Blue Giant
7.2
Blue Giant

Long-métrage d'animation de Yuzuru Tachikawa (2023)

Est-ce que je viens d'assister à un film ? Ou à un concert ? Ou peut-être les deux ? Quelle claque monumentale purée quelle claque ... Le genre de film qui te donne envie de te bouger, de faire des choses, ou de simplement commencer la musique tellement il déborde de passion ... Il y a de ces œuvres qui font partie d'une catégorie unique, celles qui t'insufflent un élan d'action et de vie en toi après lecture ou visionnage, et Blue Giant en fait clairement partie. Quel grand jour pour être fan de l'œuvre de Shinichi Ishizuka tellement ce film respire le respect pour son œuvre !!! On n'aurait pas pu rêver mieux que cette animation pour retranscrire tous les efforts que le mangaka mettait dans son manga de jazz pour nous faire écouter avec les yeux, et c'est juste incroyable tant les diverses séquences de musique sont juste merveilleuses de mouvement et de puissance, le tout ponctué par une BO gigantesque !!!!


On suit donc la partie du manga où Dai Miyamoto monte sur Tokyo pour avancer dans son rêve de devenir le meilleur jazzman au monde, rêve qu'il explique à son futur camarade pianiste Yukinori Sawabe par le fait de pouvoir faire ressentir une infinité d'émotions par son saxophone. De là une première opposition au niveau de la conception qu'ont les deux personnages de la musique : Dai dont le jeu retranscrit sentiments, puissance, quand Sawabe a une vision très technique de son instrument et veut "gagner" (du fait que celle qui lui a fait aimée le piano a dû déménager pour fuir ses créanciers, le marquant dans sa conception de son art). J'ai trouvé intéressante ces différentes visions de la musique qui peuvent rentrer en friction dans une dynamique de groupe, notamment vis-à-vis de Tamada : Sawabe ne veut au début pas de lui à cause de son manque de technicité, mais se fait petit à sa place, jusqu'à une dispute entre les trois membres du groupe qui est à mon sens très porteuse de sens. Dai voit l'art, Sawabe est critiqué pour son aspect trop technique, quand Tamada est simplement heureux de jouer dans le groupe pour prendre du plaisir à ses partenaires. J'aime bien cette manière de représenter la musique comme quelque chose de très ancrée dans l'ego, où Dai, comme le patron de So Blue, trouve les solos de Sawabe insipide, impersonnels, quand Tamada le trouve génial, sûrement à cause de ses complexes du fait qu'il a commencé la batterie il y a 8 mois. Sentiment qu'il exprime à Dai lorsque celui-ci critique le jeu de Sawabe : comment doit-il penser ses propres performances face à ces deux musiciens talentueux? est-ce qu'on le ménage ?


Le film montre bien aussi la manière le rapport entre musiciens et spectateurs : même si c'est une manière d'exprimer sa personnalité et que les musiciens le font pour eux, il n'y a pas de musique si elle n'est pas écoutée, et on le voit bien dans l'évolution du personnage de Sawabe qui pense plus à sa carrière qu'à ses spectateurs et qui, lorsqu'il reconnaît un fabricant de tofu qui était à un de ses concerts et à qu'il n'avait pas signé d'autographes, le lui signe. Ce sont des gens qui prennent du temps sur leur quotidien pour venir se faire plaisir, être ému, et qui aiment leurs musiciens, comme ce monsieur heureux des progrès de Tamada, qui nous offre une séquence riche en émotion. J'ai pleuré quand la patronne de bar se tourne dos aux musiciens quand Sawabe annonce qu'ils vont jouer pour So Blue, elle qui croyait fort en la passion et la jeunesse de ces musiciens, mais refusant de les faire jouer dans sa salle, symbole de sa peur de voir réitérer chez d'autres ses échecs de jeunesse passés. Le film, bien que sur le jazz et la musique, porte aussi un symbole universel dans sa conception de l'art, par la perspective de Dai Miyamoto et représenté lors de son échange avec l'un des musiciens d'un grand groupe : pour faire vivre son art, il faut s'affranchir des cases, et faire passer les émotions que son art transmet et qui sont indicibles par l'expression de catégories


Formellement, le film déborde d'idées de mises en scène dans ses séquences musicales, on en prend plein les yeux à travers des séquences dynamiques, éclatantes et colorées ! J'ai bien aimé aussi la recrudescence du bleu du film, majeur dans l'œuvre pour symboliser la métaphore de la géante bleue, notamment avec des très beaux plans nocturnes et urbains. En dehors des scènes musicales, le film arrive aussi à être très bon avec des plans riches de sens sur l'engagement de nos protagonistes. Si j'avais des choses à redire, ce serait au niveau de la CGI qui vient un peu gâcher la fête : ses usages dénotent des scènes puissantes qui nous sont proposées et cassent un peu rythme. On sent le manque de budget et de temps pour proposer une animation 100% 2D. Certains plans ont aussi l'air recyclés au cours du film, particulièrement les plans des gouttes de sueur lors des concerts, le doigt de Sawabe quand il joue du piano, les reflets dans les verres... Par contre, j'ai beaucoup aimé le choix de garder les chapitres supplémentaires en fin de tome pour montrer les personnages que l'on voit à l'écran dans le futur et parlant du passé, cela rajoute un grain nostalgique à l'œuvre, de la tension sur la fin du groupe, et une touche poétique très belle lors de l'explication du titre de l'œuvre et ce qu'est une géante bleue


J'aurais pu mettre 8/10 à cause des pépins au niveau de l'animation, mais la passion déborde tellement de ce film que ça vaut un 9... Je ne peux qu'enjoindre à celles et ceux qui l'ont aimé(e)s à lire le manga, qui rajoute beaucoup plus de contexte sur les personnages et notamment à ceux que l'on voit une seule fois à l'écran comme le grand frère de Dai. On en apprend beaucoup plus sur le passé des personnages avec un accent très marqué sur la tranche de vie. Mais très content tout de même de cette adaptation fabuleuse qui a bien rendu justice à cette œuvre chère à mon cœur ❤️


Jibeto
9
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le 8 mars 2024

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