Le silence des oignons

Le 3 mai 2024 devrait sortir chez Warp records "Spell Blanket: Collected Demos 2006-2009" de Broadcast. En attendant, pour trouver des morceaux de Trish Keenan (ma n-ème muse brune avec une frange) que j'ai pas déjà entendu 100 fois, je dois regarder un film inconnu sur lequel ma critique n'aura aucune chance de percer. En ce sens, je suis l'alter-ego de Gilderoy qui se retrouve à travailler sur un film d'horreur italien tout moisi alors qu'il serait tellement mieux auprès de sa Mum dans le Surrey...

Mais comme Gilderoy je suis avant tout un professionnel et un passionné et je compte mener à bien ma mission, même si mon audience va encore me faire remarquer qu'ils n'ont pas vu le film et qu'ils s'en foutent (dsl donnez des idées pour la prochaine review !!).

Donc Peter Strickland, il avait pas beaucoup d'argent visiblement comme y'a deux décors et 5 acteurs mais il avait une super idée: un film sur un ingé son, personne l'a fait ça hein !! Donc c'est ce qu'il a fait, on suit Gilderoy dans ses journées déprimantes au studio, entouré d'une équipe ingrate dont il ne parle pas la langue et qui se fout de sa gueule en permanence. Il ne se passe presque rien: il enregistre les cris des doubleuses, et les bruitages artisanaux à base de fruits et légumes pour illustrer torture de sorcières et exécutions qu'on ne peut qu'imaginer (mention spéciale au tisonnier chauffé au rouge nella vagina). A part ça, les scènes sont soit des gros plans sur des bobines, des magnétoscopes ou des espèces de scripts son (jsp comment ça s'appelle), soit sur des lettres envoyées par Mum, soit - et c'est là que je trouve que c'est dommage - Gilderoy qui se fait engueuler par le producteur / le réal et qui ne répond JAMAIS. En fait, on comprend par trop s'il est autiste ou tellement bègue qu'il arrive pas un sortir un mot, mais à la longue c'est un peu frustrant, parce que c'est dur de s'attacher à un type aussi mou. Il pourrait se faire victimiser et au moins dire "désolé ^^" ou je sais pas, ça l'aurait rendu un peu humain, on aurait eu pitié de lui... Il y a une tentative de trouver un espèce d'intrigue, avec une des crieuses qui en a marre du gros con de réalisateur, et ça finit de façon relativement intéressante, dans un espèce de cauchemar éveillé où Gilderoy a du mal à distinguer le film sur lequel il travaille de la réalité etc. C'est suffisant pour ne pas s'ennuyer mais un peu léger, au point que si on était restés sur le rythme de la première moitié du film pendant tout le temps, je pense qu'il y aurait eu plus de potentiel.

Du coup ce que je reproche à Strickland, au-delà de sa défaite face à Pereira, c'est de n'avoir pas fait assez de son idée. Je suis sûr qu'il y avait beaucoup à trouver avec le concept de film d'horreur auditif, et c'était bien parti, avec en plus des images cool et un son irréprochable je trouve (ça aurait été dommage sinon en même temps). Mais là le fréro a fait une Quentin Dupieux, il a trouvé une idée, un semi-scénario pour la mettre en place et puis voilà il s'est dit c'est bon le film est fini.

J'ai été très méchant, parce qu'avec ma vie c'est dur de voir le verre à moitié plein, mais je pense que c'est quand même une réussite dans l'ensemble, et je le recommanderais sans soucis aux petit.e.s comme aux grand.e.s qui liront ces quelques lignes. Pour en revenir à Broadcast, la B.O. est oubliable mais bien incorporée, avec une frontière très floue entre quand c'est la musique du film (qu'on regarde) et la musique du film (qu'ils produisent). N'empêche que les singles de la compilation sont bien meilleurs.

Sans remords,

çaendilon r...

PS: je suis TRES content du titre, et j'ai même été surpris qu'aucun autre senscritiqueur ne l'avait trouvé avant. J'aimerais savoir, parmi ceux qui ont vu ou verront ce film, s'il y a bien des oignons sur la table de légumes, pour pouvoir définitivement m'autoproclamer meilleur punchliner du XXIe siècle.