Échec commercial à sa sortie, le Géant de fer était pourtant un film d’animation réussi qui compte son lot d’admirateurs, dont notamment Guillermo Del Toro qui ne s’en était pas caché à travers son Pacific Rim. Ce premier film a fait que la carrière de Brad Bird a eu du mal à prendre son envol. Deux Pixar (qui riment avec deux Oscar) plus tard, le réalisateur confirme donc être à l’aise dans le domaine de l’animation. Son baptême dans le film live est réussi avec le très bon Mission: Impossible - Protocole fantôme.
Penchons-nous maintenant sur son dernier film en date : À la poursuite de demain.



L’ADN du film partage celui de l’univers Disney.



Le titre original, Tomorrowland, renvoie à l’ancien nom de Discoveryland soit la partie du parc Disneyland où l’on retrouve le fameux grand huit Space Moutain ou le simulateur Star Tour. Ce n’est donc pas un hasard si l’ADN du film partage celui de l’univers Disney: le logo qui introduit le film mélange d’ailleurs l’architecture de Tomorrowland (la ville futuriste du film) à celle du célèbre château de la Belle au Bois Dormant et on retrouve l’attraction phare « It’s a Small World » dans la première partie du long-métrage. En parlant d’attraction, le film en partage quelque peu la construction : les scènes d’action font office de roller-coasters, on fait un tour par la boutique souvenir (« Blast from the Past ») et en prime, on a même droit à une pause Coca-Cola (qui m’a fait marrer et à laquelle je rends donc hommage dans mon titre).


Le rythme d’À la poursuite de demain est soutenu, dynamique et comporte des tournures assez surprenantes dont peu d’éléments ont filtré via la bande-annonce. Le plaisir de la découverte est donc bien présent.



Lors de l’attaque de la maison de Franck Walker, la mise en scène est à ce moment-là virtuose et on en prend plein les mirettes !



Le film contient également des scènes bien plaisantes comme l’attaque de la maison de Franck Walker (George Clooney) par des ersatz de Terminator se faisant cueillir par moult pièges façon Maman, j'ai raté l'avion mais concoctés par un Géo Trouvetou de l’extrême. La mise en scène est à ce moment-là virtuose et on en prend plein les mirettes ! Le passage à Paris est aussi bien ficelé. Bien qu’il ne serait pas de trop de recruter des acteurs français pour jouer des rôles de français (coucou le gardien de la Tour Eiffel qui se fait désintégrer). Toutefois, à l’exception de ces deux scènes, le film ne m’a globalement pas transcendé. La fin comporte quant à elle quelques longueurs, en plus d’un final expéditif (cf. le partie spoiler plus bas) empêchant de terminer le film sur une note satisfaisante.
En résumé, malgré quelques baisses de rythmes dans l’histoire, on peut donc dire qu’en matière de récit, le réalisateur en connaît les ingrédients et la recette (d'ailleurs, « Brad Bird » est certainement la traduction anglaise de « Bernard Loiseau »).



Le film regorge d’idées visuelles assez bluffantes.



Le film regorge d’idées visuelles assez bluffantes : le survol de la ville de Tomorrowland (sorte de Dubaï du futur) en jet-pack, le voyage via un pin’s entre deux dimensions qui s’imbriquent l’une dans l’autre, un pistolet qui tire une sphère figeant momentanément sa victime dans le temps, etc. Je ne vais pas en faire une liste exhaustive qui gâcherait la découverte mais clairement, on sent que dans la tête des scénaristes, ça fuse. Le père Bird n’a pas une cervelle de moineau et a de quoi être fier comme un paon sur l’aspect visuel de sa dernière création !



Le réalisateur tacle l’aspect mercantile et la sclérose ambiante du cinéma ainsi que le pessimisme de l’industrie du divertissement.



