Je sais que je regarde beaucoup trop de films. Que beaucoup n'en valent pas la peine. Mais j'ai l'espoir de trouver la petite perle, le bijou qui me fera avoir les yeux qui brillent. Ce sont des découvertes personnelles, c'est fortement subjectif. Je range avec un grand sourire Ça tourne à Manhattan dans ma petite boîte à bijoux, car j'ai été immodérément conquis par le film.
(Attention, le film repose sur une structure originale qu'il est préférable de découvrir, comme j'en ai eu la chance. J'en révèle beaucoup dans ce qui va suivre)
Encore du cinéma sur le cinéma. Nick Reeve est un réalisateur, un peu fauché, qui tente de mettre en boîte son film. Mais rien ne va. L'équipe est maladroite. Les acteurs veulent réécrire le script. Les relations personnelles enveniment le plateau. Mais rien de tout ça ne s’enchaîne à la suite, le film est composé de trois segments, qui remettent à chaque fois en cause ce qui a été vu précédemment. Le film tourné change, les relations sont différentes, et Nick Reeve passe du personnage de réalisateur qui subit son équipe, à celui qui doit accepter les désirs de ses acteurs puis enfin à celui qui se trompe, qui perdure dans l'erreur.
Le spectateur n'est jamais certain de ce qu'il voit. Et la nature du film tourné n'est pas vraiment importante. Les spectateurs avertis reconnaîtront néanmoins trois ambiances pouvant correspondre à autant de réalisateurs connus. Ce qui importe c'est de montrer ce qui se déroule lors des tournages, tout ce qui peut arriver, entre petits arrangements et erreurs grossières. C'est d'autant plus plaisant que le film est très drôle, à se moquer sans cesse de lui-même et de la réalisation de films en général. Le casting est à l'image des quelques décours de Ça tourne à Manhattan, resserré, avec les formidables John Buscemi ou Catherine Keener, des habitués des films de TomDiCillo, qu'il va falloir que je découvre un peu plus.
Et dire que l'originalité du film ne tient pas à grand-chose : c'est une fois le premier segment tourné que le réalisateur et scénariste s'est rendu compte que cela ne pouvait faire un court-métrage, et que c'était bien trop court pour un long. D’où les autres segments qu'il tourna en écho. Comme dans Mulholland Drive passé de pilote de série à un film, il s'agit de rattrapage, de bricolage, et cela fonctionne grâce à une délicate alchimie. Une plongée de l'autre-côté de la caméra, mais sans le côté documentaire, puisque tout est fluctuant, tout est fiction dans ce film.
Un petit bijou, un exercice de style sans aucune prétention, mais au contraire avec beaucoup d’humilité et d’humour. Absurde mais terre-à-terre. Génial.