Black past
5.8
Black past

Film de Olaf Ittenbach (1989)

Si Jörg Buttgereit fût en quelque sorte l’initiateur du splatter underground allemand avec son célèbre Nekromantik qui fût frappé de vives polémique si bien que son réalisateur sera emprisonné quelques temps à la sortie du second opus, c’est bien Olaf Ittenbach et son compère Andreas Schnaas qui donneront l’impulsion nécessaire à l’éclosion de cette nouvelle vague. L’année 1989, ne fût donc pas seulement celle de la chute du mur de Berlin mais bien celle de l’avènement de ce nouveau mouvement contre-culturel ultra vénère sortie des tréfonds de l’enfer en opposition à la censure du pays et à la frustration d’une jeunesse ayant mal vécu le rideau de fer. Black Past c’est donc d’une certaine façon la résurgence du passé violent de l’Allemagne et toute la frustration emmagasiné depuis l’après Guerre dans une malle enchaîné à double tour qui ne demande qu’à être ouverte pour éclater. Une tâche dont va parfaitement s’acquitter le jeune Olaf Ittenbach qui s’attaque à la jeunesse dès son introduction en fendant le crâne d’une petite fille, brisant par-là même un autre tabou de société après la nécrophilie de Buttgereit. Ils ont vraiment un problème ces allemands... Mais la démarche de son premier essai ne s’inscrit pas tellement dans une volonté de vouloir choquer à tout prix ou bien provoquer le comité de censure, mais bien de reproduire le succès de Sam Raimi qui avait prouvé au début de la décennie que le cinéma gore pouvait sortir de son ghetto et s’imposer dans l’épouvante horreur même avec un faible budget, du moins tant qu’il y a assez de volonté, d’abnégation, de système D et surtout de talent. Des qualités qui ne manque pas au jeune prodige allemand qui va alors s’improviser réalisateur avec un premier court métrage concluant (Deadly Night) et qui à l’instar de son homologue américain avec Within the Woods lui servira de laboratoire d’expérience où il va s’essayer aux maquillages et différents effets spéciaux qui n’ont d’ailleurs rien à envier au premier Evil Dead avec un budget pourtant 70 fois inférieur. Si le cinéaste fût amené à devenir prothésiste dentaire, son savoir faire va lui ouvrir de nouveaux horizons, et il ne faudra pas longtemps pour que certains de ses confrères lui offre le poste de maquilleur et responsable des effets spéciaux sur leurs films (Roger Grolimund, Andreas Bethman, Marcel Walz). Il y aurai même de quoi regretter qu’Ittenbach n’est pas été préféré à Brian Yuzna pour réaliser Le Dentiste 1 et 2.


Ici l’objet de culte ne sera pas le Necronomicon mais bien un miroir maudit que le personnage va récupérer dans le grenier de sa nouvelle maison. De premier abord , on serait en droit d’imaginer Black Past comme un vulgaire ersatz de Evil Dead, les copycat pullulaient alors dans les vidéosclubs de l’époque avec un niveau d’intérêt à géométrie variable (Evil Clutch, Demons, Night of the Demons), mais l’apprenti cinéaste parvient pourtant à s’en affranchir même si la séquence où on le voit affronter sa petite amie revenu d’entre les morts y fait clairement allusion. Evidemment, c’est sous l’influence insidieuse du miroir que les choses vont se mettre rapidement à dégénérer dans la vie de l’adolescent qui va perdre sa petite amie dans un accident. L’ambiance est lourde, le ton est nihiliste et ce dès son premier essai, on est bien loin du gore fendard et décomplexé auquel nous avait habitué des cinéastes tel que Peter Jackson ou bien Stuart Gordon. L’adolescent tourmenté se met alors à délirer, à voir des visions d’une dimension infernale peuplés d’âmes damnés, où les chaires sont martyrisés, les corps démembrés, les têtes coupés, où les intestins et abats d’êtres humains ornent le décor minimaliste de cet enfer baigné de projecteur rouge. Le réalisateur donne même de sa personne en allant jusqu’à se clouter le pénis sur un établi avant de se l’arracher avec une scie. Cette séquence complètement démente qui ne constitue pourtant pas encore le point d’orgue du récit préfigure déjà l’impressionnant climax de son film suivant The Burning Moon, comme une répétition avant l’heure. Tout le long de sa filmographie, Ittenbach n’aura d’ailleurs de cesse à vouloir reproduire cet au-delà (No Reason) si cher à son réalisateur de prédilection Lucio Fulci. Les avertissements auront beau fuser tout au long du film, rien n’y fait, le personnage ne prendra jamais l’initiative de briser la malédiction, préférant se laisser divaguer et envahir par ses émotions en noyant son chagrin dans l’alcool si bien qu’il finira sous l’emprise d’un démon.


Malgré les faibles moyens mis à sa disposition (environ 5000 euros), Olaf Ittenbach ne cède pas pour autant à la facilité et ne tient pas à bâcler sa première réalisation malgré l’utilisation d’un simple caméscope vidéo pour tourner. Ses qualités de metteur en scène sautent déjà aux yeux dès ce premier coup d’essai notamment lorsqu’il cherche à insuffler une atmosphère sépulcrale et lugubre avec des éclairages et effet de fumées, comme dans cette séquence onirique avec ce bébé ensanglanté et son landau brûlé. Si le réalisateur a choisi de s’octroyer le rôle principal, il a déjà plus de difficulté à faire illusion en tant qu’interprète, notamment lorsqu’il tente d’exprimer son émotivité ou de se faire pleurer devant la caméra, et il faut bien avouer que son affreuse coupe au mulet et son mono sourcil n'aide pas non plus. Mais on ne pourra cependant pas lui reprocher d’avoir voulu donner un peu plus de profondeur à ses personnages. Cela reste évidemment une œuvre amateur fauché et sans se mentir, on ne va pas regarder Black Past pour sa dramaturgie. Mais le clou du spectacle est encore à venir et si l’étalage de barbaque précédent ne vous a pas encore fait fuir, le climax s’en chargera car rien ne vous aura préparé à la brutalité absolument inouïe du carnage final lorsque le personnage possédé va se mutiler dans la salle de bain avant de massacrer son entourage avec une Stihl. Les effets spéciaux et maquillages sont si impressionnant que l’on peine parfois à discerner le vrai du faux, et si le massacre à la tronçonneuse du film éponyme n’était que suggéré, Black Past livre aux insatisfaits ce qu’ils espéraient voir du film de Tobe Hooper. Il vous faudra néanmoins avoir l’estomac bien accroché pour supporter les geysers de sang et baquet de viscères, les membres arrachés, les mâchoires édentés, les yeux révulsés et mannequins dépecés qui semble parfois plus vrai que nature, surtout quand la caméra s’attarde à filmer le visage meurtri en gros plans de ses interprètes que l’on verra succomber en relâchant leur dernier souffle de vie, l’expression figé à jamais dans leur martyr sur l’autel de ce divertissement dégénéré. Après une telle boucherie, bonne chance pour aller expliquer et défendre le film auprès du comité...

Le-Roy-du-Bis
7
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le 13 déc. 2023

Modifiée

le 9 févr. 2024

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Le Roy du Bis

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