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En reprenant un vieux Lubitsch à sa sauce, François Ozon signe un mélo plan plan rattrapé par la présence et la prestance de Paula Beer.



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Dans un petit village allemand après la première guerre mondiale, Anna rencontre Adrien, un soldat français venu se recueillir sur la tombe du fiancé de celle-ci, Frantz, tué au front. Adrien, qui devient de plus en plus proche des parents de ce dernier et, évidemment, d’Anna, affirme qu’il a connu Frantz avant la guerre à Paris. On comprend néanmoins sans peine, vu la lourdeur des allusions, qu’Adrien cache les véritables motifs de sa venue. Ozon se plaît alors à laisser planer la possibilité d’un twist homoérotique pendant toute la première partie du film : Adrien et Anna auraient-ils été épris du même homme ? Mais en fait non, pas du tout. Ceux qui connaissaient le film de Lubitsch de 1931 ou la pièce de Maurice Rostang dont il était lui-même adapté n’ont pas été surpris : le film s’appelle (en VF) « L’homme que j’ai tué ». Ce n’était pas mon cas et tant mieux, je crois que je me serais endormie sans la maigre perspective de cette prétendue révélation.


La deuxième partie du film se concentre sur Anna, qui devient passablement déprimée et étranglée par la solitude, ayant renvoyé Adrien à Paris et n’ayant pas pu avouer la vérité aux parents de Frantz (devenus bisounours fervents défenseurs de l’amitié franco-allemande). Elle va alors partir à Paris à la recherche Adrien.


La tirant de sa condition de veuve malheureuse ne vivant que dans le souvenir, Ozon ramène Anna à la vie pour la faire chuter de plus haut et mieux réduire à néant ses certitudes (Frantz était un homme bon et sans défaut) et ses espoirs (l’amour d’Adrien). Anna s’en prend plein la gueule. Loin de moi l’idée de faire un procès en misogynie à Ozon, mais il n’en demeure pas moins que malmener ses héroïnes semble être un motif récurrent dans ses films, que ce soit pour raconter leur supposé fantasme de prostitution sur fond de vide existentiel (Jeune et jolie), leur déchéance (Angel) ou leur mal-être sous toutes ses formes (8 femmes).


Dans l’ensemble, malgré une fin réussie (contrairement aux fins bâclées des derniers Ozon), le film m’a paru bien plat et long, sans doute par son manque de tension dramatique, y compris dans les moments les plus cruciaux de l’intrigue. S’ajoutent à cela des jeux de noir et blanc (pour représenter le présent) vs. couleur (pour les flash back) qui n’apportent rien.


Côté acteurs, Pierre Niney est plutôt transparent – sobre disent les critiques polies. Seule Paula Beer sort réellement du lot et rayonne dans le film, ce qui lui a d’ailleurs valu d’être primée meilleur espoir lors la 73ème Mostra de Venise. Son jeu, tout en demi-sourires et tristesse contenue, s’émaille parfois de fulgurantes ressemblances à une Romy Schneider des meilleurs Sautet.


Et c’est bien pour Paula qu’il faut se coltiner Frantz.


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Camille_Pierrard
5

Créée

le 20 sept. 2016

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