Bâtiment 5 par Sandalg

L'existence est une bulle aux jolis reflets irisés, belle comme une illusion, fragile comme elle, fugace comme elle. Lorsque sa beauté est entachée à cause d'une multitude de circonstances, il y a douleur. Et la douleur est muette. Elle ne fait pas plus de bruit que le sang qui s'abîme en dehors de ses voies.

J'entends déjà le tintement des clefs que l'on pose sur le meuble rutilant et propre d'un lieu où il fait bon vivre et respirer. La lumière chaude et conviviale du couloir d'entrée que l'on convoque d'un simple clap. Le parquet qui nous renvoie affectueusement par échos notre propre existence au fil des pas. Ceux appartenant à quelques uns présents dans la même salle que moi pendant la séance, venus se refaire un peu les mirettes à coup de corps noirs, arabes, bref racisés de deux ou troisième génération vissés là au bout du grand écran, dont la langue est violence, barbotant dans la fange de l'indignité parmi les fissures, les parois sales, l'humidité et le froid, les pannes d'ascenseurs qui ne connaissent pas de fin jamais, permettons-nous sans crainte de comparer tout cela aux tranchés des soldats du XXème, où ils se frayaient tels des rats.

J'avais oublié qu'être cinéaste permettait cela, aussi : jouer les marionnettistes. Que c'est toujours trop beau pour être vrai de voir un « élu » pénétrer l'insalubrité, la palper du regard, constater les dégâts muni d'un casque de chantier sous un ciel épuré, blanc, bleu, on ne sait pas vraiment et on ne s'en soucie pas plus.

Moralité : difficile de rêver, d'être sage quand on grandit dans une cage, que l'on frôle l'autre côté de sa chambre du bout de son bras tendu, et qu'on y respire mal.