L’idée visuelle de la sphère qui fige dans le temps, au-delà de son inventivité, est hautement symbolique : au milieu de cet amas de produits dérivés ramenant le 7ème Art à son simple aspect mercantile, cette action figée renvoie à la sclérose ambiante du cinéma qui se conforte dans des suites et autres remakes. À travers le personnage (insipide et inintéressant) d’Hugh Laurie, le réalisateur tacle également le pessimisme de l’industrie du divertissement qui propose trop de produits se déroulant dans des univers dystopiques violents et/ou négatifs. Au niveau du timing, Brad Bird ne pouvait pas tomber mieux dans notre pays car À la poursuite de demain s’intercale pile entre le post-apocalyptique Mad Max: Fury Road et le film catastrophe San Andreas.
Ces deux idées (cinéma qui se recycle et divertissements orientés vers des futurs pessimistes) sont d’ailleurs parfaitement illustrées avec le poster du film imaginaire, Toxic Cosmos 3, placardé à plusieurs endroits dans le film.



Brad Bird a l’intelligence de prendre du recul face à cette situation en étant conscient d’y participer.



Toutefois, le réalisateur a l’intelligence de prendre du recul face à cette situation en étant conscient d’y participer car il est donc loin d’être innocent comme la blanche colombe. Ce n’est pas un hasard si la figurine de Monsieur Indestructible s’invite dans cette boule qui fige le temps : il est actuellement en préparation des Indestructibles 2 et participe donc à ce que le cinéma ne propose pas suffisant de films innovants et se conforte dans les suites (il l'a même déjà fait avec son film précédent). Pour l’aspect mercantile, on retrouve également d’autres produits issus de ses films noyés au milieu des autres jouets Star Wars et autres posters de La Planète des singes. Il est appréciable de voir qu’il ne fait pas l’autruche face à ce constat.



Le discours d’À la poursuite de demain est également emplit de messages positifs.



Mais le discours d’À la poursuite de demain est également emplit de messages positifs: il glorifie la force de l’imagination et de l’inventivité (Eiffel et Edison sont dans la place) en évitant de chercher à tout rationaliser. Brad Bird fait d’ailleurs passer ce message au spectateur via le personnage de Walker s’adressant à l’héroïne, Casey : ne cherche pas à tout expliquer ou tout vouloir comprendre, laisse-toi simplement emporter. Le film fustige également la morosité et le fatalisme ambiant en préférant ouvrir la voie vers un futur meilleur qui sera construit par les talents optimistes d’aujourd’hui. Brad Bird se refuse donc à jouer les oiseaux de mauvais augure. Son discours manque malheureusement quelque peu de finesse dans sa diffusion tant il est martelé plus que de raison tout au long du film.


J’ai toutefois trouvé un peu maladroit, expéditif et réducteur que la résolution finale se cantonne a simplement FAIRE TOUT EXPLOSER AVEC UNE GROSSE BOMBE QUI DÉFONCE TOUT pour que Tomorrowland renaisse tel un phénix. D’autant que cette solution est sensée émerger d’un esprit décalé, déterminé et ouvert sur le monde. On a vu plus subtil comme approche. Ce genre de conclusion vite torchée me donne envie de voler dans les plumes de Bird.


Michael Giacchino signe une partition immédiatement reconnaissable à défaut d’être profondément marquante. Entre Jupiter Ascending il y a quelques mois et les prochains Jurassic World et Vice Versa, on peut dire que 2015 est pour lui une année bien chargée !


À la poursuite de demain n’est pas le chant du cygne de Brad Bird. Il est même jusqu’ici son long-métrage le plus faible. Mais cela ne signifie pas que sa carrière a pour autant du plomb dans l’aile car le film reste un chouette divertissement de qualité qui se démarque de la production actuelle. Il est par moments un régal visuel, regorge d’inventivité et dissémine des propos positifs et intelligents sur notre monde ou le cinéma. Reste un discours optimiste trop appuyé au sein d’un récit au rythme inégal doté d’un final un peu longuet et moins passionnant que le milieu d’un film ayant une résolution trop expéditive.


http://marvelll.fr/critique-a-la-poursuite-de-demain-par-epice/

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