Où sont passés nos jeunes années quant on festoyer dans des squattes au milieu de la forêt entre copains ! Moi aussi j’ai connu ça, les soirées dans mon wagon tout équipé, à jouer à Resident Evil, regarder des films d’horreur une bière à la main, ou bien faire des court-métrages gores entre copains. Evil Dead c’est avant toute une histoire de franche camaraderie, un premier long entre amis qui aura mis pas moins de deux ans à sortir de terre avant d’envahir les salles de ciné et les vidéoclub du monde entier avec une réputation de film interdit sur lequel les gens projetaient tous leurs fantasmes les plus enfouies. On parle d’un viole dans la forêt, d'un crayon planté dans la cheville, de possession démoniaque et de cadavre en putréfaction dans une œuvre qui ne respecte ni la bienséance ni même les codes de l’épouvante horreur en vigueur. Le speech est pour le moins des plus classiques : une soirée arrosée entre adolescents dans une cabane isolée qui finit par dégénérer quant un membre de la bande libère accidentellement des forces occultes issues du Necronomicon Ex-mortis aka le livre des morts. Les malheureux se retrouvent piégés dans la vieille bicoque, sans aide ni secours à leur portée, cette nuit de terreur pourra bien être leur dernière, tandis que la seule échappatoire à ce cauchemar les conduiront à une mort certaine.


Le réalisateur n’est pas à son coup d’essai lorsqu’il tente de réunir un budget auprès des différents investisseurs locaux (dentiste, industriels, et commerçants) pour faire de Within the Wood un long-métrage horrifique en compagnie de ses partenaires de galère Rob Tappert et Bruce Campbell, puisqu’à seulement 20 ans, Sam Raimi a déjà une cinquantaine de court-métrage à son actif tourné en Super 8 notamment influencé par son penchant pour les comics, la magie, et les comédies des Trois Stooges. Peu enclin au genre horrifique, Sam y voit surtout l’opportunité d’expérimenter des effets de mise en scène totalement inédit en employant sa caméra 16mm comme le ferai un influenceur débile avec son téléphone portable bien qu’avec plus d’inventivité et de maîtrise technique. C’est ainsi qu’il invente plusieurs procédés « révolutionnaires », notamment la Shakky Cam qui consiste à harnacher l’appareil à une mobylette, un vélo, une simple planche flottante sur l’eau ou bien à bout de bras en se faisant porter par ses assistants afin d’épouser le point de vue subjectif d’un esprit fonçant à travers les arbres et le décor pour s’attaquer aux survivants. L’immersion est saisissante voir même dérangeante et confère une atmosphère d’autant plus oppressante à supporter que l’horreur monte de façon crescendo jusqu’à frôler l’hystérie collective. Le sens de l’espace, la virtuosité des plans et des mouvements totalement hallucinant participent également à renforcer la puissance du hors-champ. L’effroi reste tapi dans le noir, se manifeste par le son et des déformations de l’image avant même de surgir à l’écran par des cas de possession qui feraient passés les revenants de Georges Romero pour des crétins congénitaux.


Cette liberté de ton et de création alimentés par les fortes ambitions de son réalisateur a néanmoins un prix. Les journées seront longues et le travail harassant, le confort est extrêmement rudimentaire, les actrices se plaignent des contraintes qu’implique ce tournage guérilla pour le moins hasardeux, obligeant les équipes techniques à s’adapter et à faire dans le système D. Les plannings sont serrés voir même chaotique puisque Sam Raimi n’a comme dans son univers aucune notion rationnelle du temps qui s’écoule. Seul son film lui importe, et il est évident que jamais il ne serai parvenu à un tel résultat dans des conditions normales de production. C’est bien la précarité et le timing qui vont l’obliger à redoubler d’ingéniosité ce qui implique pas mal de reshoots, d’expérimentations, d’épreuves et de souffrances au quotidien. Pas de quoi décourager pour autant un stakhanoviste comme lui, puisqu’il va continuer les prises de vues plusieurs semaines après la fin du tournage afin de parfaire le long-métrage avec son ami Bruce Campbell qui incarne d’ailleurs le personnage de Ash Williams et qui deviendra comme chacun le sait le futur héros mythologique de la saga , bien qu’il sera ici assez impuissant face au massacre de ses meilleures amis avant de succomber à son tour lors du clap de fin d’un film ô combien terrifiant, bien que délirant par moment.


Malgré sa patine amateur, les effets spéciaux du film participent largement à la réussite du long métrage auprès du grand public, entre les maquillages purulents, la dégueulasserie d’une décomposition confectionné en stop-motion, des amputations, une décapitation et même un viol orchestré par des branches d’arbres entrelacé, la scène paraît d’ailleurs si éprouvante que Sam Raimi finira par la regretter. A sa sortie Evil Dead est un phénomène planétaire nanti d’une réputation certes sulfureuse mais néanmoins élogieuse grâce à Stephen King et à la critique presse de l’époque tel que L’Ecran Fantastique ou Mad Movies qui l’érigent en messie. Les autorités du Royaume-Uni le relègueront au rang des vidéos Nasty ce qui ne fera que décupler sa popularité et renforcer le bouche à oreille auprès des cinéphiles qui veulent mettre la main sur la cassette maudite. D’un budget de 350 000 $ le film en rapportera plus de 30 millions, soit un véritable tour de force pour une œuvre rentré dans l’histoire du 7ème art ainsi que dans l’imaginaire collectif. La « simplicité » apparente du film finit par convaincre toute une génération d’amateurs passionnés de se lancer dans la course à l’échalote afin de reproduire la recette de ce coup de génie hors des circuits de production traditionnel, on pense à des cinéastes pétri de talent tel que Peter Jackson avec son cultissime Bad Taste, ou bien à la nouvelle vague du splatter allemand qui sera persécutés par la censure pour ses excès encore plus gore et sanguinolents. Quant à Ashley, il sera de retour pour un deuxième round en 1987 dans une suite pour le moins démentielle. En tout cas une chose est certaine, c’est que tant que les exécutifs entretiendront la poule aux œufs d’or et qu’ils trouveront des gens assez cons pour rouvrir le Necronomicon, les démons du sinistre Kandar ne manqueront pas d’âmes à tourmenter jusqu’au point du jour !

Le-Roy-du-Bis
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le 17 juil. 2023

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