Troisième adaptation de roman éponyme (que je n'ai pas encore lu), mais première adaptation réalisée par des Allemands, cette version 2022 d'À l'Ouest, rien de nouveau, produite par Netflix, m'a beaucoup séduite… tout en me laissant plus dubitatif sur d'autres points.


Commençons par l'une des grosses qualités du long-métrage : c'est un film de guerre. Ayant vu 1917 en ce début d'années (qui nous prenait vraiment pour les derniers des cons), c'est-à-dire un film avec des visages tout frais et non marqués par la guerre, héroïsant son personnage principal à travers une scène qui n'aurait pas dû avoir lieu et nous montrant une belle fraternité entre blancs et hommes de couleurs à une époque coloniale durant laquelle, semblerait-il, on ne faisait pas tant que ça la distinction entre les différentes couleurs de peaux. Bref, comparativement à ce dernier, À l'Ouest, rien de nouveau parle de la guerre, de sa violence inouïe, des traumatismes qu'elle engendre et de l'endoctrinement, notamment l'endoctrinement des jeunes Allemands pour des causes qu'ils perdront bien vite de vue.

Au sein même du film dont il est question ici, le contraste est aussi extrêmement fort : que ce soit entre cette scène d'introduction nous présentant l'horreur du champ de bataille, suivi, quelques minutes plus tard, du rire et de l'euphorie de ces jeunes soldats qui viennent d'être enrôlés ; ou encore, entre ces notes de guitares électriques anachroniques et ces champs militaires enjoués. L'excitation, la joie même, derrière le fait de tuer ses premiers français se meut bien vite en un unique objectif de survie.

Cette même scène d'introduction est suivie par une courte séquence durant laquelle on y voit des morts sortis de wagons, déshabillés, enterrés, puis leurs anciens vêtements lavés et enfin raccommodés… tout ça pour être confiés à de nouveaux individus qui mourront probablement, eux aussi, dedans. Il y a un côté cyclique dans ce processus, comme si nous étions face à une usine, à un immense élevage envoyant ses troupeaux à l'abattoir.


Là où le film m'a plus « surpris » négativement, c'est sur sa manière de nous présenter les exactions allemandes et françaises. Que le Général Foch, et d'une certaine manière le seul représentant de l'Entente, soit présenté comme quelqu'un d'extrêmement désagréable ne me pose pas de problème. Par contre, on nous refait le coup du diktat, nous insinuant, sans grande subtilité, que cet armistice prépare d'emblée un prochain conflit… tout en oubliant, comme toujours, le fait que les modalités du Traité de Francfort, près de 50 ans plus tôt, soient, elles aussi, à l'origine du diktat de cette première Guerre Mondiale. Aussi, les soldats français (qu'on pourrait apparenter à des stormtroopers vu les difficultés qu'ils rencontrent pour viser correctement) sont présentés comme employant gaz et lance-flamme, armes pourtant privilégiées par les Allemands lors de ce même conflit. C'est d'autant plus surprenant, car, quitte à taper sur la France, il y en avait des moyens : ne serait-ce qu'en prenant l'exemple des fusillés pour l'exemple. Là encore, on en voit quelques-uns… mais du côté allemand uniquement.

Paradoxalement, ce sont les Allemands qui tentent une dernière offensive inutile contre leur adversaire, et non les Français comme ce fut le cas dans la réalité à Vrigne-Meuse : au niveau du traitement des deux camps qui nous sont présentés, le film fait décidément tout à l'envers. Forcément, vous vous doutez bien que cette dernière offensive relève de la pure fiction, tout comme l'identité de celui qui l'a ordonné, le général Friedrichs (qui ressemble étrangement à Eggman dans Sonic).

Dans l'ensemble, le long-métrage manque de subtilité, ne serait-ce que pour la manière dont il dépeint les hommes de pouvoirs, nous les montrant manger tranquillement et convenablement, tout en se permettant même de jeter de la nourriture par terre pour le chien.

L'autre problème du film est son manque de rythme. En effet, on nous annonce la fin de la guerre après environ 1h30… sur près de 2h30 de film. Et à partir de ce moment-là, le rythme du long-métrage décroit très fortement, au point où, en plus de s'ennuyer un peu, on se demande où le réalisateur veut nous emmener. On a l'impression que ça pourrait se terminer d'une minute à l'autre… et ça continue… et ça continue (encore et encore, c'est que le début d'accord, d'accord...) jusqu'à cette fin, toute aussi noire que le reste du long-métrage. Pour le coup, je pense qu'on aurait pu amputer quelques minutes de film, ne serait-ce que celles concernant le retour dans la ferme. Certes, ce passage a un sens et n'est pas placé là par hasard, mais il dure beaucoup trop longtemps vu ce qu'il apporte au film et vu son manque de subtilité.


Sur le plan historique, je ne sais pas jusqu'à quel point le film est réaliste, si les meurtres de sang-froid était aussi fréquent une fois la tranchée acquise, ou si la capture de prisonniers était favorisée. Dans un autre registre, il me semble que les chars d'assauts étaient employés en même temps que l'infanterie… mais là encore, n'étant pas expert sur le sujet, difficile pour moi de dire si c'est crédible ou non.


Je recommanderai tout de même le visionnage du film. Déjà parce que contrairement à un 1917, c'est un vrai film sur la première Guerre Mondiale, et ce rien que pour la simple et bonne raison qu'on n'a pas envie d'y être. Et parce que, par la même occasion, le film s'éloigne de l'héroïsation de ses soldats, mythe auquel croient sérieusement les Anglo-Saxons. On notera d'ailleurs que les deux longs-métrages se déroulent au Printemps 1917, et que l'un nous présente des soldats bien plus marqués par la guerre que l'autre. L'autre raison pour laquelle je recommanderais le film, et que je n'ai pas évoqué jusqu'à là, c'est qu'il se pare d'une vraie direction artistique et possède même son lot de plans-séquences plutôt bien trouvés, qui ont un sens, et qui ne sont donc pas placés là juste pour faire la promotion du film… j'ose espérer que je ne vous donne pas l'impression de m'acharner trop sur ce pauvre 1917. Plus sérieusement, c'est surprenant, même encourageant, de voir Netflix produire ce genre de film : j'ose espérer qu'ils vont encore continuer dans ce sens.

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le 1 avr. 2023

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MacCAM

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