Les combats en toile de fond inculte se multiplient, se suivent et se ressemblent dans cette fascination monotone de Villeneuve pour son univers en semi-teinte. Villeneuve n'a aucune idée de direction et les fans de ce film n'ont aucune appréciation esthétique développée pour voir la supercherie qui se cache derrière la vision limpide de son Dune Gaza 2080. N'a-t-il jamais vu les prises de vues radieuses de Lawrence d’Arabie ? Son traitement de l'action et de la trame politique de son monde est aussi en dessous de tout ce qu'a fait Besson dans son majestueux Valérian sept ans auparavant. Un film sans fin qui est, par coïncidence, une méditation à 190 millions $ sur les guerres et les conflits sans fin. 

Paul Atreides, interprété par la geule au carré de Timothée Chalamet, scrute les dunes de sable infiniment ternes de Villeneuve et dit de manière risible à Zendaya, déguisée en beurette aux yeux bleus : « C'est à couper le souffle ! » C'est le prélude à leur grand baiser platonique qui est destiné à raccorder la première partie à la deuxième partie, mais il n’y a pas de romance, de mission ou de fascination convaincante qui relie ces personnages à leur planète molle et désertique d'annonce de parfum.

Au final, on constate bien qu'un déclin et une certaine uniformisation sont en place dans le cinéma millénial de science-fiction, qui n'a plus l'envergure de proposer un univers esthétiquement crédible. Dune : Partie 2 suit le moule du roman graphique et du jeu vidéo transposé dans les codes artistiques de la cinématographie, mais néglige le plaisir visuel propre au cinéma, ou même l'émerveillement et le sensoriel que peut procurer le ludisme. Les jeux de pouvoirs à la Game of Thrones, entre la maison Atreides et la maison Harkonnen, sont représentés par des choix peu attrayants et sans aucune prise de risque esthétique. Paul exploite un ver des sables géant, représenté dans des proportions vagues, lointaines et mal jugées, donc l'effet de gigantisme tombe à plat. Son conflit avec le descendant décadent d'Harkonnen, Feyd-Rautha, une espèce de Dark Maul dans la piètre vision de Villeneuve, se transforme en un vide de mise en scène insondable. Villeneuve s'essaie à représenter deux extrêmes moraux. Le messie Paul est une figure christique qui combat le mal représenté par un empire totalitaire sous les traits fascisants de Feyd-Rautha, une espèce de monstre albino grotesque, blanc-ivoire poudreux et glabre, avec des masses Harknonnen qui évoquent les formations nazies du troisième Reich. Quand le film n'est pas noir et blanc, il emprunte un manicheisme brun vu et revu depuis dans maintes trames de science-fiction, même dans le bien meilleur space opera de Snyder. Le monde de Dune est d'emprunt et banal aujourd'hui, aussi simplet que Star Wars, mais sans le pathos, le cinétisme de l'action ou l'excellent apport sonore de John Williams. Le mélange de Villeneuve d’hommes chauves (rapplant un peu le contraste des crânes chauves de Mapplethorpe) et de femmes voilées au cours de la scène médiane de l'arène à la Riefenstahl, mêlant sadisme et anti-spectaculaire, est surprenante, mais inexpressive et sterile dans son abîme. Les scènes et les plans marron sur marron ne reflètent qu'un certain détachement vis-à-vis d'une génération qui ne croit plus en rien, et certainement pas au messie Chalamet avec sa tête de con de première.

Outre le manque d'imagination et d'inspiration esthétique effarant, la vision cramponnée de Villneuve présente sa propre confusion à l'égard de la pertinence du récit de Frank Herbert dans notre époque de conflit de guerre que Villneuve semble vouloir piètrement invoquer. Le film banalise le démantèlement de Gaza après l'attentat génocidaire du 7 octobre et le lendemain de la veille à long terme du Moyen-Orient suite à la guerre d'Irak. Le film use de la sémantique et des slogans des sages-femmes médiums (la Révérende Mère jouée par Charlotte Rampling, Irulan par Florence Pugh, Jessica par Rebecca Ferguson, Lady Margot par Léa Seydoux) pour représenter la perspective myopique du conflit (ça bavarde de « guerre sainte », de « fondamentalistes ») et on ne voit que des pauvres dunes de sables et des montagnes bombardées à l'écran. Ceux qui voient ça comme une parabole moderne ou une représentation convaincante des conflits plus profonde que n'importe quel autre vague récit SF avec des pouvoirs opposés prouvent à mon avis toute leur connerie dans leur lecture débilitante.

Dans Incendies, en 2010, Villneuve réussisait son meilleur film, un tour de maître dans sa façon de tisser des liens entremêlés entre la tragédie grecque et l'impact générationnel des perpétuels conflits du Moyen-Orient sur une famille arabe en Amérique du Nord. Depuis, il n'est devenu qu'un autre tacheron d'Hollywood, un esthète du médiocre qui verse dans les sous-genres de la SF et du cinéma d'action pour ne proposer qu'une trilogie plastique, un Seigneur des anneaux du pauvre qui avance dans les mêmes traces laissées par le talent limité de Peter Jackson. Les tourtereaux fades Chalamet-Zendaya prédisent le déclin de l’Occident, nous sommes tous des Bédouins maintenant, mais sans une culture riche, morale et politiquement éclairante pour nous guider, nous avançons dans un obscurantisme culturel. Incendies était riche en émotions, Dune et aride, vide et terne. Villeneuve n'arrive en rien à proposer une trame aussi surrealiste et imaginaire que Lynch, aussi cosmique et aboutie que Jodorowsky, ou aussi cinétique et mythologique que Snyder. Les cinéphiles acceptent le vide de Villeneuve comme une profondeur ou une révélation filmique, ont fait don de leur cerveau à l'entrée de la salle de cinéma.

DYNASTIA
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le 4 mars 2024

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