Très souvent c’est quand on attend absolument rien d’un film que ce dernier semble prendre un malin plaisir à nous scotcher à notre fauteuil pour ne relâcher notre attention qu’à la toute dernière seconde. Anna Karenine en est le plus bel exemple de cette fin d’année.

Poétique, enivrante, cette adaptation du roman de Léon Tolstoï se démarque de ses aînés (Julien Duvivier en 1948 ou celle de Bernard Rose en 1997 avec Sophie Marceau, Sean Bean et Alfred Molina) par la beauté visuelle émanant de chaque pore de la pellicule. Tel un conte de fée moderne Anna Karenine s’amuse à destabiliser le spectateur dès les premières secondes en le transportant dans un univers théâtral d’une rare élégance et parfaitement maitrisé. Résultat, si nombres d’entre nous seront déroutés (beaucoup ont quitté la salle durant la première vingtaine), il faudra un léger temps d’acclimatation pour apprécier à sa juste valeur ce travail d’orfèvre. C’est d’ailleurs sur ce point précis qu’il convient d’applaudir sans retenue le réalisateur, Joe Wright. Habitué aux films d’époque avec Orgueil Et Préjugés, le réalisateur britannique a redoublé d’effort et de créativité afin de multiplier les éclairs de génie au sein de son film. Le résultat ne se fera pas attendre et sera sans appelle : Anna Karenine est un chef-d’oeuvre visuel, en témoigne une séquence de valse d’une rare intensité et qui mérite à elle seule le détour, une séquence qui n’est pas sans rappeler certains films de Terry Gilliam, L’Imaginarium Du Docteur Parnassus en tête.

Seulement voilà, aussi belle et sophistiquée soit la mise en scène, Anna Karenine est avant tout une histoire universelle, celle d’une femme en avance, trop en avance sur son temps, une femme vivant pour ses passions en faisant fi des conventions et de la pensée commune, une femme moderne dans un monde loin de l’être, une femme qui finira par se brûler les ailes et en payer le prix fort. Sur ce point, Joe Wright fait également preuve d’adresse. En gardant l’énergie romanesque du roman initial tout en le modernisant pour plaire au public de notre époque, le réalisateur est parvenu à donner vie à une oeuvre d’une puissance incommensurable. Le choix du casting y est surement pour beaucoup dans cette impression. Chacun des protagonistes présents à l’écran brille de crédibilité mais si bon soit chacun d’entre eux, c’est le trio d’acteurs en haut des affiches publicitaires qui requiert toute notre attention.

Keira Knightley est débordante de sensualité, elle incarne à la perfection cette femme brûlante de désir et d’évasion (évasion parfaitement retranscrite dans la farouche dualité entre l’aristocratie et la paysannerie). Jude Law met de nouveau de côté sa belle gueule et son sex-appeal (ce qui lui a toujours plus réussit en terme de crédibilité avec des oeuvres comme Existenz, Les Sentiers De La Perdition ou encore Bienvenue A Gattaca) au profit d’une qualité d’acteur indiscutable en mari meurtri par l’infidélité. Mais c’est avant tout le jeune Aaron Taylor-Johnson qui monopolise l’écran. Choix le plus audacieux et curieux du casting de prime abord, il s’avère le plus éclatant à l’écran avec une maturité puérile parfaitement dosée et assaisonnée avec parcimonie d’une fougue presque diabolique. Qu’il en a fait du chemin depuis ses débuts loin d’être remarquables dans Walk Hard et L’Illusionniste jusqu’au buzz suscité par un Kick-Ass le propulsant au centre de toutes les attentions. Mais qui très sincérement aurait pu prédire une telle justesse de ton, une telle maturité dans le jeu ? Vous ? Certainement pas moi !

On pourra bien évidemment tiquer sur la trop importante présence de l’accent anglais dans une histoire se déroulant en Russie mais cela serait chercher la petite bête pour pas grand chose au final, tant tous les éléments précédemment cités font de Anna Karenine une fable enivrante aux multiples niveaux de lecture ne nous donnant pour seule et unique envie à la sortie de la séance que de nous replonger dedans, mais cette fois sans aucune hésitation. En attendant la sortie mercredi du Hobbit de Peter Jackson, Anna Karenine a le mérite de nous faire patienter en nous offrant un voyage certes loin d’être inattendu mais inespéré.

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Auteur : Wesley
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le 10 déc. 2012

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