Même la plus mauvaise fellation vaut le parfum de la plus jolie rose,
ou le plus beau des couchers de soleil.



Victor est accro au sexe, brutal, gratuit, et c'est la panne quand les sentiments s'en mêlent. Victor traîne dans les réunions d'addictes pour pouvoir sauter des filles. Victor travaille comme figurant dans un musée vivant recréant le XVIIIème siècle, avec son pote Denys, masturbateur chronique. Victor fait à l'occasion exprès de s'étouffer avec de la nourriture dans des restaurants, pour s'attirer la sympathie des gens qui accourent l'aider. Et comme si ça ne suffisait pas, Victor est peut-être le fils de Jésus, ou du moins d'une relique pénienne du Christ qui aurait engrossé sa mère. Du moins est-ce ce qui est écrit dans le journal intime de cette dernière... Difficile pour Victor alors de ne pas être complètement paumé.


Un personnage de freak moderne pareil, il n'y avait que Chuck Palahniuk pour l'inventer. Le génial et sulfureux papa de Fight Club signait avec Choke son quatrième roman en 2001, et c'est Clark Gregg (pour l'anecdote, Gregg est l'Agent Coulson dans Avengers et Marvel's Agents of Shield) qui se charge de l'adaptation ciné en 2009. L'occasion de se rappeler au passage que Palahniuk au ciné avait donné lieu au plus grand chef-d’œuvre cinématographique des années 1990, le monument de David Fincher, cri de ralliement d'une génération de névrosés, chargé des angoisses d'un millénaire en bout de course, ouvrant la voie royale vers la désillusion des années 2000. Étonnant alors que, telle une horde de Frank Marshall s'arrachant les romans de Michael Crichton après Jurassic Park, ou ceux de Stephen King, les romans de Palahniuk n'aient pas plus attirés que ça ni les studios ni les réalisateurs plus « auteurs ». Il faudra donc attendre dix ans pour voir Choke à l'écran.


Que dire donc de Choke ? D'accord, ce n'est pas Fight Club, ce n'est pas un chef-d’œuvre, et si on commence par là, en le mettant à l'ombre du génie qui l'a précédé, on ne peut être que déçu. Oui, Clark Gregg, malgré toutes les bonnes intentions du monde, n'est pas Fincher, et sa réalisation reste très académique (ce qui ne colle pas vraiment avec le propos, caustique et out of the limits à souhait). Oui, Sam Rockwell, malgré une partition très convaincante, est capable de mieux (Moon) et aurait pu amener le personnage à des sommets de culte qu'il n’atteint ici jamais vraiment.
Ceci étant dit, Choke vaut vraiment le coup d’œil. Une fois qu'on a arrêté de pleurnicher sur ce que ça aurait pu être, on peut se concentrer sur ce que c'est, et il y a du très bon. D'abord, le scénario et la narration sont excellents (on retrouve la patte Palahniuk : structure déchronologique, narrateur à la première personne, et twists excellents pour ce qui est de la forme ; plongée dans la folie et la marginalité dans le fond). On retrouve l'humour acide et désabusé de Fight Club, auquel le film se permet des clins d’œil habiles (la scène des accros au sexe anonymes renvoyant aux réunions de cancéreux auxquelles se rendait Edward Norton chez Fincher, ou encore les flashs subliminaux pour illustrer l'obsession du personnage).
Et surtout, une fin en forme de petite claque, typiquement palahniukienne (mot compte triple) : ou comment gorger la plus sombre et malsaine des histoires d'un romantisme tout à fait inadéquate et déplacé...
« You met me at a very strange time of my life » disait Edward Norton, serrant la main d'Helena Bonham-Carter sur un air des Pixies. En même temps, les héros de Palahniuk vivent-ils jamais des moments normaux ? Victor aurait en tout cas très bien pu citer son illustre prédécesseur cinématographique sur le magnifique Reckoner de Radiohead.
Radiohead, grands copains de Palahniuk : la boucle est bouclée.

Cyprien_Caddeo
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le 18 sept. 2016

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Cyprien Caddeo

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