Drôle et sensible, le deuxième long métrage de Justine Triet est certainement le plus réjouissant de la rentrée.
On l’attendait le film intelligent mais léger, qui nous tirerait par moments une larme mais qui, surtout, nous ferait rire. Soyons honnêtes, Nocturama ou Divines étaient beaux mais plombants, de vraies claques qui vous laissent hébété à la sortie de la salle et dont on se remet en s’enfilant trois ou huit épisodes de la série la plus débilitante qui soit. C’est donc avec impatience que j’attendais Victoria, comédie de Justine Triet (La bataille de Solférino) louée par la critique lors du dernier festival de Cannes. Et enfin elle est là.
Victoria est une avocate pénaliste, mère célibataire de deux petites filles, bordélique, esseulée, complètement débordée par les évènements et par sa vie en général. Alors qu’elle tente de garder un semblant de contrôle sur celle-ci, elle est amenée à défendre son ami Vincent (Melvil Poupaud) au cours d’un procès délirant et cathartique qui la précipite dans la crise existentielle. Seul soutien, moral et sentimental : Sam (Vincent Lacoste), jeune ex-client/ex-dealer, qui s’installe chez Victoria pour jouer le baby-sitter, celui de ses filles mais aussi et surtout le sien.
Le film s’affranchit des figures auxquelles tend aujourd’hui à se cantonner la comédie française : familiale, volontiers potache, avec Dany Boon ou Omar Sy, et, en prime, une leçon de vie de type « on est bien ensemble malgré nos différences » (oui je caricature). Même Lolo de Julie Delpy, qui pourrait soutenir la comparaison (héroïne névrosée et Vincent Lacoste dans le rôle d’un ado attardé), ne parait pas relever du même registre que Victoria : moins bien filmé, moins d’effets de style, moins « auteur ». Pour autant, en posant sa caméra – contrairement à son premier long, La bataille de Solférino, entièrement filmé à l’épaule –Justine Triet rend son film moins conceptuel, moins saoulant aussi, et, par là même, plus accessible.
Situations loufoques, répliques ciselées : Triet a le don de faire rire tout en racontant avec finesse la spirale dépressive d’une femme qui perd pied peu à peu, pour finalement remonter à la surface. Le film sonne toujours extrêmement juste dans l’émotion qu’il suscite, notamment lors de cette scène d’une grande puissance où une de ses filles vient consoler l’héroïne qui pleure dans son lit, avec ses mots et ses caresses d’enfants.
Victoria ne serait sans doute pas la réussite qu’il est sans un jeu d’acteur exceptionnel : Virginie Efira véritablement éblouissante de justesse (non ce n’est pas qu’une formule journalistique), drôle mais tout en retenue et en subtilité ; Melvil Poupaud génial dans son rôle de détestable con ; Vincent Lacoste qui gagne en profondeur, une nouvelle fois dans la peau d’un petit jeune, largué en apparence (mais seulement en apparence) ; Laurent Poitrenaux excellent en ex-mari/écrivain raté.
Le film parfait pour un soir pluvieux de septembre, histoire de rire et de se réjouir… avant la prochaine claque.
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