Très étrange la structure du film, sûrement à cause des origines du projet qui devait à la base être un documentaire sur les bidonvilles romains.

Concrètement, il faut attendre 1h pour avoir les premiers vrais enjeux du récit, voire 1H15 pour comprendre ce qui va suivre ! Pour déboucher ensuite sur un final absolument jouissif en diable, et hyper prenant.

Mais que se passe-t-il donc pendant la première heure ?
Et bien pas grand chose, et c'est vrai que dit comme ça, c'est un peu effrayant.
J'ai eu très peur, j'avais l'impression de voir un "allemagne année zéro" bis, c'est-à-dire le pire du pire du néoréalisme.
Ca me rappelait le sinistre "les bas-fonds" de Kurosawa, un peu Dodeskaden aussi (grand film celui-là), des miséreux qui survivent dans la crasse, dans les décombres, dans les détritus, qui s'empoignent, qui se hurlent à la figure constamment, qui baisent aussi (pas chez Kuro attention hein, on déconne pas). Pas de véritable récit, juste des personnages qui ne savent plus quoi faire, complètement perdus, le spectateur avec.

Dit comme ça c'est pas très engageant.

Mais en fait, cette heure assez difficile, est finalement essentielle, parce qu'elle pose tout simplement le cadre.
La famille du patriarche borgne extraordinairement interprété par Nino Manfredi, est très, très nombreuse.
Et cela demande du temps de les faire vivre ces personnages, de leur donner une personnalité, de faire exister cet incroyable décor (le film est un huis clos, nous ne sortirons jamais de cet incroyable bidonville au sommet de la colline, surplombant la belle cité Romaine, dans un contraste saisissant. Et ce malgré quelques vagues perspectives de fuite, avec un arrêt de bus notamment où certains personnages, le temps d'une après-midi s'évadent un peu ailleurs), et de bien comprendre cet univers très riche et complexe.

Et une fois que l'on rentre dans un récit plus classique, avec des enjeux clairement définis, on est parti pour 50 minutes de plaisir total, et de pure maestria de mise en scène, avec des séquences d'anthologie !
(La scène du repas, puis du lavage d'estomac, sont par exemple inoubliables, et le travail sur la musique (géniale!) et le montage est savamment étudié).

Surtout, et c'est le syndrome Barry Lyndon, on s'y attache à ce patriarche, qui est la pire enflure de tous les temps, mais comme il finit par être seul contre tous, comme le réalisateur épouse son point de vue, on en vient à souhaiter qu'il s'en sorte ! Et c'est incroyablement réjouissant, de voir que cette vieille peau, comparable au Michel Serrault du viager, est tout simplement INTUABLE ! Un terminator le type, qui va se battre becs et ongles pour conserver son "trône", et peut-être même obtenir vengeance.

Sinon globalement le film est donc assez désespéré, très nihiliste, très sombre, mais pas pour autant anxiogène. Il est tantôt surprenant, déroutant (une séquence de rêves WTF au possible par exemple), incroyablement audacieux formellement (avec des plans-séquences panoramiques de folie), hyper bien filmé et cadré, et assez marquant. Un film à voir absolument donc, et surtout qui donne envie de découvrir d'autres Scola. (C'était mon premier.)

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le 16 mai 2014

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KingRabbit

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