Critique : The Secret (par Cineshow)

Alors qu’il sera présenté à Deauville dans quelques jours, nous avons pu découvrir The Secret, le nouveau film de Pascal Laugier la semaine dernière, une projection suivie par un long entretien informel avec le réalisateur sur lequel nous reviendrons prochainement. Avec son affiche auréolée d’une accroche à faire fantasmer tous les geeks « on a pas été bluffé depuis 6e sens », la barre était mise assez haute sur le plan marketing. Restait à ce que le produit en question arrive à convaincre pour justifier une telle comparaison (qui spoile à elle seule le fait que le film intègre un twist mais passons). D’autres avant Laugier avaient tenté l’aventure chez l’oncle Sam, beaucoup s’y étaient casser les dents. Alors lorsque l’on parle d’un film Américain au réalisateur, il rectifie rapidement le tir puisque au-delà de la casquette de metteur en scène, il signe ici l’idée originale ainsi que le scénario. Co-produit par la société SND, tourné au Canada, The Secret est finalement assez éloigné de la production d’horreur traditionnelle fournie par Hollywood, et c’est tant mieux. Le réalisateur forcené de Martyrs, sans doute l’un des plus doué du cinéma de genre hexagonal arrive en territoire US bien décidé à conserver les pleins pouvoirs pour accoucher d’une œuvre brisant les codes et plaçant le spectateur dans une situation délicate. Alors que vaut The Secret, The Tall Man en VO ? Pour faire court, c’est une belle surprise, déroutante, déstabilisante mais foncièrement réussie sur le fond comme dans la forme, explications !

Que les fans d’images extrêmes calment leur joie, The Secret n’a pas grand point commun avec Martyrs si ce n’est l’interrogation morale vis-à-vis du spectateur avec qui se joue un jeu diablement pervers. Un exercice périlleux et même parfois très risqué lorsque l’on observe la construction en trois actes du film visant à empêcher le spectateur de trouver ses repères pour mieux le surprendre. De quoi s’agit-il vraiment ? Quel est donc le mal qui ronge cette petite ville ? A chaque fois que l’on pense avoir enfin devancé le scénario, Laugier emprunte un nouveau chemin sans trahir le passé et brise littéralement toute tentative de mettre le film dans une case clairement identifiée. Et de cette volonté salvatrice de s’affranchir du moule du énième film d’horreur naît un véritable malaise chez le spectateur à qui l’on empêche de s’accrocher à quelques branches en guise de repères. Ce qui d’abord semble énervant se révèle avec le recul la grande force du film, celle de ne jamais succomber à la facilité quitte à prendre de grosses prises de risque comme celle d’apporter les premiers éléments de réponse à la mi-film. Un enjeu énorme pour ce long-métrage de genre qui fait de la surprise et de la tension ses arguments phares, un challenge que Pascal Laugier relève haut la main malgré quelques soucis ou choix parfois discutables. Davantage thriller que film d’horreur, The Secret agrège les fondamentaux du registre pour mieux les mixer et les réutiliser à contre-emploi. Enquête sur des enfants disparus, ville hantée par un boogeyman, famille flirtant la consanguinité et voisins péquenauds, autant de symboles forts distillés intelligemment pour faire avancer l’histoire autour de Jessica Biel, la belle infermière du coin à la recherche de son bambin disparu.

Après un premier tiers posant les bases de l’intrigue et un second en forme de labyrinthe psychologique, The Secret dévoile toute sa puissance dans le dernier acte à la force évocatrice imposante et à l’audace scénaristique étonnante. En levant le voile sur les grands questionnements qui nous hantent depuis les premières minutes, Laugier détruit la notion de rêve américain et avec elle, celle du bien et du mal. Cela peut paraitre à plusieurs reprises franchement réactionnaire (ou démago) jusque dans l’image mais le fait est que le réalisateur français lève au grand jour une question que personne ne se pose car la morale l’empêche. Mais en s’affranchissant de tout dictat de pensée, qu’en est-il ? Il est difficile de dévoiler davantage d’information sans vous laisser comprendre tout un pan (et le meilleur d’ailleurs) de l’histoire mais The Secret, derrière son marketing orienté film d’horreur se pose là comme objet de réflexion. En s’ouvrant et se terminant sur la voix off de Jenny (Jodelle Ferland – Silent Hill, Tideland), le film de Laugier s’apparente à une fable noire et perverse, une fable sur laquelle méditer longtemps après avoir quitté la salle. Et si la question posée en filigrane est parfois alimentée par certains choix patauds ou « faciles », elle ne perd en rien de sa force provocante. Une volonté récurrente chez Pascal Laugier de transgresser les règles, de montrer ce qu’on ne veut pas voir ou de mettre face à nous ce à quoi on ne peut jamais avoir à réfléchir.

Mais ce goût pour le non respect des règles établies ne nuit jamais à la forme de son œuvre, déjà fortement marquée par des réalisations impeccables en termes de fluidité d’écriture, de photographies ou de montage. Ici comme pour ses précédents long-métrages, Pascal Laugier soigne chaque plan et redouble d’inventivité dans son montage aux formes surprenantes. Entre références subtiles aux films de ses idoles et le renouvellement perpétuel de ses plans, proposant ainsi pour chaque passage probablement la meilleure façon de le rendre à l’image, il offre un petit miracle de mise en scène contribuant largement au sentiment positif à la sortie du film. Déjà très solide dans son discours extrême sur les classes sociales, sur le sacrifice, la maternité ou l’humanisme, The Secret l’est aussi à l’image, faisant de lui l’une des très bonnes surprises du cinéma de genre de la rentrée. Une double satisfaction qui permet à Jessica Biel (également productrice exécutive) d’être à nouveau au-devant de la scène pour le meilleur cette fois après un Total Recall catastrophique. Malgré son statut de star de deuxième plan à Hollywood, elle prouve ici qu’elle est capable de porter sans faiblir de solides et complexes interprétations. Une découverte certaine qui n’est que la résultante d’un long-métrage maîtrisé et osé de bout en bout.
mcrucq
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le 3 sept. 2012

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Mathieu  CRUCQ

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