçois d'ailleurs que tout a l'air un peu trop collé et j'ai du mal à m'imaginer que l'album couvre deux années : c'est dû au fait que Riad ne traite finalement pas beaucoup de séquence en profondeurs (ce qui est dommage puisque quand il l fait c'est toujours très bon).


Graphiquement, j'ai eu l'impression à plusieurs reprises que Riad essayait de bien dessiner, lui qui, depuis plusieurs années, semblait décomplexé à ce sujet là. C'est un peu dommage. Non pas qu'il s'y prenne mal, il propose quelques solutions graphiques très astucieuses et plaisantes à voir, mais ça casse aussi un peu le rythme des images. On n'en est pas au point d'un Larcenet pathétique à toujours vouloir impressionner à chaque nouvelle page, mais cette volonté casse un peu la simplicité de l'histoire qui ne réclamait aucunement ces soucis graphiques (des intentions visuelles plus ambitieuses). En plus, on retrouve toujours les mêmes petits soucis, à savoir des têtes pas assez similaires selon l'angle adopté. J'ai trouvé le vieillissement du père un peu trop brutal (en plus c'est appuyé par le scénario dans les premières pages, ce qui n'était franchement pas nécessaire). Il faudrait que je vérifie mais j'ai l'impression qu'il y a plus de place pour les couleurs rouges et vertes, ce qui m'a cassé un peu aussi le ton des images, surtout dans les premiers chapitres. Enfin, j'ai eu l'impression que le découpage était pensé de telle sorte à ce que chaque petite histoire se termine en fin de page ; je n'oserai le jurer mais d'après mes souvenirs, le découpage était plus libre dans les deux premiers tomes, Riad n'hésitant pas à terminer ses récits n'importe où, ce qui donnait une impression de spontanéité, chose perdue ici.


Bref, globalement, la lecture de ce tome m'a plu, comme pour les deux autres tomes, mais je trouve que Riad se perd dans un recensement de faits si quantitatif qu'il n'a au final pas le temps d'approfondir toutes ses idées ; la conséquence, c'est qu'on se retrouve avec plein d'idées abandonnées, quelques unes reprises en cours mais de manière si superficielle qu'on n'en ressort que déçu (comme le Goldorak qui finalement est très vite mis de côté la deuxième fois qu'on le mentionne).

Fatpooper
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le 25 janv. 2017

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D'autres avis sur Une jeunesse au Moyen-Orient (1985-1987) – L’Arabe du futur, tome 3

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