MESSAGE PRÉVENTIF : cet article cherche à établir une réflexion sur le discours du dernier film de Pascal Laugier, et ne doit donc en aucun cas être lu par les spectateurs vierges de toute information quant au propos de The Secret ! Si vous avec eu la chance - ou la malchance pour certains - de voir le film en salles, libre à vous de poursuivre la lecture...
Que l'on ne s'y méprenne pas : The Secret ( le troisième long métrage de Pascal Laugier ) est un film unique à plus d'un niveau, un énorme soufflé formel qui multiplie les excursions dans le cinéma de genre, vainement le plus souvent. En d'autres termes The Secret n'est pas un film de forme, ou alors seulement lorsqu'il ne demande aucun justificatif en la matière : des citations pléthoriques du Shining de Stanley Kubrick aux gimmicks d'un Shyamalan sur le retour en passant par un superbe générique fincherien mais complètement gratuit The Secret est de forme éclatante, roublarde et creuse. Alors, mauvais cinéma ?...
Non : ce qui fait de The Secret un film unique n'est ni cette esbroufe constante dans la réalisation de Pascal Laugier, ni ce double twist narratif censé révolutionner le cinéma de genre, ni cette énigme creuse déjà présente dans le titre, l'affiche et la bande annonce... The Secret n'est pas unique dans ce qu'il raconte mais dans ce qu'il cherche à dire. Car The Secret, dans la lignée du terrible Martyrs, est un film de discours. Laugier, homme de convictions, perd en superbe visuelle ce qu'il gagne en matière de contenu avec ce film dense et complexe, qui s'annonce comme l'oeuvre de la maturité de sa courte filmographie ( il n'est d'ailleurs pas étonnant de constater que Saint-Ange, le film le plus formel du réalisateur, soit également le moins intéressant et le plus indigent en termes de réflexion ).
Homme de convictions Pascal Laugier est surtout un moraliste, un témoin contemporain qui cherche à disserter sur la Nature de ses semblables. Déjà Martyrs possédait l'exigence inespérée de pénétrer l'essence du traitement, des gestes, et responsabilisait d'une certaine façon le spectateur quant à l'Horreur du visible. Martyrs n'était ni plus ni moins qu'un magnifique portrait du traitement d'un Sujet donné. Aucunement amoral ( point de parallélisme timoré ), encore moins immoral ( pas de contradictions provocatrices en réalité ) Martyrs semblait vouloir laisser le bénéfice au doute, remettre en question un ordre établi et comme allant de soi.
Ainsi The Secret adopte une démarche similaire au précédent film de Laugier. "Où sont les enfants ?", annonce l'affiche d'un air racoleur. Question de circonstances, presque anecdotique... La vraie question serait plutôt "Qui sont les enfants ?" ou même "Que sont les enfants ?", tant le discours du film semble aborder la condition de l'enfant, son point de vue, son mode de pensée à l'égard des adultes, sa rationalité intrinsèque et sa liberté illusoire et/ou fabriquée par l'adulte et/ou par lui-même. Les enfants sont -ils le prolongement des adultes se projetant en eux ? Sont-ils les boulons interchangeables d'une chaîne, d'un cycle ? Faut-il que les adultes fassent vivre leurs enfants pour eux-mêmes ou qu'ils les délaissent pour un apprentissage personnel, autodidactique ? Effectivement le refus du manichéisme de la part de Pascal Laugier a été salué plusieurs fois à ce sujet, tant les notions de "bonne" ou de "mauvaise" éducation sont évitées comme la peste par le cinéaste. Une fois encore le moraliste pénètre l'essence des choses, élevant un simple thriller de bonne facture au rang d'essai philosophique brillant, très surprenant quant au contexte.
Film de traitement d'un côté, film d'éducation de l'autre... Visiblement Laugier est un homme qui a des choses à dire, un réalisateur qui "donne à voir". Si la fin de The Secret bouleverse autant c'est dans son intégration durable chez le spectateur, sentiment amorcé par un principe de reconnaissance facile mais pertinent compte tenu de l'époque actuelle. Le film est fondamentalement beau bien que traversé de nombreux défauts effectifs, défauts que l'on pardonne sans mal à Laugier au regard de son propos. A voir au moins deux fois, The Secret est décidément un film épatant.