Slip ou pas slip ? Slip ou culotte ?
Toute la force de cette Autopsie d'un meurtre, assurément l'un des plus grands films de procès de l'histoire, réside dans ces deux interrogations qui pourraient paraître risibles. En effet Otto Preminger s'intéresse certes à la cause du procès, le meurtre, mais celui-ci n'est en réalité qu'un point de départ, une excuse, pour arriver à ce qu'il veut réellement questionner - « Y a-t-il eu viol (et si oui ne l'aurait-elle quand même pas un peu cherché) ? » - et montrer - le spectacle de la justice ou plutôt ses acteurs.
Les dessous de Laura Manion vont ainsi servir d'axe central à l'ensemble du récit, ils permettront de résoudre ou non l'enquête mais aussi de parler des mentalités, de la vision de l'homme et de la société sur la femme qui s'assume en tant que telle. Comment nommer l'objet dans un tribunal ? Slip, culotte ? Mais au fait cet être aux formes insolentes en portait-elle le soir du drame ? Et si elle avait plutôt porté une gaine, aurait-elle moins mérité son châtiment ? Elle était pieds nus ? Elle se trémoussait ? Ces questions horribles, ces excuses qui ne disent pas leur nom faites à un violeur potentiel, c'était il y a plus de 60 ans et rassurez-vous les choses ont bien évolué et ce genre de sous-entendus ne sont plus de mise aujourd'hui. (Panneau LOL brandi)
Preminger signe donc là une œuvre profondément politique mais jamais de manière sentencieuse ou plombante car "Autopsie d'un meurtre" est avant tout du grand et noble spectacle cinématographique, avec ses personnages hauts en couleur, certains apparemment secondaires à l'image d'un juge, prenant finalement une place considérable, incarnés par des acteurs qui semblent se régaler autant que nous, son scénario sans une rature, ses dialogues aussi fins que percutants - On pourrait se repasser les joutes entre avocats comme on réécoute en boucle son morceau de musique préféré - et bien entendu la mise en scène d'un Otto roulant à 180 tous phares éteints.
Il y a donc durant ces 160 minutes qui passent comme 90 des vérités, un James Stewart aussi désabusé que séducteur et charismatique, des failles, une Lee Remick aussi belle que fragile, des mensonges, de la tendresse, un Ben Gazzara qui attendait encore son Cassavetes, des vanités. Bref il y a de l'humain...