Plusieurs jours après son visionnage, 1917 me laisse toujours aussi dubitatif.

Techniquement, j'ai trouvé le film remarquable. Tout a été scrupuleusement millimétré (des maquettes ont été produites pour chaque scène) et ça se ressent à travers les divers plans-séquences, tous aussi bien chorégraphiés les uns que les autres. En cela, 1917 pourrait faire penser à une danse, une danse qui serait parfaitement menée par Sam Mendes.

Le choix des acteurs est d'ailleurs intéressant. On pourrait croire naïvement que la présence d'un Mark Strong, d'un Colin Firth et bien évidement d'un Benedict Cumberbatch, soit là juste pour faire jolie sur l'affiche, aucun de ces acteurs ne totalisant plus de trois minutes à l'écran. Pourtant, face à un George MacKay et un Dean-Charles Chapman, acteurs beaucoup moins connus (même si j'aurais du mal à dire qu'ils sont inconnus, ce n'est pas comme si l'un avait joué dans Game of Thrones et l'autre dans Captain Fantastic), difficile de ne pas y voir une certaine hiérarchie dans laquelle les acteurs les plus connus donnent des ordres aux moins connus, ou, une passation de pouvoir, une passation dans laquelle les vieux donneraient enfin la place aux jeunes… bon après, il faut rappeler que Cumberbatch est né en 1976, le concernant c'est presque plus un cadeau de fin de film qu'autre chose : « les enfants, si vous voulez voir Benedict, il va falloir être sage durant une bonne heure et demie ».

Visuellement, 1917 est irréprochable. Forcément, avec un Roger Deakins, qui épaule de nouveau Sam Mendes, il fallait s'y attendre. Cette photographie, associé au milimétrage des plans, nous permet donc nous trouver en face de certains des plans les plus magnifiques que j'ai pu voir dans un blockbuster lors de ces dernières années. Pour le coup, je pense forcément à la scène de l'incendie, sans aucun doute l'une des plus belles images du film.


Bref, c'est très propre… trop propre même, jusqu'au visage des divers personnages et figurants qui, pour des événements censés se dérouler près de trois ans après le début des hostilités, ont le visage particulièrement immaculé. En effet, difficile de croire, ne serait-ce qu'une seule seconde, que les soldats que nous voyons à l'écran subissent le conflit depuis ne serait-ce que depuis quelques mois… c'était probablement plus vendeur d'offrir au public des belles gueules que des gueules cassées.

Aussi, 1917 étant un film anglo-saxon, britanico-étasuniens plus précisément (et probablement bien plus financé par les Anglais du nouveau monde que ceux de l'ancien), on retrouve les tares habituelles, la propagande si je voulais me montrer plus caustique (quoique nous parlons de cinéma je le rappelle), qui leur est propre. Ainsi, si l'ombre de l'opération Alberich plane durant tout le film, et que l'action se déroule en France (rassurez-vous, le film a été tourné au Royaume-Uni), ne comptez pas voir le moindre soldat français durant le long-métrage. Dans un autre registre, le film évacue d'un revers de la main la question discriminatoire, soldats noirs et indiens combattant ici vaillamment avec soldats britanniques. En outre, le soldat allemand est présenté pour ce qu'il est, à savoir comme une bête enragée, heureusement un peu stupide et un peu maladroite aussi (ne sachant pas très bien viser), incapable de voir l'humain en face de lui, quitte à se faire tuer inutilement. Pour le coup, même s'il y aurait beaucoup à dire sur les exactions commises lors de l'opération Alberich, le film aurait pu éviter cette binarité, ce manichéisme ridicule, ne serait-ce que pour une scène de quelques secondes. Enfin, si j'ai déjà évoqué l'opération Alberich à plusieurs reprises, il faut savoir en réalité que le film ne s'inscrit pas dans cette période de la guerre. En effet, l'action du long se déroulant entre le 6 et le 7 avril, mais l'opération Alberich s'étant close le 20 mars, il est évident que les dates ne peuvent correspondre. Du coup, je veux bien admettre qu'une partie de ma critique ne tienne pas totalement debout, mais à ce compte-là, une nouvelle question me taraude concernant 1917 : est-ce véritablement un film qui parle de guerre ?


Car si 1917 est un film qui parle de la guerre, dans quoi s'inscrit-il ? De quelle période parle-t-il ? Dans tous les cas, 1917 oublie une chose : il oublie de parler de l'Horreur de la guerre, avec un grand « H ». Certes, le pote du héros meurt, mais sa mort se veut plus cynique, voir ironique, que réellement tragique.

En cela, Un long dimanche de fiançailles, et même un Au revoir là-haut parlent bien mieux de l'horreur de la guerre, même en se concentrant uniquement sur celle du champ de bataille, à quand bien même ce champ de bataille n'apparait qu'à quelques rares moments dans ces deux films. Car force est de constater que dans les films précédemment cités, une phrase bien précise me revenait en tête quand je les ai vus pour la première fois : « Je n'aurais pas aimé y être ». Phrase qui ne m'est pas revenu tant que ça en tête lors du visionnage de 1917, pour ainsi dire, pas du tout. Le film se contente au mieux d'explosion et d'un peu de sang, mais tout en tant que bon anglo-saxon qu'il est, il n'hésite pas à iconiser son protagoniste principal, à en faire un héros, lors de l'une des dernières scènes du film, celle que nous connaissons tous car celle sur laquelle s'est portée en grosse partie la promo du film (pour les deux du fond, je parle de la scène dans laquelle George MacKay court face caméra durant une petite minute).

Paradoxalement, la scène que j'ai trouvé la plus réussie est celle du chant. Figé dans le temps, ne s'emmerdant pas avec une myriade d'artifices et autres effets spéciaux. La plus belle scène du film, et à vrai dire, la seule qui méritait de l'être… car, rien qu'en y pensant que quelques secondes, la guerre mérite-t-elle vraiment d'être belle ?

Car si de nombreux plans sont jolis, font beaux, aucun d'entre eux n'a eu autant d'impact sur moi que ceux provenant de Les Fils de l'homme, de La Corde, de l'intro de Snake Eyes ou encore de n'importe quel film de Gaspard Noé. Aussi, nombreux de ces plans ont été choisis pour camoufler une transition, une coupure, dans le plan-séquence. En cela, 1917 devient presque un jeu à faire avec des amis, un jeu dans lequel il faudrait déceler le plus de « coupures cachées » possibles en pratiquement deux heures de film.

En tous cas, c'est ce que j'ai commencé à faire une fois arrivé à la moitié du film. En effet, l'un des deux protagonistes se faisant tuer par un bouffeur de saucisse (ou un mangeur de K.K. c'est au choix) avant d'être arrivé à cette même moitié de film, difficile de se faire du souci pour le protagoniste restant. Encore plus quand, pour rappel, la promo du film s'est effectuée autour de l'une des dernières scènes du film déjà évoqué plus haut.


À voir plus pour la performance technique qu'artistique en somme (sans quoi le film se serait intitulé 1916), et pourquoi pas comme un jeu dans lequel il faudrait déceler les diverses coupures du plan séquence, comme je viens de l'évoquer (oui, je suis très sérieux quand je dis ça). En tous cas, je pense que les réalisateurs britanniques devraient arrêter de faire des films de guerre, ça ne leur réussit pas… enfin, au moins, 1917 est toujours mieux que Dunkerque.

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le 18 janv. 2023

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MacCAM

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