Il y a ceux qui rêvent d’une vie normale…
… et ceux qui veulent mettre du piment dans leur vie.

« Dans la maison », est l’histoire d’une intrusion. C’est à la rentrée, que Claude élève de seconde, fait irruption dans la classe et surtout dans la vie de Germain (Fabrice Luchini), professeur de français. Passionné de littérature, il s’immobilise à la lecture de la copie de son nouvel élève qui sort du lot parmi le flux monotone et pauvre des autres rédactions. Claude y rapporte qu’il pénètre dans la maison de son camarade de classe Rapha, officiellement pour l’aider en mathématiques, mais en fait il s’agit pour lui de mener une enquête personnelle sur le quotidien d’une famille qu’il juge « normale ».

Claude formidable auteur en herbe, débute alors un feuilleton textuel, dont le support sera la copie simple. Chaque épisode se conclura par un « à suivre » qui comme toute bonne série, donne envie d’en découvrir davantage. Cela donne l’occasion à Fabrice Luchini s’exprimer tout son talent d’orateur. Les épisodes sont lus à voix haute, avec tout le charme propre à la diction de Luchini.

Mais trop occupé à corriger la forme : le style, l’intrigue, l’enchainement des situations, Germain en oublie la situation. Claude le lui dit : pour écrire il faut qu’il s’appuie sur des faits réels. Il doit vivre son irruption dans la maison. Son histoire est celle d’une découverte sociologique presque documentaire qui se mêle à une fascination pour la mère de son copain qui laisse présager une exploration amoureuse. Cette ambivalence de l’histoire est justement ce que critique Germain, qui souligne l’importance qu’il y a à creuser chacune des personnalités de son histoire. Les personnages réels développent alors une existence dans la fiction. C’est Jeanne (Kristin Scott-Thomas), la femme de Germain qui rappelle son mari à l’ordre en sonnant la sirène d’alarme à chaque nouvel épisode. L’histoire prend une tournure dangereuse et Germain se rend complice de ce voyeurisme peu sain. Le jeune Ernst Umhauer (Claude) bon élève qui préfère vivre par procuration plutôt que de se contenter de sa vie apparemment triste (on en verra qu’un seul plan) réussit le tour de force d’installer le malaise sans trop effrayer.

Mais bientôt la fiction et la réalité se mélangent et Claude s’affranchit de son principe qui le guidait jusqu’à présent. Dans un magnifique jeu de reflets, les personnages gagnent alors en autonomie. Les spectateurs deviennent acteurs, et on cherche dans ce vrai palais des glaces l’issue de l’histoire. Germain et sa femme rencontrent plusieurs fois la famille de Rapha, chacun dans des situations différentes. Ils confrontent l’existence fictionnelle des personnages avec leur existence réelle, et c’est assez troublant.
Ces personnages pris à part deviennent aussi des masques ou des facettes : on lit en filigrane les thèmes de la vie par procuration, la projection de Germain dans son élève pour poursuivre son rêve d’écrivain, les choix de façon de mener sa vie, en attendant qu’elle passe, ou en étant acteur.
Mais plus encore le film aborde les rapports humains et leurs possibilités : la relation entre une maman et le copain de son fils, l’élève et le professeur, le couple, l’amitié entre les deux garçons… aussi bien que l’interrogation individuelle sur ce que l’on est. La dualité de chacun, son hésitation, sa tendance bonne ou mauvaise se révèle à mesure du film.

Cherchant une fin pour son histoire, Claude achève son intrusion. Il inclut dans son récit les spectacteurs/ lecteurs (Germain et Jeanne) perquisitionnant leur maison, leur couple, et allant même jusqu’à s’immiscer dans le crâne de son professeur. La métaphore de la maison associée à l’intimité est alors à son comble.
On accepte cette fin contemplative, qui rappelle « Fenêtre sur Cour » où Claude et Germain commentent les situations de vie des habitants d’un immeuble qui leur fait face.
gagaone
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le 18 déc. 2012

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