La chute est au début (pseudo spoiler :)

Je crois qu'Antichrist est de ces films qu'on ne peut pas vraiment "aimer" et avoir envie de revoir à moins d'être sévèrement pervers.
On peut par contre ne pas être intéressé par le sujet, ne pas se sentir prêt à se laisser toucher et s'ennuyer ferme pour finalement crier à la masturbation psychologico-intellectuelle.
Ou accepter d'entrer dans le sombre et malsain labyrinthe de folie que tisse Lars Von Trier en recourant à toute sa maitrise formelle et narrative. On se retrouvera alors comme moi 1h40 après le gong d'ouverture, assis sur son canapé, au bord de la nausée, empli d'impressions mitigées, angoissantes et surtout très personnelles.
Car si cette histoire mystico-démente laisse perplexe, c'est que sa trame est loin d'être univoque, laissant la porte ouverte à des lectures beaucoup plus nombreuses à mon avis que la simpliste et misogyne dénonciation de l'éternelle hystérie féminine à laquelle beaucoup de critiques ont voulu réduire ce film. Interprétation d'autant plus délicate à avancer qu'elle impose de faire abstraction du premier tiers du film durant lequel c'est clairement Monsieur le méchant et le pervers (au sens psychiatrique du terme). Comment, en voulant dénoncer la misogynie peut-on aussi naturellement accepter de retourner ainsi sa veste ?
Chacun en retirera donc ce qu'il pourra et/ou voudra. En ce qui me concerne :
- une mise en garde contre la "démédicalisation" psychanalytique ou apparentée de la prise en charge des personnes souffrant de pathologies psychiatriques graves. Un danger contre lequel lutte la psychiatrie depuis toujours sans parvenir à s'en dépêtrer complètement.
- une terrible démonstration de la difficulté qu'il peut y avoir à interpréter les troubles délirants : Où commencent-ils ? Est-il possible de s'apercevoir que l'on délire ? Comment identifier la frontière entre bizarrerie et psychose ? Comment être certain de la réalité de ce que l'on nous raconte ? nous montre ?
- une envie de croire que c'est lui le malade. Lui qui projète ses symptômes, ses craintes, ses angoisses, sa culpabilité, ses démons sur sa femme (présente ou peut-être même pas) pour tenter de surmonter sa souffrance. Lui qui est prêt d'y parvenir... puis...

Vous ne pensiez quand même pas que j'allais vous raconter la fin ?
Samanuel
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le 16 avr. 2011

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Samanuel

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