Pour son dernier film, Chacun sa vie, Claude Lelouch ne lésine pas avec le nombre de personnages et les partitions musicales.



La vie réelle, les rencontres et l’amour sont les sources d’inspiration principales de Claude Lelouch et même si ses films ne sont pas tous réussis, on l’aime aussi pour ça. CHACUN SA VIE ne déroge pas à la règle puisque c’est la rencontre avec l’avocat Eric Dupond-Moretti qui a déclenché l’idée de faire un film. Mais un film sur quoi ? Avec comme sous-titre « et son intime conviction », et la justice en toile de fond, le réalisateur imagine les différentes histoires personnelles des protagonistes d’un procès. Peu importe de quoi est accusée la personne jugée, ni même ce que vont décider les jurés – on n’est pas dans 12 hommes en colère de Sidney Lumet. On serait plus proche de L’Hermine de Christian Vincent, puisque Claude Lelouch s’intéresse au personnage du Président de Cour d’Assises, interprété par… Eric Dupond-Moretti lui-même. Le discours qu’il lui fait tenir sur la quête de la vérité judiciaire est donc aux petits oignons et, comme d’habitude chez le réalisateur, emprunt de leçons de morale à deux balles.Chacun sa vie


Le problème, c’est que l’on sort du tribunal et qu’on se voit propulsé dans les vies bien insipides des protagonistes du procès. Tous se retrouvent dans d’autres lieux ; comme à l’hôpital, car certains sont souffrants ou ont eu un accident, ou dans les locaux de la police… Mais surtout, ils vont tous se balader dans les rues pendant le Festival de Jazz de Beaune. C’est la ville dans laquelle a été tourné le film et qui accueille également « Les Ateliers du cinéma », fondés par Claude Lelouch.


Comme si développer la trame de sa douzaine de personnages principaux ne suffisait pas, le réalisateur déroule alors un fil plus qu’improbable de rencontres sans intérêt entre les multiples personnages secondaires auxquels il est impossible de s’attacher. On regarde, sans jamais s’y accrocher, le tourbillon assommant de ces moments présentés comme cruciaux dans leur vie, qui détaille leurs coups de foudre, leurs ruptures, leurs souffrances et leurs réflexions. Pêle-mêle, on a un médecin qui fait rire ses patients (Jean-Marie Bigard), une infirmière (Déborah François), le copain de celle-ci qui, ô surprise, est aussi membre du jury (Samuel Benchetrit), les artistes de la troupe de ce dernier (Ramzy Bedia)… Puis deux flics fans de Johnny Halliday : Jean Dujardin et Antoine Duléry, ce dernier étant le frère jumeau du maire qui se retrouve … à l’hôpital ! La boucle est bouclée, tout est dans tout et réciproquement !



« Chacun sa vie est une auberge espagnole de personnages qui ne comble pas le vide du scénario »



Non seulement ces ponts et liens entre cette auberge espagnole de personnages -répondant manifestement à un besoin de name-dropping – perdent le spectateur dans des circonvolutions inutiles, mais ils ne parviennent pas à combler le vide sidéral du scénario. Tout comme la musique, littéralement soûlante et qui jamais ne s’arrête, sauf lorsque Johnny Halliday a des dialogues à dire. Il y interprète d’ailleurs avec bonheur son propre sosie, ce qui donne lieu à plusieurs malentendus savoureux. Les fans du chanteur seront ravis, car son titre Toute la musique que j’aime est filmée dans son intégralité (pas loin de dix longues minutes), et on se demande souvent si CHACUN SA VIE n’est pas au final une comédie musicale. En effet, on a droit à des chansons entières de Liane Foly (Eugénie) ou de Kendji Girac en concert, et certains personnages se parlent en chantant (Nadia Farès, qu’on voit trop peu au cinéma, et Stéphane De Groodt, qu’on voit un peu trop).


Deux autres personnages sortent pourtant du lot : l’avocat alcoolique qui se retrouve sur le banc des accusés, dont Christophe Lambert offre une interprétation particulièrement émouvante, le personnage de Béatrice Dalle, qui elle, livre une belle diatribe sur les hommes, l’amour et les prostituées. Mais hélas, encore hélas, que de clichés pathétiques et de fantasmes dans CHACUN SA VIE ! Ainsi, on n’échappe pas à celui du client, le fameux Président de la Cour d’Assises, amoureux de la prostituée, qui n’est pas sans rappeler le couple que formait le Commissaire Philippe Noiret avec Simone dans la saga Les Ripoux de Claude Zidi. Et on se demande si Claude Lelouch souhaite faire passer un message général à propos des fonctionnaires de police, de la gendarmerie ou du fisc, ou même des magistrats qu’ils présentent tous comme corruptibles, puisque humains ?


Les quelques fulgurances et le plaisir des retrouvailles avec le cinéaste de l’amour ne suffisent donc pas, hélas, à sauver CHACUN SA VIE d’un profond ennui, et d’un sacré mal de tête dû au blabla et à la musique.


Par Sylvie-Noëlle, pour Le Blog du Cinéma

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le 31 mars 2017

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