Nous n’allons pas vous mentir, AMIS PUBLICS nous a laissé perplexe. Les raisons sont nombreuses. Tout d’abord, le traitement décalé de ce sujet grave (le cancer d’un enfant), tantôt léger sur le ton de la comédie, tantôt plombant sur celui du drame. Le film prend comme postulat de base la réalisation par Léo (Kev Adams) du rêve de son frère malade, Ben (Paul Bartel II, dont la prestation nous avait bluffés dans Les Petits Princes). Le spectateur est censé être ému face à son courage et celui de ses jeunes camarades devenus chauves suite à leur traitement de chimiothérapie à l’hôpital dans lequel il séjourne. Ils ne se plaignent pas, souffrent en silence et veulent juste être des jeunes normaux. Mais les scénaristes ont pris le parti de vouloir systématiquement dédramatiser et faire pencher la balance du côté de l’humour. Il ne s’agit pas ici de se poser la question de savoir si on peut rire de tout, mais s’il est nécessaire de chercher tout le temps à faire rire. Ainsi, le judicieux et subtil équilibre d’émotions et d’humour qui apparaissait dans This is not a love story (Me and Earl and my dying girl) n’est jamais atteint dans AMIS PUBLICS.
Le public fan de Kev Adams, principalement des adolescents et des familles avec enfants, conquis d’avance, viendra surtout voir le film pour lui. Aussi faudra-t-il le satisfaire, et donc veiller à le faire rire. Pour qu’il ne soit pas trop perdu, on lui collera des comédiens et le style d’humour vus dans Soda, la série qui a lancé l’acteur, et dont AMIS PUBLICS est une émanation directe. On retrouve ainsi Guy Lecluyse, qui interprète Bruno, président de l’association des familles des victimes, et Franck Bellocq, le banquier-comédien raté qui coache la bande pour monter leur coup. Et bien sûr John Eledjam, scénariste à l’origine de l’idée du film, qui interprète Franck, le pote débile mais gentil, tandis que l’autre « poto frérot » Lounès, resté un grand enfant malgré sa paternité, est interprété par Majid Berhila.


Ce public choyé aura droit à un éventail de vannes, des blagues dignes de celles de Soda (qui nous a toujours bien fait marrer), du comique de situation, de répétition, du comique visuel, des jeux de mots, des références cinématographiques, des déguisements et des perruques en référence, on le suppose, au fameux Gang des postiches. Quelques bonnes répliques fil rouge font parfois mouches, mais elles sont utilisées si souvent que cela en devient lassant. Quant aux moments émouvants, ils peuvent difficilement être appréciés à leur juste valeur, puisque justement nous attendons toujours la vanne à venir ! Voir pleurer Kev Adams est d’ailleurs une vanne en soi, non pas qu’il soit mauvais acteur, mais parce que nous n’y croyons pas vraiment.
Le problème, c’est que baser un film sur la seule présence du jeune homme et sur l’humour qui en découle, ne suffit pas à combler les incohérences d’un scénario qui ne tient pas la route. C’est l’une des autres raisons de notre perplexité. Car les scénaristes avaient pourtant tous les ingrédients en main. Hélas, le scénario part dans de multiples directions, ouvre un tas de pistes qui ne seront pas exploitées, posées là. Pèle-mêle, seront vaguement abordés des sujets tels que, l’entreprise à l’origine de l’accident chimique (cause des malheurs de Ben), l’association des familles des victimes, les problèmes de famille d’Anna, la colocataire Huguette, la liaison de la commissaire de police avec le flic Bartoloméo, interprété par Vincent Elbaz (très juste dans Je compte sur vous) dont nous supposons qu’il a accepté le rôle parce qu’il pouvait conduire sa moto et s’énerver à chaque réplique.


Enfin, que de poncifs et de clichés ! C’est vrai que le film s’adresse à des ados, mais les scénaristes auraient pu faire preuve d’un peu plus de nuances ! D’un côté, les gentils, même s’ils sont les ennemis publics numéro 1, braqueurs au grand cœur, et de l’autre les méchants dont les flics (sauf Bartoloméo), qui cachent une souffrance secrète.
Le réalisateur Edouard Pluvieux, dont c’est le premier film et qui met en scène les spectacles de devinez-qui, a vraisemblablement veillé dans sa mise en scène à préserver la réputation de Kev Adams, avec un côté prude, presque moral, qui plaira sans nul doute à son public familial. Pas prêt à casser son image de garçon gentillet, certes bien moins naïf que dans ses précédents rôles, nous ne le verrons ainsi jamais au lit avec sa copine à qui il fait à peine un petit bisou. De même, le couple en instance de divorce sera sauvé et les voleurs des banques seront punis de prison, comme il se doit. Plein de bonnes intentions et de bons sentiments, AMIS PUBLICS remplit parfaitement son cahier des charges en matière de bienveillance et de générosité chères à l’acteur, mais reste un film sans saveur et assez ennuyeux, car sans aspérité.


Critique de Sylvie-Noëlle pour Le Blog du Cinéma

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le 20 févr. 2016

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